L’accaparement mondialisé des terres agricoles: Un marché spéculatif en forte expansion et élimination des paysan
La concession ou l’acquisition de la terre pour des fins spéculatives n’est pas un phénomène nouveau. Celui-ci s’est produit, au cours des derniers siècles, avec l’établissement des latifundios, de grands domaines appropriés ou usurpés par de riches propriétaires terriens ou par les institutions bancaires comme on a pu l’observer fréquemment en Amérique latine. Ou encore quand des terres consacrées aux cultures vivrières sont transformées pour laisser place à des cultures pour l’exportation telles que les cultures du café, de la canne à sucre ou du cacao. En général, ceux qui faisaient l’acquisition de vastes propriétés foncières dans un pays étaient le plus souvent originaires ou habitaient le pays. Aujourd’hui, les acheteurs peuvent se retrouver un peu partout sur la planète et parcourent le monde pour saisir les possibilités d’acquisition de propriétés de valeur et très souvent offertes à bas prix par leurs propriétaires ou par les gouvernements nationaux. C’est la course aux investissements rentables ou la financiarisation du domaine foncier. C’est une forme extrême du colonialisme qui ne connaît pas de frontières. Dans les faits, c’est toute la planète qui est sacrifiée pour le bénéfice des grands pouvoirs financiers et ce le plus souvent avec le concours des États et des organisations internationales telles que la Banque mondiale.
Le processus que nous observons aujourd’hui s’est développé au cours de la dernière décennie et les terres sont devenues l’objet d’un marché mondial. Un certain nombre de pays tels que l’Arabie Saoudite et la Corée du Sud se sont rués sur les terres du continent africain. D’autres ont opté pour celles des Amériques. Selon les derniers rapports rendus publics par les organisations non gouvernementales telles que GRAIN, le phénomène s’est intensifié au cours des dernières années et les expressions employées pour le qualifier ont souligné ses effets pervers pour la paysannerie des pays pauvres : Razzia, escroquerie au détriment de la population, néo-colonialisme foncier, destruction des ressources agricoles, extorsion coordonnée au plus haut niveau, etc. Cette agression par les pouvoirs financiers contre la paysannerie est tout simplement abominable comme on peut l’observer au Honduras et dans plusieurs pays africains. Elle laisse entrevoir un appauvrissement accentué des paysans qui deviennent des travailleurs agricoles dans leurs propres terroirs à l’instar de ceux qui ont été forcés d’abandonner leurs terres au profit des producteurs de fraises étrangers au Mexique dans les années 1970 (http://revistas.bancomext.gob.mx/rce/magazines/403/5/RCE5.pdf).
Dans cet essai, nous allons décrire les principales composantes de l’accaparement des terres agricoles telles que définies par la FAO et les ONG internationales et, notamment, GRAIN. Nous essayerons de mesurer l’ampleur du phénomène à l’échelle mondiale et nous donnerons un aperçu des conséquences néfastes qui s’exercent sur la paysannerie des pays pauvres. Un grand nombre de rapports d’enquête ont été produits concernant cette problématique et, notamment, ceux de la FAO (2009 et 2011), ceux des organismes de défense des droits fonciers de la paysannerie, les résultats de consultation dans plusieurs pays tels que le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire (2013) et les réflexions contenues dans un mémoire présenté en mars 2015 par l’Union des Producteurs agricoles (UPA) au gouvernement du Québec, Canada.
Figure 1. Vue globale de l’accaparement des terres agricoles
Source : http://www.alimenterre.org/image/laccaparement-terres-agricole
I. L’accaparement des terres. Des perceptions divergentes
« Dans le jargon des économistes et au sein des institutions internationales, l’accaparement des terres, qui vient de l’expression anglaise « land grabbing », se définit comme l’acquisition controversée de grandes étendues de terres agricoles auprès des pays en développement par des sociétés privées, gouvernementales ou des fonds d’investissement » ( UPA).
Selon GRAIN, « l’accaparement est l’acquisition (location, concession, achat…)- par des firmes ou des États- de vastes zones cultivables (>10 000 ha), à l’étranger et à long terme (souvent 30-99 ans)- pour produire des denrées de base destinées à l’exportation par le biais d’une agriculture spécialisée et délocalisée désormais vue comme une stratégie d’approvisionnement par des gouvernements fortement dépendants des importations » (slideshare.net).
Lors de la présentation de son Rapport sur l’accaparement des terres en mai 2009, la FAO indiquait que «les transactions sur la terre peuvent créer des opportunités (débouchés garantis, emplois, infrastructures et hausse de productivité agricoles) mais peuvent aussi causer des dommages si les populations locales sont exclues des décisions et si leurs droits fonciers ne sont pas protégés ». Selon l’L’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), tout dépend du modèle commercial mis en place, des modalités de partage des bénéfices et de la gouvernance qui encadre le tout (paysansdumonde.over-blog.com). Selon les ONG cette interprétation n’est pas acceptable, car elle tend à rendre ce phénomène légitime (voir plus bas l’Appel de Dakar contre l’accaparement des terres lancé en 2011).
