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LES NOUVEAUX " COLONIALISTES " !

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Le Point.fr - Publié le 03/12/2012 à 17:29 - Modifié le 04/12/2012 à 09:40

Leïla Shahid, ambassadrice de la Palestine auprès de l'UE, s'indigne du manque de réactions après l'annonce de nouvelles colonies israéliennes.

 

 

À peine admis à l'Assemblée générale de l'ONU, le nouvel État palestinien est-il déjà torpillé ? La décision d'Israël de construire 3 000 logements supplémentaires en territoire palestinien - en Cisjordanie, ainsi qu'à Jérusalem-Est - rend encore plus hypothétique la viabilité sur le terrain d'un futur État palestinien, la Cisjordanie se retrouvant de fait coupée en deux. Représentante de l'Autorité palestinienne auprès de l'Union européenne, Leïla Shahid explique au Point.fr pourquoi l'indignation de la communauté internationale est purement rhétorique et réclame des sanctions contre l'État hébreu. 

 

Le Point.fr : Comment avez-vous réagi à l'annonce de nouvelles constructions en territoire palestinien ?

Leïla Shahid : Le but de la construction de la zone E1 (1) est d'encercler Jérusalem-Est, et donc de couper la ville de la Cisjordanie. Tout d'abord, E1 est déjà en partie construite. Les 3 000 nouvelles unités ne vont que couper Jérusalem de la route de Jéricho, qui mène à Amman (Jordanie). Or, cet axe est le poumon de notre État.

Pour la première fois, la communauté internationale a réagi fermement. 

Détrompez-vous. Il n'y a rien de nouveau. Ce qu'ont déclaré les États-Unis, la France ou la Grande-Bretagne relève de la position classique de ces pays, chaque fois qu'Israël annonce de nouveaux projets de colonisation.

Cela, nous l'entendons depuis maintenant 30 ans. Je remarque au passage que la France n'a même pas pris la peine de convoquer son ambassadeur à Tel-Aviv, ce qui aurait été beaucoup plus fort. Tout cela n'est que rhétorique, et Israël le comprend bien.

Avec Benyamin Netanyahou, les paroles ne servent à rien. La preuve, lors de sa dernière visite au Palestine, Hillary Clinton a demandé au Premier ministre israélien de ne pas prendre de mesures de rétorsion.

La presse israélienne parle d'ailleurs de gifle infligée à Barack Obama.

C'est plus qu'une gifle. C'est un bras d'honneur d'Israël à toute la communauté internationale, à tous ceux qui ont voté en faveur d'un État palestinien à l'ONU. Comment pourrait-on expliquer sinon que cette décision ait été prise seulement 24 heures après la proclamation de cet État ?

Cela ne fait que prouver l'arrogance et le mépris d'Israël à l'encontre de la communauté internationale. Rien ne changera tant que celle-ci ne décidera pas de sanctions.

Quelles seraient-elles ? 

Si les États qui ont voté en faveur de l'admission de la Palestine à l'ONU sont réellement sérieux, ils prendraient des mesures de rétorsion économiques et politiques. Une seule personne l'a fait jusqu'ici, c'était Claude Cheysson (ancien ministre des Relations extérieures de François Mitterrand, NDLR).

Il y a 30 ans, Israël a décidé de fermer les universités palestiniennes. En conséquence, Claude Cheysson a suspendu les accords de coopération éducative et scientifique entre la France et Israël.

On sait qu'aujourd'hui que l'État hébreu profite d'un important programme européen de financement pour sa recherche. L'histoire a montré qu'une suspension de ces accords, ou ne serait-ce que d'une de ses clauses, fait bouger le gouvernement israélien.

Pourquoi la communauté internationale ne bouge-t-elle pas aujourd'hui ? 

Claude Cheysson avait la volonté politique. Elle n'existe plus aujourd'hui.

Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que rien ne changera tant qu'Obama ne l'aura pas décidé.

Ce n'est pas vrai. Benyamin Netanyahou vient de subir une grande débâcle à l'Assemblée générale de l'ONU, malgré le soutien d'Obama (les États-Unis ont voté contre le changement de statut de la Palestine, NDLR).

Le monde est en train de changer. Les États-Unis ne sont plus l'unique hyper-puissance. Les Américains sont obligés de prendre en considération la multipolarité du monde d'aujourd'hui.

À l'ONU, en dépit de toutes les pressions exercées sur Mahmoud Abbas, celui-ci est parvenu à décrocher une victoire morale pour la Palestine. 

