Quand Hollande “charrie en Oubangui” ; Afrique, toujours le cœur des ténèbres –
Par Jean Bonnevey
Alors que la planète politique célébrait une Afrique virtuelle du vivre ensemble mondial, deux soldats français étaient tués par des bandes de miliciens sauvages à Bangui.
La réalité africaine c’est Bangui, pas l’exorcisme antiraciste politico-médiatique de Pretoria.
Le président français savait que deux de nos paras étaient morts. Il est resté à la cérémonie du stade en Afrique du Sud, assistant à des discours convenus et parfois brillants, au milieu de chants tribaux et révolutionnaires.
On aura tout de même remarqué que la nation arc-en-ciel était particulièrement noire et que le stade qui devait refuser du monde n’était plein qu’aux deux tiers, comme un signe tout de même que la réalité est têtue.
Il s’est rendu à Bangui pour un hommage aux tués et aux combattants.
Ce faisant, annonçant ce déplacement, il a rendu difficile la tache des militaires français dans la capitale Centrafricaine.
La sécurisation délicate de l’aéroport a livré les populations pendant quelques heures à la vengeance des milices armées.
Le calendrier politique de notre intervention rendu publique à la tribune de l’ONU est pour beaucoup dans les centaines de morts et les massacres d’avant notre déploiement dans la capitale.
Certains, dans les milieux de la défense, ont d’ailleurs regretté que François Hollande ait fait savoir qu’il s’arrêterait à Bangui sur le chemin du retour de Johannesburg, ce qui était prévu depuis 48h.
Le secret absolu est pourtant de mise dans ce type de situation, pour d’évidentes questions de sécurité, comme ce fut le cas lors de la visite surprise de François Mitterrand dans Sarajevo assiégée en 92.
A vouloir trop bien faire au nom des grands principes et des bons sentiments, on prend des risques inconsidérés. Nos militaires sont bien “au cœur des ténèbres”.
Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad qui a inspiré « Apocalypse Now » relate le voyage de Charles Marlow, un jeune officier de marine marchande britannique, qui remonte le cours d’un fleuve au cœur de l’Afrique noire.
Embauché par une compagnie belge, il doit rétablir des liens commerciaux avec le directeur d’un comptoir au cœur de la jungle, Kurtz, très efficace collecteur d’ivoire, mais dont on est sans nouvelles.
Le périple se présente comme un lent éloignement de la civilisation et de l’humanité vers les aspects les plus sauvages et les plus primitifs de l’homme, à travers à la fois l’enfoncement dans une nature impénétrable et potentiellement menaçante, et la découverte progressive de la fascinante et très sombre personnalité de Kurtz.
Un retour à la sauvagerie, alors que la civilisation est un vernis fragile, la leçon mérite d’être méditée.
La mort de nos deux soldats rappelle qu’il s’agit d’un engagement militaire réel et non d’une simple opération de gendarmerie.
Ce drame ramène l’opinion française à la dure réalité de la guerre. «Les habitants de Bangui ont faim et soif, ils pillent ceux qui les ont pillés », résume un proche de Jean-Yves le Drian, le ministre de la Défense.
François Hollande lui-même a défini les buts de guerre après son atterrissage sur l’aéroport M’Poko, sous très haute surveillance :« La mission est dangereuse mais nécessaire, si l’on veut éviter qu’il se produise ici un carnage ».
Tout est dit en une formule.
Sangaris est beaucoup plus complexe que Serval au Mali : « Cette fois, il n’y a pas d’ennemi clairement identifié, il faut désarmer ».
Ce n’est pas gagné… d’ailleurs qu’avons-nous objectivement à y gagner ?
Jean Bonnevey
Source : Metamag.
Photo en Une : rebelle en Centrafrique. Crédit : hdptcar, via Wikipédia, (cc).
ET AUSSI
14/12/2013 – 14h30
PARIS (NOVOpress) - Nelson Mandela : comment l’on fabrique une icône.
Publié le 14 décembre 2013