Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a levé certaines restrictions pesant sur l’emploi des Roms en France, qui seraient aux alentours de 15 000, suscitant la joie de la Commission européenne.
Et pour cause : c’est elle qui l’exigeait !
Le plus ahurissant est encore ailleurs : dans les 27 milliards d’euros que l’Union européenne met à disposition des pays de l’UE pour « insérer » les Roms !
En pleine crise économique et financière, les Roms ont priorité sur « les non-Roms » !
La semaine dernière, en plein débat sur le démantèlement de campements sauvages de Roms, le quotidien « Sud Ouest » publie une interview de Viviane Reding (ci-contre), vice-présidente de la Commission européenne. La Luxembourgeoise, qui siège à Bruxelles depuis une bonne douzaine d’années, est commissaire « à la justice, aux droits fondamentaux et à citoyenneté ». C’est elle qui, alors que la France de Nicolas Sarkozy voulait accélérer les expulsions de Roms, avait finement déclaré : « Les circonstances donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un Etat membre juste parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale. » Ce qui s’appelle déconner à pleins gaz mais ne lui a pas coûté sa place, au contraire.
Dans « Sud-Ouest » du mercredi 22 août donc, sous le titre : « Les Roms sont chez eux en Europe », il est demandé à Viviane Reding ce que « représentent les moyens financiers mis à disposition par l’Europe ». Réponse de la Luxembourgeoise : « Au niveau européen, 26,5 milliards d’euros ont été mis à la disposition des Etats membres pour soutenir leurs stratégies nationales d’intégration des Roms entre 2007 et 2013. » Tout d’abord, on croit à une coquille. Madame Reding a parlé de millions et, emporté par son bon cœur, « Sud-Ouest » les a transformés en milliards. On attend donc, dans l’édition du lendemain, l’erratum… qui ne vient pas. Et pour cause.
26,5 milliards maintenant, 53 milliards en 2020 ?
Renseignements pris auprès des aimables services de la Commission européenne, les sommes « mises à disposition » des vingt-sept pays de l’Union européenne pour « soutenir leurs stratégies nationales d’intégration des Roms » s’élèvent bien à 26,5 milliards d’euros sur la période 2007-2013 ! Et devant notre incrédulité, la Commission nous en adresse la preuve sous la forme d’un document intitulé « Stratégies nationales d’intégration des Roms : un premier pas dans la mise en œuvre du Cadre de l’UE ». Lequel a été très officiellement remis au Parlement européen et au Conseil (des ministres) de l’UE le 21 mai dernier.
Rapporté à la tête de Rom, ça ne fait jamais que 2 500 euros par individu. Mais, d’une part, les familles sont généralement nombreuses de sorte que ça fait un montant par foyer bien supérieur à nos allocations familiales et, d’autre part, il y a beaucoup de Roms en Europe… bien qu’on n’en connaisse pas exactement le nombre.
La Commission européenne elle-même parle d’une « population estimée entre dix et douze millions d’individus ». Soit 20 % de marge d’erreur, pour deux millions de plus ou de moins, ce qui devrait amener à se pencher sur le sérieux d’Eurostat, le service de statistiques de la Commission européenne qui a posé sa calculette… au Luxembourg. Décidément.
Dans le document du 21 mai, produit dans toutes les langues possibles – et dont on n’est pas prêts d’être débarrassés puisqu’il affiche pour fin de validité le « 99/99/9999 », signe au moins que la Commission européenne n’a pas programmé la fin du monde pour 2012… –, il est affirmé, dès la deuxième phrase, que les Roms « sont très souvent victimes de racisme, de discriminations et d’exclusion sociale », qu’ils sont « victimes de discriminations sur le marché de l’emploi », lesquelles constituent un « gaspillage de main-d’œuvre » (sic) rendant « encore plus difficiles les tentatives faites pour assurer la croissance » ! Authentique !
