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LOI DE RENSEIGNEMENT: L' ANALYSE...............

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Mai
2015

Loi de Renseignement : l’analyse de Numerama Loi Renseignement : on a fait le Vrai/Faux du Vrai/Faux du Gouvernement !

Alors que le Gouvernement a publié un “Vrai/Faux” pour tenter de déminer ce qu’il estime être les “fantasmes” des opposants au Projet de Loi Renseignement, Numerama se prête au même jeu en répondant point par point.

Au moment où s’ouvrait à l’Assemblée Nationale la discussion du projet de loi sur le Renseignement, le Gouvernement publiait sur son site internet un “Vrai/Faux” sur ce que Manuel Valls venait de qualifier tour à tour de “mensonges“, “fantasmes” ou interprétations de “mauvaise foi“, pour demander aux députés de ne pas écouter les opposants et de voter massivement la loi. En tout, onze points que nous reprenons ici les uns après les autres :

(attention : ce n’est pas clair en lecture rapide, mais nos “Vrais” / “Faux” concernent la réponse apportée par le Gouvernement, pas la réponse à la question !)

1. LE PROJET DE LOI OFFRE DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES AUX SERVICES DE RENSEIGNEMENT

Si l’explication fournie est difficilement contestable puisque sans réel argument précis, on peut toutefois préciser que les “moyens supplémentaires” offerts aux services de renseignement sont surtout théoriques. En pratique, comme l’ont expliqué les ministres en commission des lois, il s’agit pour une large part de légaliser des pratiques qui étaient jusque là illégales. C’est une loi blanchisserie.

2. LE GOUVERNEMENT MET EN PLACE UNE SURVEILLANCE MASSIVE DES DONNÉES SUR INTERNET

C’est la question cruciale des boîtes noires, dont le fonctionnement est très opaque. En l’état actuel du texte, il est précisé que le Premier ministre pourra ordonner aux FAI et hébergeurs “la mise en œuvre sur leurs réseaux d’un dispositif destiné à détecter une menace terroriste sur la base de traitements automatisés” de données. Il est vrai que le texte prévoit que les données sont collectées et passées à la moulinette de l’intelligence artificielle “sans procéder à l’identification des personnes auxquelles ces informations ou documents se rapportent“. Mais comme nous l’expliquions hier, ce n’est pas parce que des données sont collectées et traitées sans identification des personnes surveillées qu’il n’y a pas surveillance. Si un policier vient chez vous et observe tout ce que vous faites, vous ne serez sans doute pas très heureux, même s’il ne connaît pas encore votre nom. De plus, c’est l’Etat qui décidera de ce qui représente un “indice” de potentialité de terrorisme, ce qui sera potentiellement très large. Les internautes se sentiront-ils libres d’aller s’informer sur des sites édités par l’ennemi ou par ses sympathisants (ce qui est encore leur droit en démocratie), s’ils redoutent que la boîte noire estime qu’il s’agit d’un comportement suspect, qui mérite d’enquête de plus près dans le contenu-même des communications ? Si ce n’est pas une surveillance de masse, c’est au moins une mise au pas de masse, par la signification que tout comportement suspect sera détecté.

3. LE GOUVERNEMENT MET EN PLACE UN DISPOSITIF MASSIF D’INTERCEPTION DES CONVERSATIONS PRIVÉES

Notez la subtilité des mots employés par le Gouvernement, qui parle des “interceptions de conversations téléphoniques”, alors que ça n’est pas là le sujet principal. Les ISMI-catchers permettront surtout de collecter les identifiants de tous les téléphones présents dans une zone géographique donnée (au hasard sur les lieux d’une manifestation). Si vous ne voulez pas en être victime, l’installation d’un détecteur d’ISMI-catcher sur votre smartphone peut être recommandée.

