La décapitation de l’otage britannique David Haines montre la détermination des Islamistes alors que la France n’exclut pas de participer à des frappes aériennes et s’inquiète de la recrudescence de ses ressortissants dans les rangs des Islamistes combattants en Syrie et en Irak
C’est l’image que tous les ministres présents demain à Paris auront inévitablement en tête.
La décision des islamistes radicaux de l’Etat Islamique (EI ou Daech en arabe) d’exécuter sauvagement un nouvel otage à la veille de la conférence internationale sur l’Irak qui se réunira lundi à Paris est plus qu’un avertissement.
Une nouvelle déclaration de guerre destinée à galvaniser leurs combattants, alors que les Etats-Unis s’affairent à constituer une coalition arabe pour mener une riposte militaire en Irak.
Le président François Hollande a aussitôt dénoncé cet «acte odieux». Le premier ministre britannique David Cameron, mobilisé par le prochain référendum en Ecosse, a pour sa part immédiatement convoqué une réunion de crise.
Le Royaume Uni, qui ne s’était pas prononcé jusque-là sur une éventuelle participation à des frappes aériennes, pourrait rapidement se joindre à des opérations militaires alliées au nom du «droit de poursuite» des meurtriers de David Haines, un ancien soldat reconverti dans l’humanitaire, enlevé lors de sa première mission pour l’ONG française, Actaid.
La décapitation de David Haines – après celle des journalistes américains James Foley et Steven Sotloff – dont le bourreau habillé de noir présent dans les vidéos macabres parle avec l’accent londonien et pourrait être britannique, promet en plus de relancer les inquiétudes sur la présence massive de djihadistes européens dans les rangs de l’EI. Dimanche, le ministre français de l’intérieur Bernard Cazeneuve a reconnu qu’environ 350 français de confession musulmane seraient aujourd’hui actifs en Irak et en Syrie.
Cette déclaration intervient après l’arrestation, la semaine dernière, d’un prétendu recruteur français de l’Etat Islamique originaire de Thonon. Des militants en provenance de plus de 80 pays combattraient aujourd’hui dans les rangs de ce mouvement radical.
D’où l’inquiétude devant la possibilité d’une recrudescence d’attentats terroristes en Europe lors de l’éventuel retour de ces derniers dans leurs pays d’origine.
Dans ce contexte particulièrement violent, les contours de la conférence internationale sur l’Irak convoquée à Paris restent flous. Une vingtaine de délégations seront présentes lundi au ministère français des Affaires étrangères pour une journée d’échanges ouverte par Francois Hollande et son homologue Irakien Fouad Massoum.
Outre l’appui humanitaire aux populations réfugiées du nord de l’Irak, chassées par l’avancées des Islamistes, le but avoué de la réunion est de consolider, autour des Etats-Unis, la coalition arabe indispensable pour légitimer une riposte militaire de plus grande envergure susceptible d’aller jusqu’au bombardement de Rakka, le fief de l’EI dans le nord de la Syrie.
A l’approche du week-end, une dizaine de pays arabes semblaient avoir été convaincus par le secrétaire d’Etat américain John Kerry, en visite jeudi 11 septembre à Djeddah, en Arabie Saoudite, avant de se rendre au Caire. Les Emirats Arabes Unis, le Bahrein, le Koweit, Oman, le Qatar, l’Egypte, la Jordanie et le Liban auraient accepté d’autoriser les Etats-Unis à renforcer leurs troupes dans la région. Ils seront représentés à Paris.
Mais la présence massive de combattants de l’EI originaires de ces pays, et le fait que certains, comme le Qatar, sont soupçonnés de les avoir soutenu, laissent perplexes de nombreux observateurs sur la duplicité des pays de la région, inquiets de voir l’Iran chiite profiter du chaos Irakien pour redevenir la principale puissance du Moyen-Orient. Téhéran, comme Moscou, ont en outre déjà mis en garde les occidentaux contre une extension des frappes à la Syrie.
Cette effervescence diplomatique coincide, en France, avec la présentation lundi à l’Assemblée nationale d’un plan de lutte contre la menace terroriste islamiste. Il prévoit, entre autres, la possibilité pour les forces de l’ordre de confisquer les pièces d’identité des militants français soupçonnés participé au djihad, ou de vouloir se rendre en Syrie ou en Irak. Une augmentation des capacités d’infiltration informatique est aussi envisagée.
Le débat politique reste néanmoins vif dans l’Hexagone sur la participation éventuelle à des frappes aériennes.
Les expériences de l’Afghanistan, de la Libye, et même du Mali, laissent perplexes dans les rangs des experts qui s’inquiètent d’une réponse «émotionnelle» aux agissements de l’Etat islamique dont la stratégie consiste, après avoir multiplié les prises d’otages, à semer la panique dans les opinions publiques via leurs décapitations.
Le délabrement de l’Etat Irakien après l’intervention américaine, et le soutien toujours apporté au régime Syrien de Bachar El Assad par l’Iran et la Russie sont des écueils géopolitiques difficilement surmontables soulignent les détracteurs des frappes.