Et l’on comprend pourquoi il a été nécessaire de budgétiser 26,5 milliards d’euros quand on lit que « c’est aux Etats membres que reviennent en premier lieu la responsabilité et la compétence d’améliorer le sort de leurs populations marginalisées, et c’est donc à eux qu’il incombe d’abord et avant tout de prendre des mesures de soutien en faveur des Roms », tout ceci ayant été planifié pour une période courant jusqu’à 2020 (pour la première phase), ce qui amène à penser que les 26,5 milliards d’euros prévus pour 2007-2013 pourraient bien devenir le double, soit 53 milliards, pour financer ces bonnes oeuvres jusqu’en 2020…
Apprenez à reconnaître les Sintis, Kalés, Boyash, Ashkalis…
Le maître mot de l’Union européenne, c’est l’« inclusion » – l’opposé, on l’a compris, de la si détestable « exclusion ». Et une « inclusion » qui soit « durable », c’est-à-dire qui leur permettre de recevoir un enseignement de qualité, d’être bien soignés, d’avoir un travail digne de leurs compétences et de bénéficier d’un logement à la taille de leur progéniture. Sans que l’objectif de 80 % de réussite au Bac soit affiché, « une plus grande participation des Roms à l’enseignement supérieur » est quand même explicitement exigée et ne semble pas faire écho à l’occupation des campus universitaires par les caravanes lors de la période estivale.
Hélas, trois fois hélas, comme Viviane Reding, la « communication 2012/0226 final »de la Commission européenne relève que les Etats ne montrent pas beaucoup de zèle à utiliser ces 26,5 milliards. Aussi a-telle décidé d’« évaluer les stratégies nationales » afin de rappeler à l’ordre les récalcitrants. En commençant par leur rappeler qu’il n’y a pas différentes sortes de Roms, les propres sur eux qui auraient droit à leur bienveillance et un lumpenprolétariat que l’on pourrait abandonner à son triste sort, mais une seule catégorie, « Rom » étant utilisé pour désigner aussi bien les Roms en tant que tels que les « Sintis, Kalés, Tsiganes, Romanichels, Boyash, Ashkalis, Egyptiens, Yéniches, Doms, Loms, etc. » ainsi que « les Gens du voyage, tout en reconnaissant les spécificités et la diversité des modes et conditions de vie de ces groupes » que chaque Etat de l’UE se doit évidemment de connaître…
Avec 26,5 milliards d’euros, il y a de quoi faire et la Commission de Bruxelles ne manque pas d’idées. Comme d’« améliorer la formation des enseignants » pour qu’ils puissent dispenser leur savoir aux petits Roms, comme si la priorité, en Europe et particulièrement en Fran ce, n’était pas d’améliorer la formation des enseignants pour qu’ils apprennent quelque chose à nos enfants ! La Commission donne en modèle les Etats qui vont encore plus loin que ses préconisations, en proposant « des mesures de soutien supplémentaires, comme des programmes d’enseignement et d’apprentissage en langue romani » – pour l’« inclusion », on repassera –, ou la Slovénie, qui a fait appel à des « médiateurs roms » afin de faciliter le dialogue entre enseignants et élèves. Ou encore la Finlande, où, de la petite enfance à l’entrée sur le marché du travail, chaque Rom est accompagné en un service personnalisé digne de nos précepteurs d’autrefois afin de leur éviter « l’orientation inappropriée vers l’enseignement spécialisé ».
Plus les Roms travailleront, mieux ce sera pour l’économie !