II. La Planète est à vendre!
Les pouvoirs financiers vs la paysannerie. L’empire du capital met en danger la sécurité alimentaire de la planète
Le phénomène de l’accaparement des terres a pris de l’ampleur au cours de la dernière décennie. Les transactions se sont multipliées et de nouveaux acteurs sont entrés en scène de sorte que l’on peut parler maintenant d’un processus qui affecte de plus en plus de pays et qui risque de mettre en danger la sécurité alimentaire de la Planète en ayant à l’esprit que plus de 70% des denrées alimentaires produites dans le monde le sont par les petits paysans. Les divers intervenants sont classés ainsi : Les investisseurs, les gouvernements hôtes, la société civile (les organisations des ruraux pauvres et de leurs groupes de soutien), les agences internationales de développement, les investisseurs qui définissent des options visant à maximiser la sécurité pour les investissements et les gains de développement durable ainsi que les fonds d’investissement des fonds souverains y compris ceux qui sont plus familiers avec les transactions financières autres que celles du monde agricole.
2009 – Constats – L’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED, Londres), la FAO et le Fonds international de développement agricole (IFAD)
Selon ces organisations, on peut conclure, à partir de diverses analyses de la situation globale, que les activités liées à l’accaparement des terres sont fort significatives dans l’analyse des inventaires qui ont été documentés pour un total de 2 492 684 hectares d’allocations de terres depuis 2004 dans cinq pays du continent africain en excluant les allocations de moins de 1000 hectares. On a observé une hausse des investissements au cours des cinq dernières années, avec une tendance à une augmentation dans tous les pays et on s’attend à une croissance des niveaux d’investissement dans l’avenir (ftp.fao.org).
Augmentation de la taille des terres accaparées
Les demandes de terres de grandes superficies constituent encore une faible proportion du total des terres appropriées dans tous les pays, mais la plus grande partie des terres restantes sont déjà mises en valeur ou revendiquées le plus souvent par les populations locales, une pression croissante s’exerçant sur les terres de grande valeur et, notamment, celles qui ont un fort potentiel pour l’irrigation ou celles qui sont situées à proximité des marchés de consommation. On s’attend à observer une augmentation de la taille des acquisitions montrant des variations considérables selon les pays – Citons trois cas de terres dont l’attribution a été confirmée et documentée, soit le projet de biocarburants de 452,500 hectares à Madagascar, un projet destiné à l’élevage de 150.000 hectares en Éthiopie et un projet d’irrigation de 100 000 hectares au Mali (ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/011/ak241e/ak241e.pdf). .
Tandem secteur privé-secteur public
On a observé la prépondérance du secteur privé dans les transactions foncières et, bien souvent, avec un fort soutien financier de la part des gouvernements ainsi que des niveaux significatifs d’investissements proprement étatiques. Des fonds de développement gouvernementaux jouent un rôle majeur dans l’octroi de prêts, d’assurances et d’autres formes de soutien aux sociétés d’État et aux entreprises privées opérant à l’étranger (ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/011/ak241e/ak241e.pdf).
Rôle déterminants des gouvernements nationaux
Les investisseurs nationaux jouent aussi un rôle majeur dans l’acquisition de terres, un phénomène qui a reçu beaucoup moins d’attention internationale jusqu’à maintenant. Lorsque les gouvernements acquièrent des participations dans des terres, les fonds souverains jouent un rôle moins important que prévu. Des arrangements pour la propriété publique des biens fonciers dans les pays étrangers se font par le biais d’entreprises publiques et avec des participations minoritaires dans des entreprises privées. Les transactions foncières directes de gouvernement à gouvernement se font rares. Des fonds de développement gouvernementaux jouent un rôle majeur dans la fourniture de prêts, d’assurances et d’autres formes de soutien aux entreprises publiques et aux entreprises privées opérant à l’étranger (ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/011/ak241e/ak241e.pdf).
2011 – GRAIN – Principaux constats
Le tableau brossé par GRAIN et publié en 2011 donnait un bon aperçu de l’état de lieux dans le monde. Avec la crise alimentaire de 2007 et 2008 l’agriculture délocalisée est vue désormais par les gouvernements dépendants des importations comme étant une stratégie d’approvisionnement. Le foncier agricole devient une nouvelle source de bénéfices pour l’industrie de la finance. Les objectifs officiels poursuivis visent les cultures vivrières plutôt que le caoutchouc ou le café. Plus de 60 pays sont ciblés par des centaines de firmes et une douzaine de gouvernements (slideshare.net).
Plus de 56 millions d’hectares sont loués ou vendus en 2008-2009. Selon l’ILC (2011), plus de 80 millions d’hectares depuis 2001 et, selon la Matrice foncière (2012) un total de 227 millions d’hectares (slideshare.net). En Afrique, selon Global Land Project (2010), 62 millions d’hectares ont été échangés dans 27 pays en 2009 alors que l’Oakland Institute (2011) parle de 50 millions d’hectares dans 20 pays (slideshare.net).
En Afrique, selon Global Land Project (2010), 62 millions d’hectares ont été échangés dans 27 pays en 2009. Oakland Institute (2011) parle de 50 millions d’hectares dans 20 pays. Selon le High Quest Partners US $15 à 50 milliards sont déjà investis par le secteur privé. On s’attend à ce que cette somme triple dans le court terme (US$45 à 150 milliards).Mais ce n’est bien sûr pas quelque chose d’isolé. Ça fait partie d’un processus plus large de restructuration et d’expansion de l’agrobusiness mondial (intégration des firmes, entrée de nouveaux acteurs, nouveaux flux de capitaux, financiarisation, etc.) qui déplace/détruit les paysanneries et prend le contrôle des ressources naturelles.
