Renat Kuzmin: «J’en sais assez pour risquer la mort.»
Renat Kuzmin
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L’ancien premier vice-procureur général d’Ukraine livre des informations accablantes sur la corruption des autorités ukrainiennes. Sont visés le président Petro Porochenko, son conseiller Iouri Loutsenko et le procureur général d’Ukraine Viktor Shokin. Premier volet de notre entretien exclusif. La suite demain…
PAR JEAN-CHRISTOPHE EMMENEGGER
— 03.06.2015
La corruption en Ukraine, Renat Kuzmin connaît par cœur. Cet homme de loi de 48 ans, docteur en droit, porteur de nombreuses distinctions, a œuvré pendant près de vingt-cinq ans dans les différents offices de procurature du pays d’Europe de l’Est. Il en a gravi les échelons jusqu’à être nommé en 2010 premier vice-procureur général, fonction qu’il exerce jusqu’à fin 2013.
En cette qualité, il a initié plusieurs enquêtes anticorruption touchant à des personnalités politiques de premier plan: l’ancien président Leonid Koutchma (1994-2005); l’égérie de la «révolution orange» et ancien premier ministre d’Ukraine Ioulia Timochenko; ou encore l’ancien ministre de l’Intérieur Iouri Loutsenko (2005-2006 et 2007-2010), qui n’est autre que le conseiller actuel du président Petro Porochenko et le chef de sa coalition politique, le Bloc Petro Porochenko.
Aujourd’hui, Renat Kuzmin vit caché quelque part dans un pays de l’Est où Sept.info l’a rencontré. Au secret. Car menacé de mort, sous le coup d’un mandat d’arrêt, l’homme demande de ne pas révéler le lieu de la rencontre ni aucun indice qui pourrait le trahir. Interview exclusive.
Fiche de mandat d’arrêt délivré contre Renat Kuzmin, publiée par le Ministère de l’intérieur ukrainien.
Renat Kuzmin, vous étiez candidat à l’élection présidentielle ukrainienne de 2014 et vous n’avez obtenu que 0,1% des voix. Comment pourriez-vous être une menace pour les personnes qui vous veulent du mal?
La victoire de Porochenko à cette élection présidentielle n’était rien d’autre qu’un complot d’oligarques. C’est ce qu’a avoué d’ailleurs l’un de ceux-ci, Dmitry Firtash, à la justice autrichienne (1). Toutes les autorités ukrainiennes sont entièrement contrôlées par des oligarques. Après le coup d’Etat de février 2014, ce sont eux ou leurs hommes de paille qui ont été nommés à toutes les positions clés de l’administration présidentielle, des ministères, des administrations régionales, des compagnies de ressources premières appartenant à l’Etat. Ces oligarques n’ont jamais été utiles au peuple ukrainien, quels qu’ils soient, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui. Ils n’agissent que dans leur propre intérêt. Aujourd’hui, Petro Porochenko est l’oligarque le plus influent d’Ukraine. Lui, Iouri Loutsenko et Viktor Shokin ont peur que je dévoile le détail de certaines affaires les concernant. Ils ont peur que je puisse apporter à l’Union européenne des dossiers compromettants.
Depuis le mois de juin 2014, vous êtes sous le coup d’un mandat d’arrêt délivré par un tribunal de district de Kiev. Pourquoi?
C’est un complot politique fomenté pour me discréditer. Certaines personnes au pouvoir veulent m’écarter des affaires publiques et me faire taire.
De quelles personnes parlez-vous?
Je parle en particulier de la troïka qui dirige aujourd’hui l’Ukraine: le président Petro Porochenko, son bras droit Iouri Loutsenko et l’actuel procureur général d’Ukraine Viktor Shokin.
Que leur reprochez-vous?
En tant que premier vice-procureur général d’Ukraine (de 2010 à fin 2013, ndlr), j’ai été amené à enquêter sur des grosses affaires de corruption impliquant l’ancien ministre ukrainien de l’Intérieur Iouri Loutsenko (de 2007 à 2010, ndlr), l’actuel président d’Ukraine Petro Porochenko et l’actuel procureur général d’Ukraine, Viktor Shokin. Il n’y avait rien de personnel là-dedans, je faisais simplement mon travail. Mais en vingt-cinq ans de procurature, j’ai eu le temps d’en apprendre suffisamment sur les personnes au pouvoir actuellement. Pour le dire plus simplement: je détiens assez d’informations pour que quelqu’un décide de me tuer ou m’anéantir en utilisant des procédés illégaux.
