Pour qui sonne le glas ?
Le 11 février 1929, suite à la signature des accords de Latran, le Vatican acquiert son statut classique d’Etat. Logiquement, le Pape n’est plus l’héritier de Saint-Pierre et, tout aussi logiquement, le dogme de son infaillibilité ex cathedra n’a plus grand sens. Que l’on croit au Ciel ou pas, Rome était, reste et devrait avoir vocation à rester l’épicentre de l’Eglise latine ou de la spiritualité latine, prédominante en Europe occidentale. Or, n’en vient-on pas à constater que les prophéties de la Vierge confiées en 1914 à Fatima se confirment de jour en jour.
Elles s’expliquaient longtemps par l’horreur des deux GM, par l’avènement et le triomphe de régimes totalitaires, par un déclin progressif et tous azimuts de la spiritualité.
Aujourd’hui, il faut voir plus large : le temps de l’ultime confrontation annoncé il y a plus de cent ans par Marie atteint son paroxysme avec, d’un côté, des principes allant du respect du droit international à la sauvegarde des valeurs humaines élémentaires dont l’identité fait d’ailleurs partie, de l’autre, la négation systématique,systémique, aveugle et obstinée desdits pincipes. Cette négation, force est de le constater, vient de l’Ouest. Profondément de l’Ouest.
La victoire du fameux deux poids deux mesures est en cela paradoxale qu’elle saute aux yeux.
Le Mal, permettez-moi l’usage d’une rhétorique religieusement connotée, ne se cache plus d’être ce qu’il est. La morale, quoiqu’inexistante en politique, a cependant perdu ces repères juridiques qui permettaient de rallier l’application du realpolitik – intérêts nationaux –à l’application à la lettre du droit. Il n’y a plus de limites. La fin des guerres conventionnelles, le suivi non plus à la lettre mais à la carte des normes prescrites dans la Charte ainsi que la division, certes tacite mais flagrante, des nations selon qu’elles soient élues ou pas, selon qu’elles soient alignées, non-alignées ou en voie d’alignement sont autant de symptômes fiables et intraitables.
Pardonnerait-on à un chef d’Etat occidental ce que l’on pardonne à un Porochenko vis-à-vis de son peuple sous couvert d’européophilie ? Verrait-on l’Espagne pilonner la Catalogne prétextant ses tendances sécessionnistes ? La réponse est non.
Mais le Mal qui régit ce monde plongé dans l’avant-guerre arrive encore à nous prouver que l’Arabie Saoudite a toutes les raisons d’exterminer femmes, enfants et vieillards au Yémen les houthis s’étant rebellés contre le pouvoir légitime à Sanaa ce qui ne se fait pas.
Par contre, il est tout à fait normal que la vague maïdanesque, néo-nazillons en tête dès février 14, ait rasé un pouvoir certainement faible mais légitime tout en emportant dans la foulée bien des vies. Les manuels d’Histoire occidentaux dénoncent le blocus de Leningrad. En feraient-ils autant du blocus naval imposé au Yémen par les USA ?
Les mêmes marchands d’illusions arrivent encore à insinuer que les Russes ne bombardent pas les bons terroristes, qu’ils frappent plus al-Nosra que Daesh ce qui ne devrait pas se faire puisque, si l’on va jusqu’au bout du raisonnement, ces chers petits d’Al-Qaïda ont coûté bien trop cher à la CIA et que, navrés, un sou est un sou.
L’encre et la salive des médias valent eux aussi leur pesant de cacahuètes : comment reconnaître que la très légendaire ASL dont le joli nom relève de l’abstraction ait refusé l’aide militaire russe ? Sinon d’avouer au monde que l’ASL n’existe pas (plus) et que les gars qui la composent tiennent trop aux idéaux du Califat.
C’est avec le même aplomb éhonté, voire insensé qu’on nous explique que les Syriens fuient moins les salafistes que « le régime ». Sans doute est-ce pour cette raison que 800.000 Syriens ont regagné le bercail depuis le début des frappes russes.
Sans doute est-ce pour cette raison que plus de 150.000 Syriens venus des quatre coins du pays s’entassent autour de la base militaire russe de Lattaquié. Sans doute est-ce pour cette raison que les miliciens de Daesh, assez peu bombardés, fuient les territoires qu’ils occupent et se retrouvent, comme par magie, à combattre les méchants usurpateurs chiites du Yémen. Bien entendu, le fait qu’ils aient été parachutés depuis des avions turcs n’altère en rien l’image de marque de la Turquie.
Les faits s’amoncellent, il ne se passe pas un jour sans que la narrative du BAO ne s’écroule sous la logique des arguments que ces mêmes faits lui opposent.Si l’on schématise, deux points de rupture cruciaux sont à signaler :
- Le Maïdan suivi du conflit donbassien. C’est là que les oranges attrayantes de 2004 ont vu leur pulpe brunir. Quel sens, d’emblée, aux révolutions oranges ?
- La Syrie parce qu’elle a tenu plus de quatre ans. Les libéraux russes ont plus de facilité à mettre le chaos libyen ou irakiensur le dos de feu Kadhafi ou Sadam Hussein que la guerre en Syrie sur le dos d’un Président vivant, réélu par son peuple et déterminé à tenir autant qu’il le faudra. Autant laisser les « printemps » arabes fleurir le seuil des morgues et changer de tactique. Mais comment ?