Figure 2. Plantations d’huile de palme en Malaisie
Source : http://www.terraeco.net/L-huile-de-palme-en-Malaisie,12537.html
De nombreux États qui demandent, prônent et/ou facilitent des accords et deviennent des gouvernements “demandeurs”. Ce sont principalement les États du Golfe, la Corée du Sud, Chine, le Japon…, mais aussi Singapour, l’Inde, la Malaisie, Maurice et l’Afrique du Sud. Le gouvernement philippin a offert des terres aux États du Golfe et à la Chine. Ce sont les entreprises qui mènent les projets (de leur propre chef ou poussées par les États). Un mélange de firmes agro-alimentaires et industrielles et -surtout- financières. Les Agences multilatérales correspondant aux banques de développement, à la coopération bilatérale et aux organismes internationaux promeuvent ces accords. La firme indienne Karuturi s’est implantée en Éthiopie et s’étendra vers la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya (slideshare.net).
2011 – Constats de la FAO – 50 à 80 millions d’hectares ont fait l’objet de négociations avec les investisseurs étrangers entre 2006 et 2011 (figure 3)
Selon les constats de la FAO, « Au cours des cinq dernières années (2006=2011), « de 50 à 80 millions d’hectares de terres agricoles dans les pays en développement ont ainsi fait l’objet de négociations avec les investisseurs internationaux cherchant à acheter ou à louer ces terres. Les deux tiers d’entre eux en Afrique sub-saharienne », précise le groupe d’experts. L’ONG Oxfam, chiffre elle, à 227 millions le nombre d’hectares accaparés depuis 2001 ! « Parallèlement, dans ces mêmes pays, près d‘un milliard de personnes manquent de nourriture et un autre milliard souffre de formes diverses de malnutrition, et ce malgré une production alimentaire mondiale suffisante », souligne la FAO (figure 4). D’autant que la hausse des prix records alimentaires, depuis fin 2010, est venue aggraver la crise dans la Corne de l’Afrique où la famine a désormais été officiellement déclarée dans le sud de la Somalie et menace deux régions du Soudan… L’accaparement des terres agricoles est un autre facteur empirant cette situation de famine qui devrait durer jusqu’à fin 2011 (actu-environnement.com).
L’accaparement des terres, facteur croissant d’insécurité alimentaire (figure 3)
L’achat de terres, dans des pays où généralement règne l’insécurité alimentaire, pour externaliser la production alimentaire ”risque encore de s’intensifier à l’avenir”, préviennent les experts. ”C’est un sujet de préoccupation croissante car il aggrave un problème historique lié à la répartition des terres dans de nombreux pays”, indiquent-ils » (actu-environnement.com).
« L’appropriation de terres agricoles des pays du Sud par des investisseurs publics ou privés s’accélère et inquiète le groupe d’experts de la FAO sur la sécurité alimentaire dans une nouvelle étude. Ce rapport daté de juillet dernier (2011) a été rendu public à l’occasion de la session annuelle du Comité sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) qui se clôt samedi 22 octobre à Rome, après une semaine de débats » (actu-environnement.com).
Les agro-carburants, moteur des investissements fonciers – 2011 – 14 millions d‘hectares étaient consacrés à la production de biocarburants
« La production alimentaire et fourragère n’est pas le seul moteur de ces transactions foncières, explique la FAO. Les terres sont également achetées pour la production de biocarburants dans le secteur des transports, de produits forestiers (bois d’œuvre) et de minéraux par des acteurs aux intérêts très divers, qui viennent ainsi gonfler les rangs des participants à cette ruée vers les terres, anciens et nouveaux”. Le boom des agro-carburants de première génération (huile de palme, canne à sucre, éthanol) et de jatropha est de nouveau pointé du doigt par la FAO. En cause : les politiques de soutien aux agro-carburants aux États-Unis et dans l’UE qui figurent aussi parmi les plus gros consommateurs. “On estime qu’en 2006, 14 millions d‘hectares étaient consacrés à la production de biocarburants, soit environ 1 % des terres arables de la planète. Ce chiffre devrait grimper pour atteindre 35 à 54 millions d’hectares d’ici à 2030”.
Ce qui devrait représenter 2,5 à 3,8 % des terres arables disponibles. L’essor des agro-carburants constitue ”un puissant moteur pour les investissements fonciers internationaux”. La spéculation financière n’est pas en reste et participe aussi à cette mainmise sur les terres » (actu-environnement.com).
« Autres facteurs : les stress écologiques, comme les pénuries d’eau et les sécheresses, combinés à certaines politiques environnementales (protection de la nature, projets de fixation du carbone comme REDD+) ”encouragent également les investissements fonciers étrangers. Tous ces facteurs sont susceptibles de prendre de l’ampleur au cours des décennies à venir, et de s’intensifier avec les effets changeants du réchauffement climatique sur la production agricole, accentuant encore la pression qui pèse sur les ressources en terres et en eau”, ajoute le rapport » (actu-environnement.com).
« Le rapport confirme l’augmentation substantielle ces cinq dernières années des investissements liés à la terre. Le secteur privé y est dominant même si nombre d’entreprises sont soutenues par leurs États d’origine par le biais des fonds gouvernementaux de développement qui pourvoient des prêts ou des assurances. Dans plusieurs pays, des investisseurs étrangers entrent dans le capital des entreprises locales. Si les questions de sécurité alimentaire sont les principales raisons des gouvernements étrangers d’investir dans les terres, beaucoup d’opérations sont dirigées vers l’agriculture non alimentaire, les agro-carburants par exemple, dont ils espèrent un très haut niveau de rentabilité ».