De quelles affaires s’agit-il? Commençons par Iouri Loutsenko.
Après s’être retrouvé au pouvoir en 2014 grâce à Petro Porochenko, Iouri Loutsenko cherche à se venger d’avoir été emprisonné sous ma juridiction. De même que son avocat, Oleksiy Bahanets, aujourd’hui vice-procureur général: il avait perdu contre moi le procès en appel de son client auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Lui et Iouri Loutsenko se sont arrangés pour fabriquer des accusations à mon encontre. Ils ont falsifié des documents pour pouvoir demander mon arrestation. Ils ont même envoyé ce matériel à l’organisation internationale de police Interpol. Mais Interpol a reconnu qu’il y avait une motivation politique à cette requête et a refusé de collaborer avec l’Ukraine dans mon cas. C’est tout à son honneur.
[Le 9 janvier 2015, le Secrétariat général d’Interpol a écarté la requête des autorités ukrainiennes de publier une notice – rouge – de recherche internationale à l’encontre de Renat Kuzmin. A noter qu’en tant que premier procureur général adjoint d’Ukraine, Renat Kuzmin avait collaboré avec Interpol dans le cadre d’un programme de lutte contre le crime organisé des pays de l’Est,ndlr]
De quoi vos adversaires vous accusent-ils?
Ne trouvant rien à me reprocher au point de vue de l’exercice de mes fonctions, les autorités ukrainiennes m’ont accusé de façon absurde d’«avoir instruit une enquête criminelle à l’encontre de M. Loutsenko et d’avoir incité la cour à arrêter ce dernier en signant sa demande d’arrestation pour le juge d’instruction.» A présent, ma persécution politique se poursuit avec la complicité de Viktor Shokin, nommé procureur général d’Ukraine le 10 février dernier sur proposition de Petro Porochenko (2).
Et quelles sont les affaires de corruption qui touchent à Petro Porochenko?
En 2005, Petro Porochenko, qui venait d’être nommé secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense d’Ukraine, a été accusé publiquement de corruption lors d’une conférence de presse par Alexandre Zinchenko, le chef du Secrétariat présidentiel de Viktor Iouchtchenko (président d’Ukraine de 2005 à 2010, ndlr). A la suite de cette déclaration, plusieurs enquêtes pénales ont été ouvertes à son encontre. Trois d’entre elles étaient de mon ressort. La première affaire concerne l’arrestation illégale en 2005 du président du Conseil régional de Donetsk Boris Kolesnikov. Lors de ses interrogatoires, Kolesnikov a insisté sur le fait que c’était Petro Porochenko qui était à l’origine de son arrestation illégale. En résumé, Porochenko a menacé Kolesnikov de représailles s’il ne payait pas un pot-de-vin de 2 milliards de dollars. Après avoir refusé de payer, Kolesnikov a été arrêté. Viktor Shokin est l’homme qui a ordonné d’entamer des poursuites contre Boris Kolesnikov, sur la base d’une procédure pénale falsifiée.
Y a-t-il d’autres témoignages corroborant ces faits?
L’ancien procureur général d’Ukraine, Sviatoslav Piskun a aussi déclaré que Porochenko lui avait proposé «de faire un peu d’argent» sur le dos de l’arrestation de Boris Kolesnikov. Quand il a refusé, Porochenko lui a ordonné de rester à l’écart et c’est Viktor Shokin qui s’est chargé de l’affaire…
Quelles sont les autres affaires de corruption liées à Petro Porochenko?
La deuxième affaire dont j’étais chargé concerne une extorsion de fonds auprès de propriétaires de biens immobiliers de luxe à Kiev, rue Grushevskogo 9a. La troisième enquête pénale concerne la subornation exercée par Petro Porochenko sur le juge de la Haute Cour de commerce, pour qu’il prenne une décision favorable aux entreprises sous son contrôle.
Où en sont ces enquêtes?
Elles n’ont jamais pu aboutir à jugements, parce qu’au stade de l’enquête préliminaire, elles m’ont été retirées. Ensuite, elles ont été classées sans suite illégalement.
