Négociations en cours entre les Lefebvristes et le Vatican
Par Jean-Marie GuénoisPublié le 27/10/2012 à 18:36 Alors qu'elles semblaient au point mort, voire compromises, Rome vient de publier une note au ton très apaisant qui n'élude pas les difficultés des discussions entre le Vatican et les Lefebvristes mais qui leur accorde un large délai supplémentaire.
Au Vatican, rien n'est au hasard et surtout pas la date de publication des communiqués. Ainsi ce texte important, publié samedi, veille de la clôture du synode sur la nouvelle évangélisation. Il touche les négociations en cours entre le Saint-Siège et les Lefebvristes.
Pour difficiles qu'elles soient, il confirme qu'elles ne sont pas rompues. Rome accorde même un «temps supplémentaire» - demandé par la Fraternité sacerdotale Saint Pie X - pour lui permettre de réfléchir encore «à sa réponse» aux propositions du Saint-Siège.
Le communiqué, rédigé par la Commission pontificale Ecclesia De - compétente pour les relations avec les Lefebvristes - justifie ainsi ce délai à durée indéterminée: «Après trente ans de séparation, il est compréhensible qu'il faille du temps (…).
Puisque notre Saint-Père le Pape Benoît XVI cherche à favoriser et préserver l'unité de l'Eglise en réalisant la réconciliation, espérée depuis longtemps, de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X avec le siège de Pierre (…), il faut avoir de la patience, de la sérénité, de la persévérance et de la confiance».
Un ton conciliant
Autre information: le ton conciliant de cette note rompt avec les propos sans appel du nouveau Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Gerhard Ludwig Müller, un Allemand nommé à ce poste par Benoît XVI, le 2 juillet dernier.
Cet ancien évêque de Regensburg en Allemagne n'avait jamais caché son opposition à un rapprochement avec les Lefebvristes.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi supervisant la commission Ecclesia Dei - son préfet, Müller, étant automatiquement le président de cette commission -, beaucoup en avaient déduit que cette nomination estivale marquaient la fin et l'échec des discussions.
C'était sans compter sur une autre nomination, aussi importante dans son genre, et décidée par le même Benoît XVI: celle, le 26 juin, de l'évêque américain, Mgr. Joseph Augustine Di Noia, à la vice-présidence de cette commission, Ecclesia Dei! Le 26 juin, c'était une semaine avant le 2 juillet et la nomination de Mgr Müller...
Ce qui indiquait clairement que la mission de cet homme de confiance de Benoît XVI était de sortir de l'impasse apparente dans laquelle les négociations avec les Lefebvristes se sont engagées.
Un état des lieux des discussions en cours
Premier élément de contexte de la publication de ce communiqué: pour bref qu'il soit, il est le premier acte officiel de Di Noia depuis sa prise de fonction.
Son intérêt est qu'il donne l'état d'esprit précis dans lequel cette commission travaille désormais. Il n'a rien à voir avec l'antipathie affichée de Mgr Müller vis-à-vis des Lefebvristes.
Ce communiqué rappelle que Benoît XVI, lui-même, suit personnellement ce dossier.
Après avoir signifié que le Saint-siège acceptait donc volontiers un nouveau délai de «réflexion et d'études» à la Fraternité Saint Pie X, la note publiée samedi établit un état des lieux des discussions en cours.
On rappelle les «trois années de colloques doctrinaux et théologiques d'une commission mixte qui s'est réunie «à huit reprises» pour «étudier et débattre, entre autres, de questions disputées à propos de l'interprétation de certains documents du concile Vatican II».
Et l'étape suivante: «dès la conclusion de ces colloques doctrinaux, il devenait possible de passer à une phase de discussion plus directement orientée vers la réconciliation hautement souhaitée de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X avec le Siège de Pierre.»
En parallèle, analyse le texte, «d'autres étapes déterminantes» dans «ce processus positif de réintégration progressive» avaient été franchies mais du côté de Benoît XVI: la normalisation comme «rite extraordinaire» dans toute l'Eglise, de l'ancienne messe dite en latin, en 2007 (une demande des Lefebvristes) ; puis en 2009 la levée des excommunications qui frappaient les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre contre l'avis de Rome (une autre demande des Lefebvristes).
Un «chemin ardu» continue la note mais qui a abouti à «un point important», le 13 juin 2012, quand «la Commission pontificale a présenté à la Fraternité sacerdotale Saint Pie X une déclaration doctrinale accompagnée d'une proposition de régularisation canonique de son statut dans l'Eglise catholique.»
Benoît XVI vise l'unité des catholiques, sans exclusion
Mais depuis les choses ont stagné: «le Saint-Siège attend la réponse officielle des supérieurs de la Fraternité sacerdotale à ces deux documents». Et la note publiée samedi justifie alors qu'après trois décennies de séparation, il est «compréhensible qu'il faille du temps pour assimiler la signification de ces développements récents».
Un appel donc à la «patience, la sérénité, la persévérance et la confiance» fondée sur la volonté du Pape qui «cherche à favoriser et préserver l'unité de l'Eglise en réalisant la réconciliation, espérée depuis longtemps» avec les Lefebvristes.
Deux autres éléments de contexte éclairent aussi la publication de cette note. La clôture du synode sur la nouvelle évangélisation, ce dimanche, à Rome où il a été beaucoup question du Concile Vatican II tant décrié par les Lefebvristes.
L'Eglise catholique n'admet pas ces critiques mais la publication de ce communiqué, ce jour là, indique que Benoît XVI vise l'unité des catholiques, sans exclusion. Et donc aussi de ce côté-là. Ce qui n'est pas du goût de tout le monde mais le Pape confirme ici qu'il tient ce cap, si caractéristique de son pontificat.
Le troisième élément de contexte est la décision prise, mercredi dernier, par la Fraternité Saint Pie X, d'exclure de ses rangs Mgr Williamson.
Il était l'un des quatre ordonnés par Mgr Lefebvre et avait scandalisé le monde entier par ses propos négationnistes de la Shoah en 2009, juste avant que Benoît XVI (qui n'était pas informé) lève aussi, pour lui, l'excommunication.
Rome avait fait indirectement savoir jeudi qu'il appréciait cette mesure mais personne n'avait réagi officiellement.
Il est donc clair que ce communiqué, inédit dans son ton apaisant, est la réponse du Vatican à l'exclusion de Mgr Williamson.
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