Ces deux points de rupture sont tels parce qu’ils s’inscrivent dans la lignée de ce qu’on appelle des guerres par procuration. On les croit civiles, elles le sont formellement, mais au fond, soyons clairs, le BAO n’a que faire de la Syrie et encore moins de l’Ukraine si ce n’est de contrer les intérêts non plus tant d’un bloc que d’un univers adverse. L’univers eurasiatique.
La guerre de Syrie est grosso modo une guerre de piplines, celle d’Ukraine est plutôt géostratégique : une fois définitivement arrachée à la Russie, l’Ukraine, déjà vendue pour trente deniers, sera colonisée à des fins militaires (bases otaniennes et prisons politiques), agricoles (OGM) et médicales (laboratoires d’armes bactériologiques).
Dans les deux cas, la Russie est directement concernée. Dans les deux cas, elle ne peut pas perdre. Dans les deux cas, elle ne puit intervenir directement (Ukraine) ou au-delà de certaines limites (Syrie). Ce dernier aspect représente autant son point faible que son point fort : il la pousse à agir dans le strict cadre du droit international, seul garant de la sauvegarde d’un certain équilibre dans le monde.
Comme ce même droit se fonde sur l’intérêt commun, inter/intranational, son application présuppose la réhabilitation de la démocratie directe, donc référendaire, ainsi que celle de la Légitimité qui lui est corrélée la démocratie étant une notion impensable en dehors d’une reconnaissance incondition-nelle de la Souveraineté des peuples. Elle n’est pas le privilège de l’Etat profond améri-cain. La Russie d’aujourd’hui ne cesse de le souligner.
Comme l’ultime confrontation dont il est question ne puit être frontale, les USA développent deux types de réaction :
- La désinformation médiatique tous azimuts. S’il faut des exemples relatifs aux deux points de rupture mentionnés, la manière dont celle-ci est déployée laisse penser que nous aurons sous peu d’étranges nouvelles du futur référendum ossète (Ossétie du Sud)et des manifs anti-OTAN au Monténégro (Padgorica). On ne nous dira sans doute pas que l’Ossétie du Sud ne diffère ethniquement en rien de l’Ossétie du Nord qui fait partie de la Fédération de Russie, que la plupart des habitants de l’Ossétie du Sud sont titulaires depuis des lustres du passeport russe, que pour des raisons économiques (quasi-absence de ressources) l’Ossétie du Sud gagnerait fort à rejoindre le giron russe. Enfin, sans doute nous dira-t-on que le référendum, s’il a lieu, a été opaque. De même nous cachera-t-on que seuls 32% des Monténégrins désirent entrer dans l’Alliance en accusant le Kremlin de faire pression sur les protestataires. Or, très sérieusement, qui voudrait encore de cette Alliance représentative des intérêts de son seul véritable maître ?
- La provocation. Celle-ci est caractéristique des guerres asymétriques dans l’acception secondaire du terme incluant autant l’usage du fameux false flag que divers procédés psychologiques destinés à terroriser les populations. S’il faut des exemples récents et précis, souvenons-nous des snipers anonymes place Maïdan formés au préalable en Pologne, du MH-17 descendu juste à temps au-dessus d’un patelin jouxte Donetsk ou des dernières bonnes idées du couple McCain/Saakachvili virevoltant autour d’un énième false flag raté visant à descendre un avion US en Syrie à l’aide d’un missile russe livré par l’Ukraine. En retour, il était prévu qu’un bombardier russe soit descendu par des Kurdes sy-riens les USA continuant à jouer la carte Kurde contre Assad et au grand dam de la Turquie qui tarde à en tirer certaines conséquences patentes.
Est-ce que ces deux types de riposte pourraient à terme porter des fruits qui plaisent à l’hyperpuissance américaine ?
Cette question s’ancre dans la perspective d’un long ou moyen terme relatif puisqu’en dehors du respect irréprochable du droit international en guise de réponse juridique, la seule véritable réponse qui vaille est essentiellement économique : l’évincement progressif du dollar dans le commerce extérieur la Russie, la Chine et l’Iran étant les pionniers de l’initiative.
Ce qui est certain, c’est que l’ultime confrontation laisse peu de temps au temps et que de la période de latence que furent les décennies de la guerre froide nous sommes vite passés à une période que je dirais révélée et qui déterminera pour qui, in fine, sonnera le glas. A tout jamais. Lorsque, en 2014, à l’occasion de la visite du cimetière militaire de Radipuglia, le pape François reconnut que nous étions au seuil d’une III GM et dénonça ouvertement le conflit de Gaza et la destruction de l’Irak, sans doute avait-il en tête la prophétie de Marie.
Lorsque l’on apprend que les négociations de Vienne sur la crise syrienne ont conduit à l’instauration d’un cessez-le-feu n’impliquant pas les djihadistes (!) et à la formation ultérieure d’un gouvernement de transition, on comprend plus que jamais que le processus d’apaisement engagé ressemble davantage à une accalmie avant la grande tempête.
Françoise Compoint
Source: http://novorossia.today/pour-qui-sonne-le-glas/?fb_ref=Default&fb_source=message