Ce que vous affirmez est grave. Avez-vous des preuves?
Les dossiers d’enquêtes pénales se trouvent dans le Bureau du procureur général d’Ukraine. Mais il existe des copies d’actes de procédure essentiels, gardées ailleurs, dans un lieu sûr. En outre, les enquêteurs qui ont réalisé ces enquêtes sont encore en vie pour témoigner.
Par ailleurs, Le 20 février 2013, vous annonciez avoir récolté suffisamment de preuves confirmant l’implication de Leonid Koutchma, l’ancien président d’Ukraine (1994-2005), dans l’assassinat d’un journaliste ukrainien.
En effet, j’avais lancé une action en justice contre Leonid Koutchma pour son implication présumée dans l’assassinat du journaliste Gueorgui Gongadzé en l’an 2000 [Leonid Koutchma a dénigré ces accusations en les traitant de «banale provocation», ndlr]. J’ai aussi déclaré publiquement que son gendre, l’oligarque Viktor Pintchouk, avait empêché les autorités ukrainiennes d’agir de manière indépendante en utilisant ses connexions internationales.
Qu’est devenue cette action en justice?
Il y a eu un pot-de-vin d’un milliard de dollars versé à divers fonctionnaires pour les faire taire et faire cesser l’enquête. Cette information provient des membres du groupe d’enquête du Bureau du procureur général Viktor Pshonka (qui était en fonction de fin 2010 au 22 février 2014, ndlr). Après que ce fait a été rendu public, tous les membres du groupe d’enquête ont été renvoyés et l’unité d’enquête a été liquidée. Moi-même, j’ai été écarté du Ministère public. A nouveau, Viktor Shokin est impliqué dans cette affaire. C’est lui qui, alors qu’il occupait la charge de procureur adjoint, a caché des informations et fait fermer l’enquête sur Leonid Koutchma. Quant au président Petro Porochenko, au lieu de laisser traduire en justice Leonid Koutchma, il l’envoie comme son représentant en Europe lors des négociations au «format de Normandie» – je veux dire, il l’envoie comme le représentant de ses propres intérêts au nom de l’Ukraine. C’est très clairement aussi une manière de le blanchir.
Dans le cadre de cette affaire, Petro Porochenko a été prévenu de corruption pour avoir défendu les intérêts de l’oligarque Viktor Pinchouk (3), mais il n’a jamais été traduit en justice. Vous détenez également des informations compromettantes à ce sujet?
Oui.
Qu’est-ce qu’elles impliquent?
Elles impliquent que Porochenko est un homme d’affaires qui se trouve lui-même sous l’influence d’autres oligarques. Il ne laissera pas l’actuel Bureau du procureur général mener l’enquête sur la responsabilité de Koutchma dans l’affaire du journaliste Gongadzé.
Vous avez aussi enquêté sur des affaires criminelles concernant l’ancien premier ministre d’Ukraine Ioulia Timochenko.
En effet. Mais immédiatement après le coup d’Etat de février 2014, le Parlement ukrainien a voté une loi de réhabilitation de tous les fonctionnaires condamnés ou accusés durant les deux dernières années de la présidence de Victor Ianoukovitch. Cette loi, ratifiée par le président Porochenko, est toujours en vigueur. Elle est en infraction complète avec la Constitution de l’Ukraine, car ce n’est pas au parlement de décider de réhabiliter ou non des personnes, c’est une décision qui ne peut appartenir qu’à la justice. Elle a pour effet l’arrêt de toute procédure judiciaire et le blanchiment de nombreux fonctionnaires. Elle a aussi pour conséquence les représailles en cours contre moi et d’autres fonctionnaires. A tout le moins, Ioulia Timochenko a sa propre vision politique; elle n’est pas en accord total avec Petro Porochenko; elle a déclaré à plusieurs reprises, lors d’émissions de télévision ukrainienne, qu’elle ne chercherait pas à se venger politiquement; elle a même envoyé une lettre au procureur général Viktor Shokin pour lui dire qu’elle renonçait à demander des «réparations» qui sont en fait des représailles. Mais ceux qui sont à la tête de l’Ukraine actuellement ne font qu’exercer des violences politiques et multiplient les actions illégales à l’encontre de leurs ennemis ou opposants. C’est la preuve que ce ne sont pas des grands politiciens.
