Le futur de la Transnistrie dans le contexte de la crise ukrainienne
La Transnistrie, prochaine Crimée?
Alors que la crise en Ukraine continue de bouillonner, les tensions dans la Moldavie voisine commencent à monter. Cherchant à capitaliser sur la volonté du président Poutine d’utiliser la protection des populations russophones dans la région comme un prétexte pour étendre ses revendications territoriales, les habitants de deux enclaves séparatistes en Moldavie se tournent vers Moscou cherchant sa protection. Après le soulèvement et le coup d’état en Ukraine ainsi que la réunification de la Crimée avec la Russie, les tensions s’exacerbent et englobent la Moldavie, pays limitrophe, qui comme l’Ukraine a fait des efforts considérables pour s’intégrer plus profondément avec l’Ouest.
Cette dernière a signé l’accord d’association et de libre échange avec l’union européenne au sommet de Vilnius en novembre 2013, que l’ancien président ukrainien Victor Yanoukovitch a refusé de signer. Le gouvernement moldave a aussi soutenu le soulèvement piloté par l’Ouest en Ukraine. Les experts occidentaux s’inquiètent donc de ce que la prochaine “Crimée” pourrait être la province séparatiste de Transnistrie.
Pourtant, une majorité des habitants de cette province ne partagent pas cette peur, et si le référendum criméen se tenait actuellement, une large majorité accueillerait avec joie une annexion russe. La Transnistrie (aussi appelée Transdniestria ou Pridnestrovie) est un pays nouveau et émergent du Sud-Est de l’Europe, coincée entre la Moldavie et l’Ukraine. La langue officielle de la Transnistrie est le russe, non le moldave, d’où le fait que la majorité des écoles enseignent l’alphabet cyrillique au lieu de l’alphabet romain utilisé dans le reste du pays. Récemment, la Transnistrie a adopté la législation russe, un signal clair de la région de sa préférence en faveur de l’union commerciale proposée par Moscou. Plus récemment, des exercices militaires russes qui se sont déroulés le 25 mars sur le territoire de la Transnistrie ont ravivées ces tensions.
De son côté, le parlement de Transnistrie a adressé une demande à la Douma russe (l’assemblée nationale) pour demander, suivant la législation russe, le rattachement de la république séparatiste à la Russie. Le document trouve son origine dans un nouveau projet de loi russe facilitant l’accession de nouveaux sujets au sein de la Fédération de Russie. Les discussions au sein du format 5+2 (Russie, Moldavie, Transnistrie, Ukraine, l’OSCE et les observateurs de l’UE et des USA) sont prévus pour les 10 et 11 avril 2014.
La Transnistrie – et la Gaugazie – rejoignent le même club que l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud comme des états de facto, à savoir des entités politiques qui ont acquis une stabilité internes dans la durée, mais qui manquent de souveraineté extérieure au niveau international. Avec l’annexion de la Crimée par la Russie et la possibilité que ces autres “états” rejoignent la Russie ou continuent à être des états de facto, cela crée un couloir au Nord de la Mer Noire, une ligne de front ou une zone tampon.
Bonne coopération Moldavie-Transnistrie depuis les élections de 2009 et 2011
Depuis les élections parlementaires en 2009 au sein de la république de Moldavie, de nouvelles perspectives quant à un enterrement du conflit sont apparues. La nouvelle majorité pro-européenne – l’Alliance pour l’Intégration Européenne (AEI)- qui a remplacé le parti communiste au pouvoir depuis 2001, a montré beaucoup plus de pragmatisme et de volonté de dialogue avec la province séparatiste que le précédent gouvernement qui poursuivait une politique isolationniste.
Lors des présidentielles de 2011, le président Igor Smirnov, qui était au pouvoir depuis que la Transnistrie a déclaré son indépendance en 1990, n’a pas été réélu et a été remplacé par un député de l’opposition, Yevgeny Shevchuk, plus jeune dirigeant du mouvement “Revival” (que l’on peut traduire par renouveau, NdT) et ancien président du Conseil Suprême.
Ces changements politiques ont engendré l’espoir que l’enterrement du conflit prenait un tour positif.
Les changements de pouvoir en Transnistrie ont donné une accélération au processus de paix: le processus officiel de négociations a redémarré à Vilnius, en novembre 2011, après six ans d’interruption, suivi de rencontres à Dublin en février puis avril 2012. Finalement , le document de principe et les procédures ainsi que l’agenda des négociations ont été acceptées à Vienne, où le document a été signé en Juillet 2012. Il contient certaines résolutions de litiges tels que la liberté de mouvement des passagers, des marchandises, du trafic de trains, des questions sur l’éducation,etc.