Plusieurs facteurs aggravants
En somme, cet examen nous amène à relever les facteurs aggravants de ce phénomène de l’acquisition des terres agricoles, soit le binôme complice État-entreprise, la grande vulnérabilité des terres communales, le financement gouvernemental de la production des biocarburants par les USA et l’UE, la pénurie croissante d’aliments dans certains pays, l’augmentation du prix des aliments et, enfin, une plus grande pression démographique dans les régions marquées par l’appauvrissement de la majorité, ce qui facilite les transactions avec les paysans leur laissant croire que ceux-ci feront une bonne affaire en louant ou vendant leurs terres et, enfin, la dominance de régimes ploutocratiques.
III. Un tour du monde
La figure 3 identifie les principaux pays acheteurs ou loueurs, les pays cible et les pays à la fois acheteur et cible. Les principaux pays acheteurs et loueurs sont la Corée du Sud, l’Arabie saoudite, le Japon et la Malaisie. Les pays cible sont, notamment, l’Australie, l’Argentine, le Paraguay, le Brésil, l’Uruguay, le Mozambique, l’Indonésie,
Figure 3. La géographie de l’accaparement de terre
Source : http://fr.slideshare.net/hantarabeko/accaparement-des-terres-montage
Figure 4. La terre change de mains
Source : http://www.capital.es/2012/10/12/los-nuevos-terratenientes/
Des pourcentages devenus astronomiques dans les circonstances – 67% des terres du Liberia appartiennent à des étrangers.
La figure 3 identifie les pays acheteurs ou loueurs, les pays cible, les pays qui sont à la fois acheteurs et terrains d’investissements et le pourcentage des terres d’un pays aux mains d’investisseurs étrangers. Certains pays comme le Liberia, le Paraguay et l’Uruguay ont plus de 20% de leurs terres entre les mains d’investisseurs étrangers, le Liberia montrant le plus fort total avec 67%. En bref, la figure 2 permet de constater que la presque totalité des pays sont affectés par ce phénomène.
Figure 5. L’accaparement des terres agricoles et la faim
Source : http://plumesdepaname.fr/laccaparement-des-terres-africaines/
Le pillage du continent africain se poursuit
On peut constater qu’en 2008 tous les pays faisant l’objet de l’accaparement des terres souffraient de la faim à des degrés divers. Dans le continent africain on comptait 22 pays dont une partie des terres avait été accaparée (figure 3). « Au moins 2,5 millions d’hectares de terres ont été achetés en Afrique par des États étrangers, des multinationales ou des fonds de pension, soit l’équivalent du territoire de la Belgique. C’est ce que révèle un rapport de la FAO – l’Agence de l’Onu pour l’agriculture et l’alimentation rendu public en 2009. La FAO s’inquiète un peu des violations des droits des paysans que ces accaparements de terres peuvent entraîner, et s’interroge sur la participation des populations locales aux bénéfices générés. Mais elle y voit avant tout une perspective de développement ». Cette attitude de l’organisme onusien est questionnée, car elle laisse entendre que l’accaparement des terres peut avoir des retombées régionales positives sur la paysannerie alors que les faits nous démontrent partout le contraire (paysansdumonde.over-blog.com).
« En Éthiopie, au Ghana, au Mali, à Madagascar et au Soudan, les transactions ont porté depuis 2004 sur 2,5 millions d’hectares (ha) – soit presque l’équivalent de la Belgique ! – pour un montant total de 920 millions de dollars. Pour les pays hôtes, les « bénéfices » prennent principalement la forme d’une augmentation des investissements étrangers, de création d’emplois, de développement des infrastructures et de transferts de technologie et de savoir-faire. Les informations ont principalement été recueillies auprès des agences gouvernementales. Mais les chiffres cités sont probablement bien en deçà de la réalité. Le rapport souligne le manque de fiabilité des données officielles. En Éthiopie, l’information sur la taille des terres cédées ou en cours de négociation en 2008 étaient manquantes. Au Soudan, les données sont encore plus incomplètes qu’ailleurs. Des médias ont ainsi pu décrire des transactions qui ont eu lieu mais qui n’apparaissent que partiellement dans les recensements gouvernementaux. L’agence Reuters a fait état d’un investissement pour 13 000 ha de la compagnie allemande Flora EcoPower en Éthiopie alors que l’agence éthiopienne de promotion de l’investissement n’a enregistré que 3 800 ha pour cette opération. Un accord portant sur 400 000 ha au Soudan, rapporté dans les médias, est tout simplement absent des statistiques officielles disponibles » (paysansdumonde.over-blog.com).
Les États du Golfe Persique : 100 contrats pour leur sécurité alimentaire
Selon des données compilées par GRAIN, ces États ont conclu des contrats là où règne l’insécurité alimentaire et où on souffre de la faim, soit le Soudan, l’Indonésie, le Pakistan, la Birmanie, les Philippines, l’Inde, l’Égypte, le Maroc, la Turquie, le Kenya, l’Éthiopie, la Tanzanie, le Kazakhstan, le Sénégal, l’Australie, le Laos, l’Ukraine, le Mali, le Viet Nam et la Thailande. La superficie totale n’a pas été calculée, mais GRAIN croit que ces transactions correspondent à plusieurs dizaines de millions d’hectares (slideshare.net).
