RETOUR EN UKRAINE - L'Edito de « Conflits », la revue de géopolitique RETOUR EN UKRAINE
L'Edito de « Conflits », la revue de géopolitique Pascal Gauchon le 31/08/2014 modifié le 31/08/2014 à 19:24h
Le numéro deux de CONFLITS, récente revue de géopolitique vient de paraître. Il comprend un consistant dossier sur « Les nouveaux mercenaires : les sociétés militaires privées ». « Comme la piraterie ou les chauffeurs, le mercenariat, pensions nous, faisait partie de ces phénomènes venus du fond des âges barbares que notre époque civilisée avait éliminés.
Pourtant il réapparaît sous un sigle anodin, celui des SMP, les sociétés militaires privées. Pourquoi cette résurrection ? S’agit-il d’une privatisation de la guerre dans la mondialisation libérale ? Ou n’est-ce pas la preuve de l’hypocrisie de nos sociétés qui se refusent à assumer directement les coûts des conflits et préfèrent les déléguer à d’autres… » Et aussi… - L’hommage que nous devons à nos armées par Gérard Longuet - Portrait géopolitique du pape François par Jean-Baptiste Noé - Après l’Ukraine, la Transnistrie par Florent Parmentier - Géopolitique de l’Empire athénien par Pascal Gauchon - Géopotourisme à Istanbul par Thierry Buron Et bien d’autres rubriques : idées, grandes batailles du passé, actualités, enjeux, polémiques, recensions de livres, de revues, de films…
Le numéro 3 de Conflits comprendra un dossier sur le Japon . CONFLITS est dirigé par Pascal Gauchon, historien de formation, spécialisé en économie, puis en géographie. Il est directeur de la collection Major aux PUF depuis 1992. Nous reproduisons son éditorial publié dans le dernier numéro de CONFLITS. La rédaction.
RETOUR EN UKRAINE La leçon des cartes est sans appel : les élections ukrainiennes n’ont pas apaisé les divisions, elles les révèlent au contraire. La géopolitique s’écrit avec des cartes. Je vous en propose deux en guise d’éditorial, d’autant plus intéressantes que vous ne les avez pas vues dans les grands médias français. La première présente les abstentions lors des élections présidentielles ukrainiennes de mai dernier. On vous a parlé d’une participation considérable, de foules qui se précipitaient pour voter… Au total, 18,5 millions de bulletins contre 24 lors du scrutin de 2010, 59,7 % de taux participation contre 65 %. Sans doute l’impossibilité d’organiser le vote dans les oblasts séparatistes de l’Est contribue-t-elle à ce résultat décevant, mais pas seulement. Dans le Sud et l’Ouest russophones, le taux de participation est partout inférieur à 50 ou 55 %. Dans ces mêmes régions, la seconde carte en témoigne, Poroshenko obtient moins de 50 % des voix alors qu’il emporte 55 % des suffrages au niveau national avec des pointes de plus de 75 % autour de Lvov. On vous a parlé d’une élection triomphale ; c’est vrai dans l’Ouest du pays, beaucoup moins dans le Centre. Et dans l’Est, entre voter ce qui prouve que les séparatistes tiennent solidement cet oblast. « Poutine a gagné la Crimée et perdu l’Ukraine » ont expliqué ensemble Dominique Moïsi dans Les Échos et Jeffrey Mankoff dans Foreign Affairs. Il a gagné la Crimée, sans doute, ou plutôt il a évité de perdre Sébastopol.
Quant au reste de l’Ukraine, écrasée sous les dettes, en pleine récession, au bord de la guerre civile, faut-il se féliciter de l’avoir « gagnée » et d’être en charge de son redressement et de sa pacification ? La note s’élève déjà à 19 milliards de dollars, et ce n’est qu’un début. La leçon des cartes est sans appel, c’est leur supériorité sur les mots qui peuvent toujours se retourner : les élections ukrainiennes n’ont pas apaisé les divisions du pays, elles les révèlent au contraire, les avivent peut-être ; elles autorisent Poroshenko à utiliser la manière forte pour reconquérir l’Est, elles l’y forcent même sous la pression des plus radicaux de ses soutiens, au risque de rendre la fracture du pays irréversible.
Poutine n’a pas encore perdu. Il attend.
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