Que faites-vous pour vous défendre des persécutions politiques provenant apparemment de gens très puissants?
En avril de cette année, j’ai personnellement avisé de mes griefs le président Porochenko (par lettre du 26 avril 2015), ainsi que le procureur général Viktor Shokin (par lettre du 16 avril 2015). Ces deux lettres leur ont été envoyées par l’intermédiaire de mes avocats. Je leur demande de faire cesser la procédure d’accusation à mon encontre, qui est entachée d’irrégularités et enfreint sur toute la ligne la législation ukrainienne. Je les préviens que j’ai soumis une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour la violation des standards de protection des droits humains, accompagnée d’éléments de preuves de tout ce que j’avance. Et que je poursuivrai mes dépositions auprès d’institutions internationales pour apporter la lumière sur le mécanisme de corruption dont ils sont responsables ou complices.
On pourrait vous reprocher d’avoir enquêté sur Iouri Loutsenko et Ioulia Timochenko durant la présidence de Viktor Ianoukovitch, qui avait peut-être aussi des motifs de se venger politiquement de ces personnes qui lui avaient donné du fil à retordre lors de l’élection présidentielle ukrainienne de 2004. Que répondriez-vous?
J’ai mené ces enquêtes parce que c’était mon travail. Il n’y a rien de personnel là-dedans. De plus, les enquêtes concernant Madame Timochenko ont débuté sous la présidence de Iouchtchenko et se sont terminées sous celle de Ianoukovitch. Quant à ce qui concerne Loutsenko, il n’était qu’un petit politicien en ce temps-là, il ne représentait pas un grand problème pour Ianoukovitch. Ce dernier lui a même octroyé la grâce présidentielle en violation de l’ordre juridique existant, invoquant la miséricorde et la compassion!
En ayant décidé de vous soustraire à votre arrestation, vous êtes devenu à votre tour un «hors-la-loi». Comment vivez-vous cela?
Normalement ce sont les criminels qui se cachent. Je ne suis pas un criminel, je ne veux pas me cacher. Mais je dois éviter cette arrestation, car l’accusation est fabriquée et je ne suis pas en mesure d’organiser ma défense: toute la procédure est entachée d’irrégularités, mes avocats ont été intimidés et empêchés de prendre connaissance des poursuites pénales engagées contre moi avant qu’on ne lance un mandat d’arrêt à mon encontre. Je dois aussi m’inquiéter pour ma sécurité personnelle. J’évite toute activité publique. Je ne donne plus de cours à l’université. J’en sais assez sur certaines affaires pour risquer la mort.
PAR JEAN-CHRISTOPHE EMMENEGGER — 03.06.2015
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(1) Dmitry Firtash, 50 ans, est un homme d’affaires ukrainien devenu au cours des années 2000 l’un des principaux investisseurs dans le secteur de l’énergie et de l’industrie chimique en Europe de l’Est et en Europe Centrale (il est surnommée le «roi de l’engrais» en Ukraine.) Il est notamment copropriétaire de la société RosUkrEnergo Ltd, fondée à Zoug (en Suisse) en 2004, et déclarée en liquidation à partir du 29 juillet 2014 dans le registre du commerce.
Selon un rapport publié le 27 avril 2015par l’Observatoire du crime organisé à Genève (OCO), RosUkrEnergo représente une compagnie clé du secteur de l’énergie, en particulier pour les transactions de gaz turkméno-russo-ukrainiennes. Elle a joué un rôle opaque d’intermédiaire entre Gazprom (société russe d’extraction, de traitement et de transport de gaz naturel) et Naftogaz (société nationale ukrainienne du transport de gaz naturel et d’extraction, de raffinage et de transport de pétrole). Cette société commune appartenait pour 50% à Gazprom et le reste à deux oligarques ukrainiens, dont l’un, Dmitry Firtash, détenait 45% des parts par l’intermédiaire de la société Centragas Holding, sise à Vienne, son partenaire Ivan Fursin détenant les 5% restants). Selon des sources ukrainiennes et des câbles diplomatiques américains, le véritable boss de ce commerce pourrait être le «parrain des parrains» du crime organisé russo-ukrainien Semion Mogilevich, né à Kiev en 1946. En 2002, Firtash aurait été impliqué avec lui dans la création d’une société précédente tout aussi douteuse: Eural Trans Gas, servant aux transactions du gaz turkmène amené en Ukraine. Le rapport de l’OCO indique avoir retrouvé des traces de l’activité de Dmitry Firtash avant 2006 à Moscou, en Allemagne, en Ukraine, en Estonie et en Asie centrale. Mais il n’existe aucune preuve de connexions avec le crime organisé.