Figure 6. 2009-2013. Quelques transactions majeures à travers le monde aux conséquences fatales pour la paysannerie. New Internationalist magazine. People, ideas and action for global justice. Référence : New Internationalist magazine. Land Grabs – Hotspots. Mai 2013
Source : http://newint.org/features/2013/05/01/land-grabs-hotspots-infographic/
Quelques cas de transactions parmi les plus controversées. New Internationalist magazine. Land Grabs – Hotspots. Mai 2013.
En ligne : http://newint.org/features/2013/05/01/land-grabs-hotspots-infographic/
Cameroun. Un test pour l’Afrique. Des terres agricoles à capitaux étrangers. Le pays regorge de plantations d’huile de palme destinées à la production de biocarburants (newint.org).
Des appels lancés au niveau mondial. Le cas du rapt des terres agricoles par la holding luxembourgeoise Socfin (figure 7)
« Bolloré a pris nos terres. Et maintenant notre liberté ».
Des paysans d’Afrique et d’Asie accusent la holding luxembourgeoise Socfin de s’être accaparée leurs terres pour ses cultures d’huile de palme. Ils ont lancé une série de blocages dans les plantations pour que l’actionnaire principal Bolloré s’emploie à faire respecter leurs droits et restituer leurs terres. Soutenons leur action ! (sauvonslaforet.org).
Figure 7. Lutte des paysans du Cameroun
« La population est en colère » nous a confié Emmanuel Elong, le président de l’Alliance Internationale des riverains des plantations Socfin Bolloré. Et les Camerounais ne sont pas les seuls. Des milliers de paysans manifestent pour les mêmes raisons dans les plantations de Socfin au Libéria, en Côte d’Ivoire et au Cambodge.
La holding réfute les accusations d’accaparement des terres et affirme au contraire son engagement pour la « promotion du progrès social ». Elle menace même de « poursuites » les auteurs de ce qu’elle nomme « exactions ». Le groupe Bolloré est, avec un total de 38,75%, l’actionnaire principal de Socfin. Son PDG Vincent Bolloré avait entamé un dialogue avec les paysans africains à l’automne dernier avant de se rétracter, expliquant n’avoir finalement pas d’influence au sein de Socfin. Emmanuel Elong y voit un clair manque de considération. Les paysans dépendent de leurs terres pour vivre. Certains redoutent une intervention violente de la police. Tous espèrent la reprise des négociations.
Les paysans demandent le respect de leurs droits et la rétrocession de leurs parcelles. Soutenons-leurs revendications ! (sauvonslaforet.org).
Éthiopie. Ses terres intéressent des entreprises indiennes. On constate la présence importante de terres agricoles à capitaux étrangers. Le gouvernement a rendu 3,6 millions d’hectares disponibles à la locationen utilisant la violence et l’intimidation. (newint.org)
Honduras. On note la présence active d’accapareurs locaux. Des terres agricoles appartiennent à des capitaux étrangers. C’est le pays dans lequel on observe les plus violents conflits entourant les droits fonciers. L’agro-industrie nationale de production d’huile de palme est en pleine expansion. L’entreprise Dinant possède plus de 22 000 hectares d’huile de palme. La demande mondiale de palme a triplé au cours de la dernière décennie et les élites du Honduras ne veulent pas être laissées pour compte. Les terres saisies dans les années 1990 ont généré un mouvement d’insurrection pour la reprise des exploitations paysannes dans la vallée de l’Aguán Nord. Mais depuis le coup d’État de 2009 les petits agriculteurs ont perdu du terrain (http://newint.org/features/2013/05/01/land-grabs-hotspots-infographic/) (figure 8).
En 2009, le bras du privé de la Banque mondiale, la Société financière internationale, a prêté 530 millions de dollars à Dinant… Des conflits fonciers qui se sont produits entre septembre 2009 et août 2012 ont causé la mort de 53 paysans, des enlèvements, des passages à tabac et des expulsions forcées. Au moins neuf agriculteurs ont été tués au cours de 2012. Les abus ont incité la Banque mondiale à commander une enquête.
Figure 8. Honduras. Les expulsions se font manu militari : « En un ambiente de impunidad y crisis alimentaria, ante la cual el Estado hondureño se muestra indiferente, se agudiza la criminalización, persecución, secuestros, represión, asesinatos y desalojos contra familias campesinas que luchan por el acceso a la tierra en el país, especialmente en el Bajo Aguán » (honduprensa.wordpress.com).
Source : https://honduprensa.wordpress.com/tag/bajo-aguan/
IV. La lutte contre l’accaparement des terres agricoles
Ce boom de l’investissement est considéré comme une nouvelle forme de colonialisme par les communautés locales qui sont expulsées des terres ou elles ont toujours vécu et dont elles dépendent pour leur subsistance. La Banque mondiale elle-même note que «l’acquisition de terres est à l’origine de graves préoccupations au sujet de l’échec de droits locaux et d’autres problèmes.” De nombreux pays riches en terres et autres ressources naturelles ont, cependant, ont un très grand nombre de personnes affamées – plus d’un milliard de personnes se couchent avec l’estomac vide. “Il y a des pays en Afrique qui voient leurs terres utilisées pour les cultures alors directement exportées ou utilisées à d’autres fins [biocarburants],” dit David Garner, DGC Asset Management. Par conséquent, les organisations comme GRAIN, La Via Campesina, et l’International Land Coalition (ILC) ont proposé non seulement de résister à ce phénomène, mais de défendre la souveraineté alimentaire des pays. Leur attaque n’épargne pas la Banque mondiale, une institution qu’ils accusent de camoufler cette thésaurisation comme un investissement responsable et de promouvoir la privatisation de la terre elle-même. La spéculation financière a affecté d’abord la nourriture et s’est ensuite étendue à la terre.
