Ceux qui vont en enfer
Etant agnostique, je ne sais pas où ira Stéphane Hessel désormais, mais je doute qu’il emporte vers un quelconque paradis ses ignominies diverses.
Je ne sais pas non plus ce qu’il a pu faire dans son passé avant de devenir sur ses vieux jours ce qu’il est devenu : ce que je sais, comme toute personne un tant soit peu informée, est qu’il a menti sur ses origines puisqu’il n’était pas juif, sur ses activités pendant la guerre, puisqu’il a été, selon l’excellente expression de Pierre André Taguieff, un « résistant de bureau », à Londres, ainsi que sur ses activités immédiatement après la guerre, puisqu’il n’a observé que de loin, en position de porte-coton très subalterne, la rédaction de la Déclaration Universelle des droits de l’homme.
Est-ce une carrière de diplomate médiocre et frustré qui l’a poussé, une fois devenu octogénaire, à ces constants jets de bile ?
A t-il pensé toute sa vie ce qu’il a semblé penser ces dernières années ? Lui seul connaissait la réponse. Les questions ne lui ont pas été posées. Et même si elles lui avaient été posées, il était doté, semble-t-il, de ce trait rare et infect qui faisait que pas une parole qu’il prononçait ne pouvait être prise autrement que comme une déjection, enrobée, bien sûr, dans une posture de contentement de soi intense.
La spécialité de Stéphane Hessel, celle qui lui a valu une célébrité tardive et les flots d’adulation de tous les adeptes de l’imbécilité contemporaine et de la pensée torve, a été « l’indignation » : un mot vide qui permet à celui qui l’emploie de trépigner sur place et d’être, comme disait Pierre Dac, contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre et de séduire à tous vents.
Mais il était un pays qui l’indignait particulièrement, Israël, et il n’est quasiment pas une saloperie traînant dans un caniveau antisémite, presque pas une obscénité ramassée dans l’esprit malade d’un islamiste qu’il n’ait reprise à son compte : comme ses énoncés étaient formulés sur un ton calme et pondéré, il rendait acceptable ce qui, sorti de la bouche d’un barbu excité aurait paru vil et cloacal.
L’homme qui a osé comparer le Hamas à la résistance française
Il restera, à mes yeux, l’homme qui a osé comparer le Hamas à la résistance française et Israël au régime nazi: aucun Français, à ma connaissance, n’avait osé avant lui, ou alors, peut-être un gauchiste traînant dans la vague cafétéria d’une vague université un peu crasseuse.
Il restera aussi, à mes yeux, l’homme qui a osé dire, en une phrase que n’aurait pas désavoué Jean-Marie Le Pen, que l’occupation allemande en France avait été « relativement inoffensive » et que les occupants avaient voulu « agir positivement » : si on lui avait demandé s’il pensait que l’occupation avait été inoffensive pour les Juifs et si l’action positive avait été les convois envoyés vers Auschwitz, il aurait pu utiliser l’une de ses plus belles formules: « Les Juifs pensent qu’ils ne peuvent pas être véritablement aimés par les autres ».
Et sans doute les Juifs pensaient, à tort, qu’ils n’étaient pas véritablement aimés en France à l’époque.
Stéphane Hessel avait concernant les Juifs des idées qui, tout bien pesé, n’étaient pas si éloignées de celles d’hommes tels que Robert Brasillach et Lucien Rebatet.
L’un et l’autre n’ont pas parlé d’Israël : le premier parce qu’il a été fusillé en 1945, le deuxième parce qu’il a été condamné à mort en 1946, gracié et maintenu sous surveillance ensuite.
Qu’un tel homme ait pu écrire un texte (je ne peux parler d’un livre pour quelques centaines de lignes indigentes) vendu à des millions d’exemplaires pourrait être suffisant pour définir cette triste époque. Gilles-William Goldnadel dans son livre
Le vieillard m’indigne a dit, de manière brillante, tout ce qu’il fallait en dire.
Que des hommages unanimes lui soient rendus aujourd’hui montre que nous avons vraiment touché le fond.
Qu’il soit qualifié d’ »humaniste » dans quelques journaux révèle à quel point les mots ont perdu leur sens. Si l’ami de terroristes tueurs de Juifs est un humaniste, c’est qu’Ismaïl Haniyeh est un philanthrope, sans doute.
Des députés socialistes ont évoqué l’idée de funérailles nationales : qu’attendre d’autre de socialistes, direz-vous. François Hollande a parlé d’un inlassable « défenseur des droits de la personne humaine » : qu’attendre d’autre d’un Président socialiste ?
Les dirigeants de l’UMP n’ont pas usé de termes très différents, hélas.
Une pétition est en ligne qui demande l’entrée d’Hessel au Panthéon : si le ridicule tuait, les rédacteurs et les signataires de la pétition ne seraient plus de ce monde.
Mais si le ridicule tuait, la France perdrait d’un seul coup l’essentiel de ses prétendues élites.
Seul Richard Prasquier, pour l’heure, a osé énoncer quelques critiques, et je rends hommage à son courage.
J’ai lu dans Le Monde que la mort était un grand projet pour Stéphane Hessel.
S’il avait réalisé ce projet plus tôt, il m’arrive de penser en cet instant qu’il aurait au moins fait quelque chose de bien dans sa vie.
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