4. LA COMMISSION DE CONTRÔLE SERA INDÉPENDANTE ET DISPOSERA DES MOYENS SUFFISANTS POUR ASSURER SA MISSION

Il est toujours amusant de parler d’autorité “indépendante” lorsque l’Etat décide de son budget et donc de ses moyens d’action. Il suffit de voir comment le Gouvernement a mis au pas la Hadopi en l’asphyxiant par le budget pour voir que “l’indépendance” n’est que sur le papier. Par ailleurs son avis ne sera que consultatif. Elle aura le droit de dire “je ne suis pas d’accord”, et le Premier ministre aura le droit de répondre “je m’en fiche”. Quant au pouvoir de saisir le Conseil d’Etat, il est amusant, mais la CNCTR ne pourra jamais qu’alerter le Conseil d’Etat de pratiques illégales, or tout l’objet de la loi est d’étendre grandement le champ de la légalité, pour donner le maximum de flexibilité aux services de renseignement.

5. LE JUGE SERA ABSENT DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE

Nous avons cherché l’expression la plus polie pour parler de la réponse à ce point n°5, et nous avons trouvé : “foutage de gueule total”. Comment voulez-vous exercer un recours contre une mesure de surveillance alors que par définition, vous ne savez pas que vous êtes surveillé par l’Etat ? Le projet de loi dit bien que le plaignant, qui doit d’abord s’adresser à la CNCTR, doit justifier un “intérêt direct et personnel” à contester une mesure, c’est-à-dire qu’il ne peut pas se contenter de dire qu’il soupçonne l’éventualité que peut-être, sait-on jamais, l’Etat le surveille. Il faudra apporter des débuts de preuve, qu’il sera très difficile (voire impossible) de réunir.

Quant aux magistrats qui siègent à la CNCTR, ce n’est pas le titre qui fait la fonction. Ils ne seront pas soumis aux règles de procédure qui s’imposent aux juridictions, et qui font la garantie des droits. De plus ils seront nommés par le Premier ministre, sur proposition du Procureur général près la Cour de la cassation, lui-même nommé à ce poste par le Gouvernement. Faut-il en dire plus pour douter de leur indépendance, qui doit être celle de tout “magistrat” chargé de s’opposer aux abus de pouvoir de l’Etat ?

6. LE CHAMP DES FINALITÉS JUSTIFIANT LE RECOURS AUX TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT EST TROP LARGE

Parmi les 7 motifs autorisant des mesures de surveillance administrative, figurent notamment “les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France“, ce qui n’est pas d’une précision fantastique (quand commence un intérêt “majeur” par rapport à un intérêt “mineur” ?), ou encore “la prévention de la délinquance organisée“, ce qui va de la petite équipe de vendeurs de shit aux voleurs de bicyclettes en passant par la fraude sociale, la fraude fiscale, etc. De plus, il n’est pas exact de prétendre que “le suivi des mouvements défendant pacifiquement certaines causes est clairement proscrit“, puisque le but affiché et de “prévenir des violences collectives”, ce qui est le cas dans à peu près toutes les manifestations, même si leurs organisateurs ont une vision pacifiste. Le but de la prévention est justement de vérifier avant et pendant s’il n’y a pas un risque qu’une manifestation dégénère en violences.

Il est toutefois exact que les motifs sont globalement plus précis que la “sécurité nationale”. Il est juste dommage que le terme de “sécurité nationale” se retrouve toujours dans les 7 motifs.

7. LES PROCÉDURES D’URGENCE SONT INDISPENSABLES

Comme le dit l’ancien ministre de la défense Hervé Morin, qui doit savoir une chose ou deux des pratiques des services de renseignement, “l’urgence ça s’organise“. Il y a donc un risque réel que des agents ne prétextent une urgence inventée pour mettre quelqu’un sous surveillance pendant au moins 24 heures, le temps qu’un ordre contraire soit donné. Certes, les données devront in fine être supprimées, mais rien n’interdit de les consulter (le contraire serait absurde).

Ceci dit, il est exact qu’il ne faudrait pas pécher par naïveté et croire que les urgences absolues n’existent jamais. A défaut d’être parfaitement blindé contre les risques d’abus, le système est sans doute nécessaire.

8. LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT POURRONT AGIR SANS AUTORISATION

Là encore, c’est une question de mots. Oui, il y aura “autorisation”, mais donnée par le Premier ministre, donc par l’Etat à l’Etat. La CNCTR n’aura qu’un avis consultatif et sera limitée dans ses voies de recours par les termes très permissifs de la loi.

9. CERTAINES PROFESSIONS BÉNÉFICIERONT D’UN STATUT PROTECTEUR

Ce n’était pas prévu dans le texte initial, mais cela fait partie des amendements déposés en dernière minute par le Gouvernement, pour tenter d’offrir des gages aux opposants au texte. L‘amendement n°386 dispose que “les techniques de recueil du renseignement (…) ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre d’un magistrat, un avocat, un parlementaire, ou un journaliste ou concerner leurs véhicules, bureaux ou domiciles que sur autorisation motivée du Premier ministre prise après avis de la commission réunie“. Il ne s’agit toutefois pas d’un avis impératif, et c’est la CNCTR, dont on a vu que l’indépendance était sujette à caution, qui sera chargée de veiller à la proportionnalité des atteintes à la vie privée autorisées.

Il faut aussi s’interroger sur la protection des blogueurs, qui ne sont pas des dissidents que dans les pays arabes et ces dictatures lointaines. Comme l’avait conseillé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il est essentiel en démocratie d’accorder les mêmes protections aux blogueurs qu’aux journalistes professionnels. Or on ne sait rien de la façon dont le terme “journaliste” sera interprété. Sera-t-il très restrictif (limité aux titulaires des cartes de presse, qui ne sont pas obligatoires), ou très lâche en considérant que quiconque publie des informations sur Internet est un “journaliste” à temps partiel ?

De plus les parlementaires sont protégés, mais pas les élus locaux, qui peuvent eux-aussi faire l’objet de pressions.

10. LA LOI ACTUELLE PROTÈGE MIEUX LES LIBERTÉS INDIVIDUELLES

Faut-il rire ? La loi vise à légaliser des pratiques qui étaient illégales. Par quel tour de passe-passe retirer aux citoyens la possibilité de contester les pratiques de surveillance illégales dont ils auraient pris connaissance devient-elle, dans les mots du Gouvernement, une “meilleure protection des libertés individuelles” ?

11. LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE NUIT À LA TRANSPARENCE DE L’EXAMEN DU PROJET DE LOI

Celle-ci, il fallait oser la faire. Le Gouvernement explique très naturellement que “la procédure accélérée ne change rien aux travaux parlementaires“. C’est à se demander pourquoi elle existe. En réalité elle prive les députés et les sénateurs du droit de revenir sur les articles ou amendements qu’ils ont adoptés, ou d’en proposer de nouveaux, s’ils n’ont pas eu le temps ou la vigilance suffisantes pour remarquer un problème de la première lecture.

Par ailleurs non seulement le Gouvernement a déclaré la procédure accélérée sur le projet de Loi Renseignement, mais alors qu’il était prêt depuis des mois, il a choisi de ne publier le texte qu’il y a moins d’un mois, le 17 mars. La société civile et les députés ont dû s’organiser dans la précipitation pour prendre connaissance du projet de loi (c’est vrai qu’il ne pèse que 43 pages, et 100 pages si on y ajoute l’étude d’impact), consulter sur ses implications, et proposer des amendements.

Source : Guillaume Champeau, pour Numerama, le 14 avril 2015.


Loi Renseignement : le Gouvernement censure les critiques de sa propagande !

Sur sa page Facebook où il diffuse sa propagande en faveur du projet de loi Renseignement, le Gouvernement censure tout message qui permet aux internautes de prendre connaissance d’arguments contraires.

