Rédigé par Jean-Dominique Merchet le Jeudi 6 Décembre 2012 à 17:56
Le quotidien s'emmêle les pinceaux à propos des "propositions chocs du livre blanc".
La lecture du Parisien de ce matin laisse pantois. Sous le titre : "Défense : les proposiitons chocs du Livre blanc", le journal publie, en "exclusif" une série de "pistes d'économies qui tiennent la corde dans le livre blanc de la défense". C'est, malheureusement, un peu tout et n'importe quoi. Et c'est d'autant plus surprenant que Le Parisien dispose d'un excellent spécialiste de ces questions, Bruno Fanucchi, qui n'a visiblement pas été associé à cet article. Revue de détails, au risque de violer une règle quasi sacro-sainte du métier, celle de ne pas dire de mal de ses confrères.
1) "Economiser un milliard par an sur le budget militaire".
Il est évident que le budget de la défense ne va pas augmenter dans les prochaines années et que la future loi de programmation militiaire, qui sera présentée à l'été 2013, se traduira par une baisse des crédits. Sauf que les arbitrages n'ont pas eu lieu ! Ni au sein de la commission du livre blanc, ni au ministère de la défense, ni surtout à l'Elysée.
La méthode choisie par François Hollande est même exactement le contraire : il a demandé expréssement que le Livre blanc, en cours de rédaction par une commission de grands responsables et d'experts, déterminent les grands enjeux stratégiques et les réponses possibles de la France, avant d'aborder les questions budgétaires. Deux acteurs majeurs de ce dossier nous confiaient récemment que ce choix avait d'ailleurs plutôt tendance à compliquer les choses : "Si l'Elysée nous avait donné une enveloppe dans laquelle faire rentrer nos choix, ça aurait été plus simple. Mais ce n'est pas le cas !"
A combien s'éleveront les réductions à venir ? Nul ne le sait ! Non pas parce que le chiffre est soigneusement caché dans un coffre de l'Elysée, mais tout simplement parce que la décision n'est pas prise...Et qu'elle ne le sera pas avant des mois.
2) "Diviser par trois le nombre de bases militaires".
Le non-spécialiste (c'est à dire la quasi totalité des lecteurs de la presse) comprend que l'on va fermer une base sur trois - le journal précisant même qu'il s'agit bien de "sites". Les deux tiers des casernes, des bases aériennes et navales seraient donc fermées, après la dernière grande vague de fermeture décidée en 2008 par le gouvernement Fillon.
1) "Economiser un milliard par an sur le budget militaire".
Il est évident que le budget de la défense ne va pas augmenter dans les prochaines années et que la future loi de programmation militiaire, qui sera présentée à l'été 2013, se traduira par une baisse des crédits. Sauf que les arbitrages n'ont pas eu lieu ! Ni au sein de la commission du livre blanc, ni au ministère de la défense, ni surtout à l'Elysée.
La méthode choisie par François Hollande est même exactement le contraire : il a demandé expréssement que le Livre blanc, en cours de rédaction par une commission de grands responsables et d'experts, déterminent les grands enjeux stratégiques et les réponses possibles de la France, avant d'aborder les questions budgétaires. Deux acteurs majeurs de ce dossier nous confiaient récemment que ce choix avait d'ailleurs plutôt tendance à compliquer les choses : "Si l'Elysée nous avait donné une enveloppe dans laquelle faire rentrer nos choix, ça aurait été plus simple. Mais ce n'est pas le cas !"
A combien s'éleveront les réductions à venir ? Nul ne le sait ! Non pas parce que le chiffre est soigneusement caché dans un coffre de l'Elysée, mais tout simplement parce que la décision n'est pas prise...Et qu'elle ne le sera pas avant des mois.
2) "Diviser par trois le nombre de bases militaires".
Le non-spécialiste (c'est à dire la quasi totalité des lecteurs de la presse) comprend que l'on va fermer une base sur trois - le journal précisant même qu'il s'agit bien de "sites". Les deux tiers des casernes, des bases aériennes et navales seraient donc fermées, après la dernière grande vague de fermeture décidée en 2008 par le gouvernement Fillon.
Or, les "bases de défense" dont il est question ne sont pas des implantations, mais des structures adminstratives nouvellement créées qui assurent le soutien des troupes. Comme nous l'avons rapporté à de nombreuses reprises, leur mise en place est difficile et la réduction de leur nombre, déjà engagée, est possible.
