Photo ci-dessus : combattants touareg lorsqu’ils ont pris
Tombouctou en avril 2012.
Editorial de Bernard Lugan
Un bilan provisoire des évènements sahéliens du mois de janvier permet de mettre trois grands points en évidence :
1) La fermeté des autorités algériennes lors de la prise d’otages d’In Aminas.
Cette dernière s’explique par plusieurs raisons :
- L’actuel état-major opérationnel algérien est formé des officiers qui, sur le terrain, menèrent la lutte contre les islamistes lors de la terrible guerre civile de la décennie sanglante des années 1990.
- Le risque étant de devoir subir les pressions des pays dont des ressortissants étaient détenus par les preneurs d’otages, les Algériens ont craint des pressions qui allaient déboucher sur l’enlisement et sur des négociations, donc sur une victoire des preneurs d’otages. Alger n’avait pas l’intention de laisser ces derniers dicter une ligne de conduite à l’Etat.
- L’Algérie a toujours proposé aux preneurs d’otages un choix clair : se rendre sans conditions ou mourir.
- Tirant plus de 90% de ses ressources des hydrocarbures, Alger ne pouvait pas courir le risque, par une politique de faiblesse, de donner des idées à d’autres terroristes, la protection de tous ses sites de productions étant difficile.
2) La Libye est aujourd’hui le sanctuaire de toutes les déstabilisations.
Les preneurs d’otages d’In Amenas venaient de Libye, ce qui confirme que ce pays a échappé à tout contrôle et que les terroristes islamistes y bénéficient d’importants appuis. Un nouveau sanctuaire pour Aqmi est d’ailleurs en phase de constitution dans la partie sud de ce pays où le renversement du colonel Kadhafi a provoqué le chaos.
Les problèmes qui vont s’y poser risquent d’y être autrement plus complexes que ceux que nous avons eu à traiter au Mali en raison de la proximité de ces foyers de déstabilisation que sont le Darfour, l’espace Toubou, le fondamentalisme islamiste de Boko Haram au Nigeria et la RCA.
3) La promenade militaire de l’armée française ne doit pas faire oublier que derrière le nuage islamiste se cache le réel ethnique.
La vraie question qui se pose est celle des relations entre nordistes et sudistes ; pas seulement au Mali, mais dans tout le Sahel où, depuis la nuit des temps, ils sont en rivalité pour le contrôle des zones intermédiaires situées entre le désert du nord et les savanes du sud.
Au Mali, les Touareg qui refusèrent d’être soumis aux sudistes se soulevèrent à maintes reprises et sur ce terreau propice se développèrent les trafiquants de toutes sortes puis les islamistes. L’intervention française du mois de janvier 2013 ayant permis de repousser, ou, du moins, de rendre plus discrets ces derniers, nous en sommes donc revenus à la question : celle de la cohabitation au sein d’un même Etat artificiel de plusieurs populations n’ayant aucune réelle volonté de vivre ensemble.
Aujourd’hui, les Touareg ne veulent pas voir revenir dans les fourgons français une armée malienne qu’ils culbutèrent, cependant que les Maliens du sud, Bambara, Soninké et Malinké, en veulent plus aux Touareg qu’aux islamistes, considérant – à juste titre d’ailleurs -, que ce fut le soulèvement du MNLA qui permit aux fondamentalistes de se glisser dans le jeu régional.
Bernard Lugan
SOMMAIRE :
Actualité :
- Centrafrique : Ces cycles ethniques qui expliquent l’instabilité
- Mayotte : « On a créé un département il faut l’assumer »
Dossier : Afrique du Sud
- La réélection de Jacob Zuma à la tête de l’ANC
- Une situation économique et sociale qui se détériore
- La situation de la population blanche
Source : Le blog de Bernard Lugan. S’abonner à l’Afrique Réelle, c’est ici.
Crédit photo : Magharebia, via Flickr (cc).
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