Car le Rom, s’il est souvent plus sale que d’autres – à son corps défendant si l’on peut dire, car c’est rarement de sa faute –, n’est pas plus bête que nous autres, ceux que les services de Viviane Reding appellent « les non-Roms » ! On se croit français, italien, finlandais voire luxembourgeois, bref, européen, eh bien non, on n’est qu’un « non- Rom ». Ça en bouche un coin en même temps que ça rabat le caquet et conduit à une saine modestie…
Mais comment aider les Roms à moins connaître le chômage que les non-Roms ? En les aidant, par exemple, à faire garder leurs enfants, ce qui va nécessiter un sacré déploiement de crèches – remarque, précisons-le, qui ne relève pas d’une malsaine pensée malthusienne mais résulte d’une simple observation du groupe étudié. Car comme le dit le rapport : « Une augmentation de la participation des Roms au marché du travail dans les Etats membres comptant une importante population rom apportera des avantages économiques évidents, et plus encore en ces temps de difficultés économiques. » A regretter, donc, qu’il n’y en ait pas plus en France, d’autant qu’il est une main-d’œuvre qui a droit, elle aussi, à faire son entrée sur le marché du travail : la Rom, la femme rom, qui ne doit plus être cantonnée à la caravane, pardon, au foyer.
Dans le domaine de la santé, ce qui préoccupe en premier lieu les services de Viviane Reding est le bien-être des Roms, chose certes louable, mais on aurait quand même apprécié de savoir quelles sont les conséquences sanitaires, sur les non-Roms, de la dissémination des Roms jusqu’aux confins les plus occidentaux et les plus septentrionaux de l’Europe. De cela, il n’est pas question. Pour la « préparation » des personnels de santé « à travailler avec des personnes d’origines socioculturelles différentes » en revanche, il y a des sous, notamment pour « prévenir les comportements dictés par les préjugés chez les professionnels de la santé », sorte de présomption de culpabilité discriminatoire qui fera plaisir aux médecins de nos campagnes qui se tapent des Roms sous CMU matin midi et soir sans se poser de question en vertu du serment d’Hippocrate qu’ils ont prêté : « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera. »
Le Fonds européen agricole à disposition pour les Roms !
Ce n’est pas l’Ordre français des médecins mais l’Irlande que la Commission cite en exemple, pour sa propension à faire appel à des femmes roms afin que celles-ci proposent aux Roms « des soins de santé primaires qui tiennent compte des valeurs de cette communauté ». Quelles « valeurs » ? Ce n’est pas dit. Mais comme disait une femme de ménage de notre connaissance, qui n’était pas rom mais n’en avait pas moins des valeurs : « Ce n’est pas sale, c’est de la poussière ! »
Une surprise est que la France, tant décriée en ce moment pour le démantèlement des camps de Roms, est citée comme modèle pour sa politique de logement en leur faveur ! Du moins ces « autorités locales [qui] ont aménagé des “villages d’insertion“ afin de répondre aux besoins des personnes défavorisées et notamment des Roms qui vivent dans des campements illégaux ». « D’autres autorités locales, promet la Commission, reproduiront ce type de projet, avec le soutien du Fonds européen de développement régional », le Feader, dont on pensait jusque-là qu’il aidait au développement des régions d’Europe et pas à ceux qui ont entrepris de s’y installer… Telle est pourtant sa nouvelle mission, en partenariat avec le Fonds de cohésion et le Fonds social européen, lequel a aussi vocation à « renforcer la capacité d’action des organisations roms ».
On aurait pu penser que ce texte visait en premier lieu, voire exclusivement, les pays à forte concentration de Roms, comme la Roumanie ou la Bulgarie. Que nenni. Tous les pays de l’Union européenne – y compris le Luxembourg ? – sont sommés par la Commission de consacrer « aux mesures d’inclusion des Roms un financement suffisant à charge de leur budget national, à compléter le cas échéant par des fonds de l’UE et par un financement international ». Et de faire appel, si besoin est, aux ressources du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), dont on croyait bêtement qu’il était là pour aider ce qu’il reste de notre paysannerie ! Que les services de Madame Reding comparent les taux de suicide chez les Roms et chez les paysans français, et ils comprendront peut-être qui a le plus besoin d’être aidé !
Parce que franchement, ce n’est pas pour aider « les Etats membres à combler les écarts entre les Roms et la population majoritaire » que l’on a bâti l’Europe. Mais pour la paix et la prospérité de ladite « population majoritaire ». Vous savez, « les non- Roms »…
Antoine Vouillazère