Aussi une nouvelle approche (l’initiative commune de la Russie et l’Allemagne, Meseburg, 2010) par l’UE et la Russie pour résoudre le conflit fut l’installation d’une Politique conjointe et d’un Comité de Sécurité (EU-R-PSC) au niveau ministérielLié aux questions de sécurité, il a été exposé que l’UE et la Russie coopéreront en particulier vers une résolution du conflit de Transnistrie en vue de péréniser les progrès tangible dans le format 5 + 2 (La Russie, l’Ukraine, la Moldova, la Transnistrie, l’OSCE, l’UE, les États-Unis).
Cette coopération pourrait inclure un engagement conjoint de la Russie et de l’union européenne, qui garantirait une transition en douceur de la situation présente jusqu’à l’étape finale.
L’approche principale lors de la reprise des négociations et du processus de règlement en général se concentre sur la mesures de construction de confiance (Confidence Building Measures, CBMs). Cela signifie que l’on ne touche pas encore les aspects politiques du règlement, par exemple un statut mutuellement accepté de la Transnistrie.
Au lieu de cela, l’objectif a été de passer par des étapes concrètes de questions par lesquelles les deux côtés du conflit sont intéressés. Cette sorte d’initiatives a déjà été suivi de:
- l’engagement des deux parties dans un dialogue direct;
- l’établissement de groupes de travail avec des experts, sur les mesures de création de la confiance;
- la conduite de réunions à un haut niveau (par exemple, entre le premier ministre de la Moldavie Vlad Filat et le leader de la Transnistrie Yevgeny Shevchuk, mais aussi entre les ministres des affaires étrangères Eugen Carpov et Nina Stanski);
- l’élaboration et la mise en œuvre de projets de développement sociaux et économiques nationaux et internationaux etc.
Le dialogue direct à un haut niveau a été le contraste clair avec le manque précédent de dialogue pendant des années.
Il y a eu une douzaine de groupes de travail par exemple sur l’économie, l’agriculture et l’environnement, le transport, des chemins de fer, des actes d’état civil, l’aide sociale et humanitaire, la santé, l’enseignement, la répression des crimes organisés et des cas d’urgence, des télécommunications et la douane, tandis que le groupe de travail sur la démilitarisation et la sécurité ne fonctionne pas encore .
- une restriction accrue des traversées de la frontière par les résidents de Transnistrie, l’introduction d’une interdiction totale d’entrée pour les groupes sociaux et les citoyens (Il est a noter, à ce propos, que l’entrée de citoyens étrangers sur le territoire de la Moldavie est libéralisé; les officiels ukrainiens devraient examiner les statistiques des gains et pertes des succursales moldaves des entreprises ukrainiennes, par exemple, les compagnies anériennes);
- le blocage des opérations d’import-export du coté transnistrien, du transit des produits transnistriens, ce qui est bien dans la façon de faire des directives européennes, comme une voie vers l’intégration européenne, avec une demande de fonctionnement complet des règles de gestion modlaves en Transnistrie;
- l’interdiction de traverser la frontière pour les véhicules avec une plaque transnistrienne;
- le refus de délivrer des permis pour les transports transnistriens de passagers;
- La loi moldave sur le placement des points de contrôle ukrainiens avec accès complet à toutes les bases de données et la loi effectue des fonctions administratives, etc..
La Russie prête si besoin
L’OTAN met en garde sur le fait qu’une enclave pro-russe en Moldavie pourrait être la prochaine cible de Moscou après la Crimée.
Le commandant en chef de l’OTAN en Europe, Philip Breedlove a déclaré le 23 mars 2014 que la Russie a une force armée de grande envergure le long de la frontière de l’est de l’Ukraine et il s’inquiétait sur le fait que cela pouvait représenter pour la région séparatiste de Moldavie.
La Russie a lancé un nouvel exercice militaire, impliquant 8 500 artilleurs, près de la frontière ukrainienne, il y a dix jours. Breedlove a également dit que la tactique russe devrait guider l’alliance militaire des 28 nations de l’Ouest pour repenser le déploiement et la préparation des forces en Europe de l’est afin qu’elles soient prêtes à répondre aux mouvements de Moscou.
Comment les forces russes pourraient-elles se déplacer à cet endroit? La Transnistrie est enclavée et, pour la rejoindre, les troupes russes devraient traverser l’ouest de l’Ukraine.
Toutefois, les forces russes basées sur la côte est de la Mer Noire pourraient évidemment organiser un pont aérien.
Depuis qu’elle a mené une brève guerre d’indépendance pour se séparer de la Moldavie en 1991, la Transnistrie est le lieu de résidence d’une garnison de “maintien de la paix” d’environ 1000 soldats russes. La Russie possède aussi l’option d’inclure Odessa au sein d’une “ceinture de sécurité” qui relierait probablement la Crimée à la Transnistrie.