Drôle d’exercice en démocratie que de faire la propagande de ses projets de loi sur une plateforme censée permettre aux citoyens de répondre au gouvernement, mais de censurer toute réponse qui vient éclairer la réflexion des citoyens. Lundi soir, le service d’information du gouvernement (SIG) qui est chargé d’opérer la communication gouvernementale sur Internet a mis en ligne son Vrai/Faux sur le projet de loi Renseignement, qu’il a immédiatement relayé sur Facebook. Trois médias avaient alors réagi en faisant la contre-analyse de la propagande officielle de Matignon : Le MondeNextinpact et Numerama, qui a publié le Vrai/Faux du Vrai/Faux.

Comme les autres, ce dernier a (merci à vous) beaucoup circulé, y compris jusque sur la page Facebook du Gouvernement. Des citoyens français ont en en effet voulu profiter de l’espace de discussion offert par leur gouvernement pour alerter leurs concitoyens sur le fait que, peut-être, la propagande gouvernementale n’était pas tout à fait exacte.

Mais pour bien démontrer qu’il avait la démocratie en haute estime, le SIG supprime aussi vite que possible tous les liens qui permettent aux internautes d’avoir des explications sur les mensonges ou déformations du Vrai/Faux officiel. C’est en effet un lecteur qui nous a d’abord prévenu sur Twitter. Nous avons voulu vérifier par nous-même ce mercredi midi, à quelques heures de l’adoption par les députés des fameuses et infâmes boîtes noires, et nous avons constaté qu’en quelques minutes, notre message (qui ne faisait pourtant pas mystère qu’il s’agissait d’une vérification de la politique de censure) avait effectivement disparu.

Mise à jour : Et comme souvent, la censure provoque un effet Streisand…

Source : Guillaume Champeau, pour Numerama, le 15 avril 2015.


Censure des critiques : le Gouvernement reconnaît “un dysfonctionnement”

Victime d’un effet Streisand qu’il a lui-même provoqué en censurant sur sa page Facebook toutes les critiques à son projet de loi Renseignement, le Gouvernement a reconnu dans la nuit qu’il avait commis une erreur, et que “cette page est faite pour vous“.

Mercredi, Numerama rapportait que les équipes de communication du Gouvernement avaient décidé de censurer sur leur page Facebook tout message qui présenterait des arguments contre le projet de loi Renseignement, et en particulier tout message conduisant à une analyse contradictoire du Vrai/Faux publié par Matignon. Dès que la manoeuvre fut découverte, la page Facebook s’est retrouvée noyée sous les messages critiques, et est devenue rapidement ingérable pour les modérateurs, illustrant une nouvelle fois le fameux effet Streisand qui accompagne tout effort de censure.

Tard dans la nuit de mercredi à jeudi, au moment-même où les députés adoptaient les boîtes noirestant contestées, le Gouvernement a publié son mot d’excuses, et des promesses de meilleur respect de l’esprit démocratique.

Parlant d’un “dysfonctionnement de notre système de modération“, qu’il faut comprendre comme un dysfonctionnement humain, le Gouvernement reconnaît que “des commentaires n’enfreignant pas notre charte ont été modérés sur la page Facebook du gouvernement“, et affirme que “ce problème est désormais réglé“.

La page du gouvernement est faite pour vous et nous sommes très attachés à ce qu’elle demeure un espace de dialogue constructif et respectueux. C’est justement ce que permet et protège notre politique de modération“, ajoute Matignon.

Selon sa charte, la page Facebook du Gouvernement prévoit que les équipes de modération puissent supprimer sans préavis “tous les commentaires qui ne respecteraient pas les règles de bienséance” énoncées, et “les dispositions légales“. Les règles de bonne conduite sont très classiques, et demandent simplement aux internautes de s’exprimer en français, poliment, de ne pas sortir du sujet commenté, ou encore de ne pas insérer de liens commerciaux ou de “liens inappropriés”.

Avec le message publié cette nuit, le Gouvernement reconnaît fort heureusement que les liens vers des médias offrant aux citoyens les moyens de s’informer ailleurs que sur une Pravda à la mode Facebook sont appropriés.


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