3) "Le centre sportif d'équitation militaire de Fontainebleau sur la sellette" et "moins de fanfares militaires".
Certes, dans la presse, il faut faire de la proximité et du concret, mais un Livre blanc ne s'intéresse pas à ce genre de choses.
3) "Le centre sportif d'équitation militaire de Fontainebleau sur la sellette" et "moins de fanfares militaires".
Certes, dans la presse, il faut faire de la proximité et du concret, mais un Livre blanc ne s'intéresse pas à ce genre de choses.
Ce n'est tout simplement pas sa mission : on lui demande de réflechir sur les menaces qui pèsent sur notre pays et sur le contexte stratégique dans lequel il évolue : quels risques de cyberguerres et de prolifération d'armes de destruction massive ? Quelles relations avec l'Otan ? Comment relancer la défense européenne ? Quelles évolutions de la Chine ou du monde arabe dans les 15 prochaines années, etc etc. Honnêtement, l'avenir d'un centre sportif d'équitation militaire...
4) "Armée de terre : entre 5000 et 10000 recrues de moins par an".
Là encore, aucune décision n'est prise et le journal utilise une formule habile "le livre blanc devrait accentuer cette décrue"...
4) "Armée de terre : entre 5000 et 10000 recrues de moins par an".
Là encore, aucune décision n'est prise et le journal utilise une formule habile "le livre blanc devrait accentuer cette décrue"...
Ce n'est en tout cas pas l'avis du principal intéressé et défenseur des effectifs de l'armée de terre, son chef d'état-major, qui estime avoir convaincu le pouvoir politique de l'impossibilité d'une nouvelle réduction drastique, au vu des engagements internationaux de la France.
Ce qui d'ailleurs ne fait pas plaisir à ces petits camarades des autres armées. Le Parisien affirme que les effectifs "fondraient avant tout en Guyane, Nouvelle-Calédonie et Polynésie". Or, selon les échos qui nous reviennent de la commission, le Livre blanc devrait au contraire mettre l'accent sur l'outre-mer, qui avait été un peu sacrifié par le Livre blanc précédent... Quant à la Guyane, elle revêt une grande importance militaire : les armées y sont engagées dans une grande et difficile opération militaire (Harpie) contre les orpailleurs et elles assurent la protection du centre spatial guyanais ! Et peut-être demain des champs de pétrole au large des côtes... C'est dire si on va y baisser la garde.
5) Le budget du nucléaire "désanctuarisé".
Dans un texte paru en décembre 2011, le candidat Hollande s'engageait à "maintenir" la dissuasion, faisant taire d'avance tous ceux qui, à gauche et ailleurs, rêvaient de réduire l'armement nucléaire. Une position d'une extrême fermeté, qu'il a ensuite manifesté - toujours comme candidat - lors d'une visite à l'Ile Longue, puis, à peine élu, en faisant une plongée à bord d'un SNLE. "La Fance serait notamment susceptible de renoncer aux missiles embarqués sur des chasseurs Mirage 2000 et Rafale" écrit le journal. Il se trouve que ces missiles ASMPA ont été livrés et payés ! Belles économies en perspective. D'autant que Hollande l'a formellement exclu ! Quant à réduire le nombre de sous-marins lanceurs d'engins (trois contre quatre aujourd'hui), cette décision remetttrait en effet en cause le principe de la permanence à la mer.
5) Le budget du nucléaire "désanctuarisé".
Dans un texte paru en décembre 2011, le candidat Hollande s'engageait à "maintenir" la dissuasion, faisant taire d'avance tous ceux qui, à gauche et ailleurs, rêvaient de réduire l'armement nucléaire. Une position d'une extrême fermeté, qu'il a ensuite manifesté - toujours comme candidat - lors d'une visite à l'Ile Longue, puis, à peine élu, en faisant une plongée à bord d'un SNLE. "La Fance serait notamment susceptible de renoncer aux missiles embarqués sur des chasseurs Mirage 2000 et Rafale" écrit le journal. Il se trouve que ces missiles ASMPA ont été livrés et payés ! Belles économies en perspective. D'autant que Hollande l'a formellement exclu ! Quant à réduire le nombre de sous-marins lanceurs d'engins (trois contre quatre aujourd'hui), cette décision remetttrait en effet en cause le principe de la permanence à la mer.