GRAIN – Un acteur proactif reconnu au plan international avec une représentation sur tous les continents
GRAIN est une petite organisation internationale qui soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité (http://www.grain.org/fr).
Les principales interventions de GRAIN en 2014
GRAIN porte son attention les thèmes suivants : Les grandes entreprises, le pouvoir et le système alimentaire mondial ; le contrôle des semences par les populations ; l’accaparement des terres, et la crise climatique et l’agriculture…En collaboration avec des partenaires du monde entier, nous démontrons comment le système alimentaire industriel détruit les vies, les moyens de subsistance et les milieux écologiques et nous soutenons les luttes pour des solutions alternatives. (grain.org).
Apporter un soutien aux communautés locales pour les aider à lutter contre les transactions foncières
En 2014, l’un des éléments importants du combat de GRAIN contre l’accaparement des terres a été de « soutenir les organisations qui travaillent avec les communautés locales pour les aider à lutter contre les transactions foncières qui menacent leur vie et leurs moyens de subsistance. Tout au long de l’année, nous avons été en contact avec des activistes des communautés et des organisations dans beaucoup de régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, et nous les avons aidés à mettre en place des réseaux, afin qu’ils aient davantage de soutien et de visibilité au niveau international »(issuu.com). Voici quelques exemples de ses actions en 2014.
- Nous avons aidé à apporter plus de visibilité à la longue lutte contre l’accaparement des terres en Indonésie : au centre de cette lutte les villageois de Buol, dans la province de Sulawesi central, qui se battent depuis 20 ans;
- Nous avons suivi le cas de l’activiste camerounais Nasako Besingi, au tribunal pour avoir protesté pacifiquement contre Heracles Farms, un accapareur de terres de Wall Street dont nous avions déjà parlé l’an dernier. Nous avons été en contact direct avec Nasako pour le soutenir. En juin, nous avons publié un communiqué de presse avec l’Oakland Institute et le World Rainforest Movement exigeant qu’Heracles et le gouvernement camerounais retirent leurs charges contre Nasako et ses camarades activistes;
- En octobre, nous avons publié un entretien avec Erastus Odindo, un pays kenyan, dont la communauté se bat depuis plus de dix ans pour récupérer les terres et l’eau dont s’est emparée l’entreprise américaine Dominion Farm (issuu.com).
Via Campesina. L’unité parmi les paysannes et les paysans. Une voix écoutée
« La Via Campesina est le mouvement international qui rassemble des millions de paysannes et de paysans, de petits et de moyens producteurs, de sans terre, de femmes et de jeunes du monde rural, d’indigènes, de migrants et de travailleurs agricoles… Elle défend l’agriculture durable de petite échelle comme moyen de promouvoir la justice sociale et la dignité. Elle s’oppose clairement à l’agriculture industrielle et aux entreprises multinationales qui détruisent les personnes et l’environnement » (viacampesina.org).
La Via Campesina regroupe environ 164 organisations locales et nationales dans 73 pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Amériques. En tout, elle représente environ 200 millions de paysannes et de paysans. C’est un mouvement autonome, pluraliste et multiculturel, sans affiliation politique, économique ou autre.
Un mouvement né en 1993
La Via Campesina a été créé par un groupe de représentants et représentantes d’organisations paysannes provenant des quatre continents lors d’une rencontre en 1993 à Mons, en Belgique. À l’époque, les politiques agricoles et l’industrie agroalimentaire entraient dans un processus de mondialisation et les petits producteurs devaient développer une vision commune et lutter pour la défendre. Les organisations paysannes voulaient que leur voix soit également reconnue et souhaitaient participer directement aux décisions qui affectaient leur quotidien.
La Via Campesina est maintenant reconnue comme acteur central dans les débats sur l’alimentation et l’agriculture. Elle est écoutée par des institutions telles que la FAO et le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, et elle est largement reconnue par d’autres mouvements sociaux tant au niveau local que global.
Mondialisons la lutte, mondialisons l’espoir!
« La Via Campesina s’enracine dans un profond sentiment d’unité et de solidarité entre les petits et moyens producteurs agricoles du Nord et du Sud. L’objectif principal du mouvement est de réaliser la souveraineté alimentaire et de mettre fin au processus destructeur de l’économie néolibérale. Le mouvement est basé sur la conviction que les paysannes et les paysans, les pêcheurs traditionnels, les éleveurs pastoraux et les peuples indigènes, qui forment près de la moitié de la population mondiale, sont capables de nourrir leurs communautés et la planète d’une manière durable et saine. Les femmes jouent un rôle crucial dans le travail de La Via Campesina. Selon la FAO, les femmes produisent 70% de la nourriture sur la planète mais elles sont marginalisées et opprimées par le néolibéralisme et le patriarcat. La Via Campesina lutte contre toutes les formes de violence faites aux femmes ».
En défense de la souveraineté alimentaire
« La Via Campesina a lancé l’idée de la “souveraineté alimentaire” au Sommet mondial de l’Alimentation en 1996. Cela a donné naissance à un mouvement populaire global porté aujourd’hui par une grande diversité de secteurs sociaux tels que des communautés urbaines défavorisées, des associations de défense de l’environnement et des consommateurs, des organisations de femmes, de pêcheurs traditionnels, d’éleveurs pastoraux et beaucoup d’autres. La souveraineté alimentaire est également reconnue par plusieurs institutions et gouvernements » (viacampesina.org).
