CONTES DE LA BARBARIE ORDINAIRE DE MARIE GILLOIS
C’est l’histoire d’une descente aux enfers. Le récit du combat d’une mère pour extirper son fils du « piège » d’une cité où le jeune garçon, alors préado, était devenu le souffre-douleur des petits caïds locaux.
Près d’une décennie après avoir réussi à fuir la petite cité Bonnier (XXe) où cette histoire s’est jouée, Marie Gillois revient sur son terrible parcours dans un livre au titre sans ambiguïté : « Conte de la barbarie ordinaire ».
La « barbarie » en question, c’est l’emprise de plus en plus grande que les petits et les grands dealeurs du quartier ont exercée sur Louis, le fils de l’auteur, jusqu’à le transformer à coup de menaces et de violences quotidiennes en complice involontaire du trafic.
Zone de non-droit, zone de non-dits
En 2004, quand la mère de famille a réussi à s’extirper de la cité, Louis était devenu la « nourrice » des dealeurs, contraint de garder la drogue dans l’appartement familial.
« Quand je suis retournée débarrasser sa chambre, quelques jours après avoir déménagé en catimini, j’ai trouvé un gros sac de sport dans la pièce. Je l’ai ouvert et j’ai découvert qu’il contenait une arme à feu et plusieurs kilos de cannabis, se remémore Marie Gillois.
J’étais abasourdie, détruite. C’est moi qui ai prévenu la police ! » explique-t-elle avec la voix encore tremblante, dix ans après les faits.
Le cauchemar avait commencé en 1996 quand Marie, alors à la rue après le départ de son mari, avait enfin obtenu un logement dans la cité Bonnier. « On l’a proposé à 5 familles, mais personne ne veut élever ses gosses ici », lui dit le gardien qui lui fait visiter les lieux.
Marie s’installe tout de même dans la cité avec ses 3 filles et son fils alors âgé de 10 ans.
Les enfants grandissent et l’ambiance autour de Louis se détériore rapidement. « Il se faisait insulter, traiter de pédé parce qu’il ne fumait pas de shit.
Et puis, peu à peu, les jeunes qui l’entouraient sont devenus de plus en plus pressants. Ils sonnaient chez nous, harcelaient mon fils.
Je voyais bien qu’il était très mal. Mais je n’arrivais plus à communiquer avec lui », explique la maman.
Dans son livre, elle raconte les insultes régulières, les violences comme le jour où le meilleur ami de Louis se fait tabasser devant chez lui. « Les agresseurs ont étalé le sang du gamin sur notre mur comme pour nous envoyer un avertissement. » Et il y a surtout la peur, omniprésente dans la cité.
« On appelle cela pudiquement une zone de non-droit. C’est aussi une zone de non-dits. On se tait parce qu’on a peur des représailles », écrit-elle en se demandant comment les choses auraient tourné si une amie ne lui avait pas proposé un appartement. « Fuir la cité nous a sauvé la vie », conclut-elle.
Son fils et elle tentent désormais de se reconstruire en province.
Loin de Paris, de Ménilmontant et de la cité Bonnier, où, hier encore, des jeunes « gardaient » les entrées des cages d’escaliers.
« Conte de la barbarie ordinaire », Ed. Grasset. 217 p. 18€.
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