Là encore, cela ne va pas dans le sens de l'orientation du président de la République.
On voit bien que divers lobbies s'agitent autour de ces questions : pas seulement les pacifistes et les écologistes, mais surtout certains militaires et industriels de l'armement qui trouvent que trop d'argent est dépensé pour le nucléaire et... pas assez pour leur boutique ! Si reflexion il y a au sein de la commission sur le nucléaire - dans un cadre très bordé - elles portent surtout sur l'idée que l'on entre dans "un nouvel âge de la dissuasion nucléaire, après l'ère post-guerre froide."
On voit bien que divers lobbies s'agitent autour de ces questions : pas seulement les pacifistes et les écologistes, mais surtout certains militaires et industriels de l'armement qui trouvent que trop d'argent est dépensé pour le nucléaire et... pas assez pour leur boutique ! Si reflexion il y a au sein de la commission sur le nucléaire - dans un cadre très bordé - elles portent surtout sur l'idée que l'on entre dans "un nouvel âge de la dissuasion nucléaire, après l'ère post-guerre froide."
Pour les rares experts qui planchent sur la question, l'affaire se joue aujourd'hui en Asie et la question est de savoir comment "repenser" notre posture de dissuasion dans ce nouveau contexte. Quant aux décisions à prendre sur l'avenir de la force de dissuasion, elles attendront sans doute la fin du quinquennat, puisque techniquement, rien n'oblige d'aller plus vite.
6) "Davantage de membres permanents au Conseil de sécurité de l'ONU".
Une "piste d'économies" ? On se demande ce que cette proposition - que la France soutient officiellement depuis des années - vient faire ici. Partager le coup des opérations de maintien de la paix, comme l'avance le journal ? Mais le Japon et l'Allemagne, qui ne sont pas membres permanents du Conseil, y participent déjà largement, comme tout le monde, et même plus que la France !
7) Des "missions externalisées".
"Certaines prestations (restauration, nettoyage des locaux, entretien des espaces verts) seraient confiées à un prestataire unique", écrit le journal. Sauf que c'est déjà le cas ! Et pas seulement pour ce type de prestations "civiles"...
6) "Davantage de membres permanents au Conseil de sécurité de l'ONU".
Une "piste d'économies" ? On se demande ce que cette proposition - que la France soutient officiellement depuis des années - vient faire ici. Partager le coup des opérations de maintien de la paix, comme l'avance le journal ? Mais le Japon et l'Allemagne, qui ne sont pas membres permanents du Conseil, y participent déjà largement, comme tout le monde, et même plus que la France !
7) Des "missions externalisées".
"Certaines prestations (restauration, nettoyage des locaux, entretien des espaces verts) seraient confiées à un prestataire unique", écrit le journal. Sauf que c'est déjà le cas ! Et pas seulement pour ce type de prestations "civiles"...
Le gardiennage de l'Ecole militaire est assuré par une société privée, comme la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, par exemple.
Mieux : le futur ministère de la défense à Balard est construit dans le cadre d'un partenariat public privé avec Bouygues, qui en échange d'un loyer s'occupera des locaux pendant trente ans. Quant à savoir s'il s'agit là d'une "piste d'économie", c'est une tout autre affaire !
8) "Le recours à des sociétés militaires privées ?"
Citant un "expert militaire", le journal avance comme argument que "ces mercenaires ne sont plus des fonctionnaires à qui il faudra verser un jour une retraite"...
8) "Le recours à des sociétés militaires privées ?"
Citant un "expert militaire", le journal avance comme argument que "ces mercenaires ne sont plus des fonctionnaires à qui il faudra verser un jour une retraite"...
La question ne se pose vraiment pas en ces termes : elle est de savoir si la législation française peut autoriser la vente par des sociétés de droit français de services de natures militaires à des sociétés privées ou à des Etats étrangers (essentiellement protection de sites industriels à l'étranger ou de navires dans des zones de piraterie, voire de formation) . Il ne s'agit en aucun cas de remplacer nos régiments d'infanterie par des mercenaires !
Quant à l'argument des retraites, la plupart des engagés ne restent pas suffisamment longtemps sous les drapeaux (17 ans minimum) pour pouvoir bénéficier d'une pension militaire...
Source et publication: http://www.marianne.net/blogsecretdefense/
Livre blanc : le Parisien sous le choc...