La souveraineté alimentaire se présente maintenant comme l’une des réponses les plus crédibles aux crises actuelles de l’alimentation, de la pauvreté et du climat.
Une structure décentralisée
« La Via Campesina est un mouvement populaire de masse dont la vitalité et la légitimité proviennent d’organisations paysannes de base. Le mouvement s’organise de façon décentralisée au sein de 9 régions. La coordination entre les régions est gérée par le Comité de Coordination International qui est constitué d’une femme et d’un homme élus par les organisations membres de chaque région. Le secrétariat opérationnel international se déplace selon une décision collective prise tous les 4 ans par la Conférence Internationale. Il est passé de la Belgique (1993-1996) au Honduras (1997-2004) pour s’installer ensuite en Indonésie jusqu’en 2013. depuis septembre 2013, il est hébergé par l’organisation Zimsoff au Zimbawe . Le mouvement est financé par les contributions de ses membres, des dons privés et par le soutien de certaines ONG, fondations et autorités locales ou nationales » (viacampesina.org).
La Coalición Internacional de la Tierra (ILC) – Rome – Italie
La Coalition internationale pour l’accès à la terre (ILC) est une alliance mondiale de la société civile et des organisations intergouvernementales travaillant ensemble pour promouvoir un accès sécurisé et équitable à la terre et son contrôle pour les femmes et les hommes pauvres à travers l’incidence, le dialogue, le partage des connaissances et le renforcement des capacités.
La vision de la Coalition est de fournir un accès sûr et équitable à la terre et à son contrôle, réduisant ainsi la pauvreté et contribuant à l’identité, à la dignité et à l’inclusion .
Conclusion
L’examen global du phénomène de l’accaparement des terres permet de conclure que toutes les surfaces continentales sont devenues un marché mondial des terres. L’ampleur du phénomène est tout simplement ahurissante. Presque tous les pays sont affectés et le processus enclenché s’accélère. Cette ruée vers les terres agricoles et leur prise de possession par des intérêts étrangers risquent d’affecter à la fois la souveraineté des pays en développement et leur capacité d’assurer l’approvisionnement alimentaire de leurs propres populations. On assiste donc à un processus de confiscation des terres traditionnellement mises en valeur par la paysannerie. Plusieurs facteurs aggravent cette situation globale : Le binôme complice État-entreprise, le libre accès aux terres communales ou terres patrimoniales d’un pays, le financement par les États de la production des biocarburants, les besoins grandissants d’aliments dans les pays à forte croissance démographique, la hausse du prix des aliments, la vente des terres dotées de sols de qualité supérieure et le grand nombre de régimes politiques ploutocratiques. Tous ces facteurs concourent à rendre les transactions légitimes et même utiles aux yeux des décideurs.
Les attentes de la population rurale active sur des terres appropriées. Stopper le processus d’accaparement et agir de façon urgente
Les rapports consultés invitent les gouvernements à agir et ce de façon urgente. Déjà, des dommages considérables ont été causés dans un grand nombre de pays. Il faut que le processus d’accaparement soit stoppé ou du moins placé sous un contrôle strict de la part des agences responsables. Il importe d’intervenir en priorité dans les domaines de la fiscalité agricole et de l’accès aux terres pour la relève.
En ce qui a trait à la fiscalité, une révision de la fiscalité foncière agricole est requise afin que la méthode d’évaluation des terres et des actifs agricoles ne soit pas basée seulement sur la valeur établie des transactions, mais se doit de tenir compte des ventes intergénérationnelles et de leur valeur agronomique. Pour l’accès aux terres, de vives inquiétudes sont exprimées concernant la capacité de la relève agricole à concurrencer les fonds dédiés à l’achat d’actifs agricoles et le développement de l’économie rurale (centralisation de l’achat d’intrants et d’équipements).
Nous sommes conscients, à la suite de cette analyse du portrait global de l’accaparement des terres, qu’il est fort difficile pour la paysannerie de voir ses revendications prises en compte quand les gouvernements eux-mêmes sont juges et parties ou même complices proactifs des pouvoirs financiers internationaux. Quand la spéculation devient le leitmotiv dans le processus de la production alimentaire les terres vivrières sont alors sacrifiées au meilleur offrant et on assiste alors à la dépossession des terres cultivées et à l’intensification du processus de l’exode rural, ce qui s’est produit en Amérique latine et ce qui caractérise aujourd’hui les mouvements migratoires dans l’ensemble du continent africain.