Depuis que le gouvernement ukrainien a brisé le monopole de Naftogaz en 2011, Dmitry Firtash contrôlerait la société Ostchem Gas Trading SA (fondée en 2012 à Zoug/CH) active dans le commerce du gaz, en plus de NF Trading SA (fondée en 2010 à Zoug/CH) active dans le commerce de produits chimiques, en particulier les engrais, l’urée et l’ammoniac.
Dmitry Firtash a été arrêté à Vienne dans la nuit du 12 au 13 mars 2014, dans le cadre d’une enquête du FBI, la police fédérale américaine, ouverte en 2006 sur un soupçon de corruption internationale et de formation d’une organisation criminelle (pots-de-vin versés à des responsables politiques pour la construction d’une usine de titane en Inde). L’oligarque, quatorzième fortune d’Ukraine, selon le magazine Forbes, a été relâché contre une caution de 125 millions d’euros, après qu’un tribunal autrichien eut refusé d’accéder, début mai 2015, à la demande d’extradition des officiels américains, arguant d’une motivation politique au moins partielle et non étayée par des preuves suffisantes.
(2) Oligarques en famille. Viktor Pintchouk est l’un des hommes les plus riches du monde. Il épouse en 2002 Olena, la fille de Leonid Koutchma, président de l’Ukraine de 1994 à 2005. Il est connu non seulement comme magnat de l’acier mais aussi mécène d’artistes. A noter qu’à travers sa fondation philanthropique, la Pintchouk Foundation, il finance la fondation américaine Clinton Global Initiative, établie par Bill et Hilary Clinton en 2005.
(3) Enquêtes abandonnées. Le 9 juillet 2014, le procureur général d’Ukraine Vitaliy Yarema (du 19 juin 2014 au 10 février 2015) avait déclaré vouloir rouvrir des enquêtes abandonnées illégalement au sujet du meurtre du journaliste Gueorgui Gongadzé. En décembre 2014 et en janvier 2015, des nouveaux éléments ont fait surface pouvant mener à l’ouverture d’une nouvelle enquête. Mais le 10 février 2015, ce procureur général a été remplacé par Viktor Shokin, sur proposition du président Petro Porochenko. Ioulia Timochenko a été condamnée à sept ans de prison en 2011 pour abus de pouvoir. D’autres procès lui pendaient au nez, mais elle a été libérée le 22 février 2014 à la faveur d’une loi d’amnistie votée par le parlement ukrainien. Le 24 juin 2014, elle a même été totalement blanchie par la Cour suprême d’Ukraine.
Déposition auprès de la Cour européenne des droits de l’homme
Renat Kuzmin a fait parvenir le 26 avril 2015 une lettre au président Petro Porochenko (en russe) par le biais de son avocat ukrainien. Il lui rappelle qu’en tant que président il est le garant de la Constitution et qu’il doit par conséquent répondre des violations de celle-ci, tout comme des actes illégaux et des abus de pouvoir commis par le procureur général Viktor Shokin. Dans cette lettre, Renat Kuzmin mentionne que des proches de Iouri Loutsenko et des hauts fonctionnaires du Bureau du procureur général ont tenté de le corrompre, lui, Renat Kuzmin, en lui proposant de payer un pot-de-vin pour faire cesser les poursuites illégales engagées à son encontre. «Si j’avais accepté, je ferais partie de ce système», explique Renat Kuzmin. En revanche, «je n’ai aucun doute que mon refus catégorique va déclencher une intensification de la répression contre mes avocats, ma famille et moi-même.» Sous le coup des «persécutions politiques et actions ouvertement criminelles» dont il se dit victime (ainsi que ses avocats), Renat Kuzmin a déposé un dossier auprès de la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Il présentera ou a déjà présenté d’autres appels auprès d’institutions internationales pour apporter la lumière sur le mécanisme de corruption rendant possible en Ukraine ce type d’actions illégales
Source: http://www.sept.info/renat-kuzmin-ukraine-corruption-investigation-entretien-exclusif/