En Moldavie, l’appétit pour l’intégration européenne de ses 3,5 millions d’habitants a faibli bien avant la crise ukrainienne et l’élection parlementaire à venir en fin d’année pourrait signer le retour du parti communiste pro-russe qui a été éjecté du pouvoir en 2009.
La Moldavie est tombée sous la politique de voisinage de l’UE, qui ne contient aucune promesse explicite d’adhésion semblables à celle faites aux pays de l’ouest des Balkans.
La Gagauzie a aussi fait un référendum
A la suite d’une déclaration d’indépendance en 1991,Comrat (capitale de la Gagauzie) a accepté de rester au sein de la Moldavie, après que Chisinau ait accepté d’accorder à la région le statut de “zone autonome spéciale”.
L’autorité de Chisinau a été remise en cause en février 2014 quand la Gagauzie a organisé un référendum pour rejoindre l’union douanière eurasienne dirigée par la Russie. Le référendum a fait suite à la décision de Chisinau de signer le traité de libre-échange avec l’union européenne en novembre 2013 – le même traité que lex-président ukrainien Victor Yanukovich a repoussé quand il a opté pour l’union douanière avec Moscou. La Gagauzie a une population d’environ 155 00 personnes, en grand partie de l’ethnie gagauz, orthodoxes de langue turque.
Beaucoup redoutent que l’intégration de Chisinau à l’UE masque la volonté d’unir la Moldavie avec sa voisine la Roumanie.
Une écrasante majorité des votants au référendum, tenu avec un taux de participation de 70%, qui s’est tenu dans la région autonome de Gagauzie a voté pour une intégration au sein de l’union douanière dirigée par la Russie: 98,4% des votants ont déclaré être en faveur d’un rapprochement.
Sur une question posée indépendamment, 97,2% des votants on déclaré être opposés à l’intégration européenne. De plus, 98,9% des votants ont soutenu le droit pour la Gagauzie de déclarer son indépendance si la Moldavie perdait ou se défaisait de sa souveraineté. Le gouvernement moldave a déclaré inconstitutionnel le référendum tenu en Gagauzie, ne lui reconnaissant aucune légitimité.
Même si la situation, du point de vue de la sécurité, reste calme en Gagauzie, le comité éxécutif de Comrat a annoncé le 26 mars sa décision d’établir des postes de police indépendants dans la ville ainsi que dans la ville du nord Briceni et celle du sud Cahul. Moscou a montré son soutien à la Gagauzie suite au référendum.
Le gouverneur de la région, Mihail Formuzal est passé à Moscou en mars 2014 et en est revenu avec l’impression que la Russie était prête à l’extension de ses partenariats avec la Gagauzie et à fournir le “soutien nécessaire”. Malgré un embargo sur le vin moldave, la Russie se mit a en importer de Gagauzie, probablement comme une tentative d’encourager la bonne volonté des gagauzes envers leur bienfaiteur.
Ligne médiane
Il est facile de dire que le fait d’incorporer la Transnistrie, tout comme la Gagauzie, l’Abhkazie, l’Ossétie du Sud et la Crimée, au sein de la Fédération de Russie (et le Nagorno-Karabahk à l’Arménie) est contraire aux lois internationales (quelles qu’elles soient) ou à quelque traité international.
Même si l’entrée de la Russie dans l’est de l’Ukraine pourrait être , selon ce que dit l’ouest, une invasion-occupation-annexion.
Cependant, pour moi, ces actions sont bien plus légitimes ou justifiées que l’expansionnisme américain, les guerres secrètes et les interventions autour du globe.
Les scénarii autres que l’unification avec la Russie pour la Transnistrie sont:
- Le maintien du statu quo, c’est à dire la continuation de cette “guerre froide”;
- La réintégration de la république de Moldavie sous condition de l’établissement d’une confédération incluant la Moldavie, laTransnistrie et la Gagauzie. Cela pourrait être un choix pragmatique pour l’Ukraine également;
- La Transnistrie acquiert son indépendance et sa reconnaissance internationale;
- L’union à l’Ukraine ce qui, aprèsle coup d’état à Kiev semble l’option la plus farfelue, selon moi.
Pour moi, même sans reconnaissance internationale, la Transnistrie correspond aux critères d’un état souverain au regard du droit international, en ce qu’elle a un territoire défini, une population, une autorité élue et la capacité de nouer des relations internationales.
Elle cherche actuellement la reconnaissance internationale de son indépendance de facto et de sa structure étatique.
Aussi longtemps que le statut de la Transnistrie ne sera pas résolu, cela restera un obstacle majeur pour l’entrée de la Moldavie au sein de l’UE, cette dernière ne voulant pas d’un autre “état divisé” comme Chypre en son sein.
Traduit de l’anglais par mes soins. Libre de droits sous réserve de me citer.