Nous reproduisons, ici, l’Appel de Dakar contre les accaparements de terres – 2011
Appel de Dakar contre les accaparements de terres
Créé le mercredi 2 mars 2011
Nous, organisations paysannes, organisations non-gouvernementales, organisations confessionnelles, syndicats et autres mouvement sociaux, réunis à Dakar pour le Forum Social Mondial de 2011:
Considérant que les agricultures paysannes et familiales qui regroupent la majorité des agriculteurs et des agricultrices du monde, sont les mieux placées pour : répondre à leurs besoins alimentaires et ceux des populations, assurant la sécurité et la souveraineté alimentaires des pays, fournir des emplois aux populations rurales et maintenir un tissu économique en zones rurales, clé d’un développement territorial équilibré, produire en respectant l’environnement et en entretenant les ressources naturelles pour les générations futures ;
Considérant que les récents accaparements massifs de terres au profit d’intérêts privés ou d’États tiers ciblant des dizaines de millions d’hectares – que ce soit pour des raisons alimentaires, énergétiques, minières, environnementales, touristiques, spéculatives, géopolitiques – portent atteinte aux droits humains en privant les communautés locales, indigènes, paysannes, pastorales, forestières et de pêcherie artisanale de leurs moyens de production. Ils restreignent leur accès aux ressources naturelles ou les privent de la liberté de produire comme ils le souhaitent. Ces accaparements aggravent également les inégalités d’accès et de contrôle foncier au détriment des femmes ;
Considérant que les investisseurs et les gouvernements complices menacent le droit à l’alimentation des populations rurales, qu’ils les condamnent au chômage endémique et à l’exode rural, qu’ils exacerbent la pauvreté et les conflits et qu’ils contribuent à la perte des connaissances, savoir-faire agricoles et identités culturelles;
Considérant enfin que la gestion foncière, ainsi que le respect des droits des peuples, sont d’abord sous la juridiction des parlements et gouvernements nationaux et que ces derniers portent la plus grande part de responsabilité dans ces accaparements ;
Nous en appelons aux parlements et aux gouvernements nationaux pour que cessent immédiatement tous les accaparements fonciers massifs en cours ou à venir et que soient restituées les terres spoliées. Nous ordonnons aux gouvernements d’arrêter d’oppresser et de criminaliser les mouvements qui luttent pour l’accès à la terre et de libérer les militants emprisonnés. Nous exigeons des gouvernements nationaux qu’ils mettent en place un cadre effectif de reconnaissance et de régulation des droits fonciers des usagers à travers une consultation de toutes les parties prenantes. Cela requiert de mettre fin à la corruption et au clientélisme, qui invalident toute tentative de gestion foncière partagée.
Nous exigeons des gouvernements et Unions Régionales d’États, de la FAO et des institutions nationales et internationales qu’elles mettent immédiatement en place les engagements qui ont été pris lors de la Conférence Internationale pour la Réforme Agraire et le Développement Rural (CIRADR*) de 2006, à savoir la sécurisation des droits fonciers des usagers, la relance des processus de réformes agraires basés sur un accès équitable aux ressources naturelles et le développement rural pour le bien-être de tous. Nous réclamons que le processus de construction des Directives de la FAO* soit renforcé et qu’il s’appuie sur les droits humains tels qu’ils sont définis dans les différentes chartes et pactes internationaux – ces droits ne pouvant être effectifs que si des instruments juridiques contraignants sont mis en place au niveau national et international afin que les États respectent leurs engagements. Par ailleurs, il incombe à chaque état d’être responsable vis à vis de l’impact de ces politiques ou des activités de ses entreprises dans les pays ciblés par les investissements. De même, il faut réaffirmer la suprématie des droits humains sur le commerce et la finance internationale, à l’origine des spéculations sur les ressources naturelles et les biens agricoles.
Parallèlement, nous invitons le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA*) à rejeter définitivement les Principes pour des Investissements Agricoles Responsables (RAI*) de la Banque Mondiale, qui sont illégitimes et inadéquats pour traiter le phénomène, et à inclure les engagements de la CIRADR ainsi que les conclusions du rapport d’Évaluation Internationale des Connaissances, des Sciences et Technologies Agricoles pour le Développement (IAASTD*) dans son Cadre d’Action Globale.
Nous exigeons que les États, organisations régionales et institutions internationales garantissent le droit des peuples à avoir accès à la terre et soutiennent l’agriculture familiale et l’agro-écologie. Ces initiatives doivent être basées sur l’agriculture familiale et la production vivrière agro-écologique. Des politiques agricoles appropriées devront prendre en compte les différents types de producteurs (peuples autochtones, éleveurs nomades, pêcheurs artisanaux, paysans et paysannes et bénéficiaires des réformes agraires) et répondre plus spécifiquement aux besoins des femmes et des jeunes.
Enfin, nous appelons les citoyen-ne-s et les organisations de la société civile du monde entier à soutenir – par tous les moyens humains, médiatiques, juridiques, financiers et populaires possibles – tous ceux et toutes celles qui luttent contre les accaparements de terres et à faire pression sur les gouvernements nationaux et sur les institutions internationales pour qu’ils remplissent leurs obligations vis à vis des droits des peuples.
Nous avons tous le devoir de résister et d’accompagner les peuples qui se battent pour leur dignité !
Jules Dufour
Centre de recherche sur la Mondialisation
Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géogrpahe. Professeur émérite. Membre Chevalier de l’Ordre national du Québec. Membre de la Commission mondiale des Aires protégées de l’Union Internationale de la nature (UICN), Gland, Suisse. Membre, Cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, Paris.
Références
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WIKIPÉDIA. Accaparement des terres. Dernière mise à jour : En ligne :
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Vidéos
Accaparement des terres – Reportage de l’aJT05/03/2015 – 21. Le 5 mars 2015. En ligne :https://www.youtube.com/watch?v=2xTerusJqsQ
Annexe 1.
Déclaration de la 3e Conférence spéciale sur la souveraineté alimentaire, pour les droits et pour la vie
Le texte intégral de la déclaration publié le 30 avril 2012. En ligne : http://www.radiomundoreal.fm/get.php?file=IMG/pdf/Declaracion_III_Conf_mov_sociales_x_sob_alimentaria.pdf&type=application/pdf