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TRIBUNE LIBRE À XAVIER RAUFER ( Bd VOLTAIRE )

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Entretien avec Xavier Raufer

A propos de Mehdi Nemmouche et du rôle des « experts »…

Le 16 juin 2014

Entretien réalisé par Nicolas Gauthier.

À la suite de notre dernier entretien, certains de nos lecteurs ont contesté le rôle de l’expert que vous êtes en matière de criminalité et de terrorisme. Une réaction ?

D’abord, cette (utile) explication sur le travail de l’expert.

Dans les médias, je m’exprime en tant qu’expert ayant, sur le crime et le terrorisme, l’expérience m’autorisant à poser des diagnostics.

Or, l’expert doit s’exprimer sans motif ultérieur. Il constate, analyse, diagnostique.

L’expert peut aussi indiquer des traitements ou solutions dont il sait l’efficacité. Mais l’expert n’a pas à satisfaire X ou fâcher Y. Ni même à plaire au lecteur, qui ne doit attendre de lui que des diagnostics les plus pertinents possibles, pour qu’il puisse raisonner juste sur des figures justes. Rien de plus.

Pour les « experts en chambre » maintenant, critiquant parfois à la légère, voici (s’agissant du seul terrorisme jihadi) deux éléments de mon bilan de diagnosticien. Qu’ils en fassent autant :

- dès septembre 1998 (trois ans avant le 11 septembre, L’Histoire, 09/98), j’ai annoncé et décrit l’immense péril terroriste recelé par un courant islamiste alors inconnu, la Salafiya ;

- en avril 2010 (Le Nouvel Économiste, 1/4/2010), j’annonçais explicitement le naufrage d’Al-Qaïda, plus d’un an avant l’élimination d’Oussama ben Laden.

Pour neutraliser d’éventuels futurs Mehdi Nemmouche, peut-on agir en amont dans les prisons ? Quitte à mettre à l’écart ces prédicateurs improvisés, relevant souvent plus du petit banditisme que de l’islam de combat ?

La pénitentiaire dispose d’un efficace service d’information sur les « cas signalés », qu’ils soient islamistes ou gangsters – ou les deux ensemble.

Comprenons ce système : en prison, impossible de survivre si les surveillants appliquent, à un détenu X ou Y, le règlement strict.

Qui est soumis à un tel carcan suffoque vite. Donc les gardiens ont, en théorie, la capacité implicite de solliciter les secrets : fais-moi des confidences et je te faciliterai la vie…

Ce n’est pas dit crûment, mais en milieu fermé, l’implicite se capte aisément.

En théorie, car avec Mme Taubira, la pénitentiaire a bien sûr été émasculée : plus de fouilles systématiques, des détenus qui, désormais, n’en font qu’à leur tête – écoutons les doléances des syndicats.

Or, jamais, nulle part, l’être humain ne se confie spontanément à quiconque. Il tend à garder pour lui ses petits secrets.

Qu’un espion veuille recruter une « source », qu’un policier ou gardien de prison cherche à solliciter un indic, qu’un douanier veuille amadouer un « aviseur » : toujours et partout, ils devront manier à la fois la menace et la promesse, la carotte et le bâton.

Avec Mme Taubira et sa cour libertaire, plus de bâton – donc, un flot d’informations en voie de tarissement.

Plus encore en amont, ne devrait-on pas reconsidérer nos relations diplomatiques avec ces pays wahhabites, à la fois financiers et inspirateurs politico-religieux de ces djihadistes improvisés ?

La réalité est plus nuancée que ce qu’implique cette question. Par « pays wahhabites », on entend bien sûr l’Arabie saoudite et le Qatar.

Or, jadis, ce fut Mouammar Kadhafi qui fournit à tous les autres pays du Proche-Orient tentés par le jeu terroriste – sans risque majeur de rétorsion – leur logiciel et leur stratagème.

Kadhafi lançait une attaque terroriste sur un pays et, simultanément, lui passait une énorme commande de biens ou d’infrastructures (camions, centrales électriques, etc.). Si bien qu’à la fin, les dirigeants occidentaux ne savaient plus si Kadhafi était leur meilleur client ou leur pire ennemi.

Eh bien, aujourd’hui, au Proche-Orient, ils sont nombreux à jouer à ce petit jeu.

Et les pays européens – oublions l’Union européenne, fort confuse sur ces sujets – n’arrivent pas à se décider : ami ou ennemi ? Or, à Sciences Po, premier jour, première heure, on apprend qu’est souverain celui qui désigne l’ennemi. Mais quand le suspect finance vos fins de mois ou contribue à résorber tant soit peu votre chômage, ça se complique…

Ajoutons que nombre de wahhabites ou de salafistes (une doctrine voisine sous deux vocables différents) – voire une majorité – sont parfaitement pacifiques ! Certes puritains et fanatiques, certes invivables parmi des populations européennes, ces wahhabites ou salafistes ne sont pas terroristes et prônent ladawa (l’action missionnaire) pour répandre leur vision de l’islam.

Il faut donc poursuivre le dialogue avec ces pays, mais fermement, d’égal à égal, en réagissant à toute incartade hostile et sans tendre la main chaque fois qu’on a un problème pour boucler un budget.

Car à se comporter en mendiant, on est vite considéré comme un loufiat et traité comme tel – parfois méchamment.

 

Docteur en géopolitique et criminologue
Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)

 

http://www.bvoltaire.fr/xavierraufer/propos-mehdi-nemmouche-du-role-experts,89215?utm_source=La+Gazette+de+Boulevard+Voltaire&utm_campaign=d30685fb9e-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_71d6b02183-d30685fb9e-30403221&mc_cid=d30685fb9e&mc_eid=35158644a0


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