Mais cette victoire, qui ne change rien sur le terrain, n'est-elle pas uniquement symbolique ?

C'est une victoire morale, pas symbolique. Il est important de rappeler au monde que les Palestiniens sont un peuple protégé par des droits inaliénables. Un peuple qui a droit à l'autodétermination, ce qu'Israël semble avoir oublié.

Pourtant, Israël assure qu'aller unilatéralement à l'ONU, c'est violer les accords d'Oslo de 1993.

Ce point n'a pas été évoqué dans ces accords, tout simplement parce que nous n'avons jamais imaginé que nous devrions négocier ce droit à un État. D'autre part, vous me parlez d'initiative unilatérale, mais comment qualifier dans ce cas ce qu'a fait Israël en 1948 (2) ? Le droit à un État ne se négocie jamais bilatéralement. 

Israël redoute que vous profitiez de ce nouveau statut pour traduire ses responsables devant la justice internationale. 

Mon président (Mahmoud Abbas, NDLR) en décidera à la lumière des événements. Mais nous ne resterons pas les bras croisés pendant qu'Israël continue à confisquer des territoires de notre État.

Maintenant, sachez que si la communauté internationale prend des décisions sérieuses et rend Israël responsable de ses actes en prenant des sanctions, nous n'aurons plus besoin d'aller aux tribunaux. Le problème, c'est qu'elle ne met pas en oeuvre les plus de 400 résolutions qu'elle a votées par le biais du Conseil de sécurité de l'ONU et l'Assemblée générale. 

On a le sentiment qu'après la guerre de Gaza, qui a marginalisé Mahmoud Abbas, celui-ci a effectué un dernier baroud d'honneur à l'ONU.

La guerre de Gaza a montré aux yeux de l'opinion publique palestinienne que la lutte pacifique avait échoué. En effet, les longues roquettes du Hamas envoyées pendant huit semaines ont obligé Netanyahou à accepter un compromis, ce qu'il a refusé en 40 ans de négociations avec nous.

C'est d'ailleurs pour cela qu'en dernier recours Mahmoud Abbas est allé à l'ONU, lieu le plus multilatéral qui soit. Ce n'est pas un baroud d'honneur, mais un enseignement des leçons tirées. 

Accueilli en héros dimanche à Ramallah, Mahmoud Abbas, s'est engagé à se parvenir à la réconciliation avec le Hamas. N'est-ce pas un voeu pieux ?

La réconciliation est un voeu immense de la population. Alors que mon président prononçait son discours dimanche, tous les Palestiniens scandaient : "Le peuple veut mettre fin à la division". On a également vu que Monsieur Mechaal (responsable du bureau politique du Hamas, NDLR) a soutenu notre initiative, ce qui est une main tendue à la communauté internationale. Hamas ou Fatah, la finalité de notre combat est la même.

Il est temps de mettre de côté les ambitions personnelles de part et d'autre. Mahmoud Abbas veut y arriver. Khaled Mechaal aussi. 

La guerre de Gaza n'a-t-elle pas enterré la lutte pacifique ? 

Vous savez, les Palestiniens ont tellement envie d'une solution politique. Dans la rue, la grande majorité d'entre eux croyaient vraiment que l'admission de la Palestine à l'ONU allait entraîner de rapides conséquences diplomatiques.

Mais la vraie question est la suivante : les États qui ont voté pour nous le veulent-ils vraiment ? La guerre de Gaza a rendu le choix d'autant plus clair pour tout le monde.

Soit on choisit les missiles et la lutte militaire, soit on préfère la diplomatie.

Mais dans ce dernier cas, nous devons être soutenus par des décisions sérieuses, comme des sanctions contre les violations israéliennes.

Nous, Palestiniens, ne pouvons pas mettre en place les résolutions que la communauté internationale a elle-même votées. La balle est dans son camp. 

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Propos recueillis par  

 

(1) Les contructions prévues concernent notamment la zone E1, particulièrement controversée car située entre Jérusalem et la colonie de Maalé Adoumim. Ainsi, elle couperait purement et simplement la Cisjordanie en deux.

(2) Le 14 mai 1948, la déclaration d'indépendance d'Israël est prononcée par David Ben Gourion, qui devient le premier Premier ministre de l'État hébreu.

 

Source et publication:    http://www.lepoint.fr/monde/colonisation-le-bras-d-honneur-d-israel-a-la-communaute-internationale-03-12-2012-1538092_24.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20121204


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