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LA POLITIQUE ET LE TOTALITARISME HUMANISTE ! TRIBUNE LIBRE !

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La franc-maçonnerie ou le totalitarisme humaniste

 

 

« La franc-maçonnerie n’a jamais été a-politique et si elle a cru l’être, elle s’est trompée sur sa nature. »
(Thomas Mann, La Montagne magique.)

 

Quand on commence à approcher le terrain de la franc-maçonnerie, il faut s’armer d’une extrême vigilance, au point qu’en dépit des travaux monumentaux de Scholem, Puech ou René Le Forestier, on risque encore de s’y perdre, ce qui ne serait pas pour lui déplaire, étant entendu que la maçonnerie a toujours des secrets froidement gardés derrière son rideau rouge, lesquels continueraient de nous échapper ;  elle se définit d’abord par un processus d’initiation en se réclamant de la tradition orale, comme une sorte de gigantesque téléphone arabe.

 

 

En loges, que l’on soit apprenti, compagnon ou maître, on passe toujours par plus supérieur que soi.

Ce dernier aurait un secret appelé à devenir nôtre, ce qui participe à stimuler l’insatisfaction intellectuelle.

Au reste, tout l’attrait de la maçonnerie réside en ses mystères, au sens propre du terme.  C’en est même le laboratoire. 

Une salle de musculation à gnoses. Une secte, devenue religion.

 

La Franc-maçonnerie : une école-sanctuaire

Il s’agit d’une école, à plus forte raison puisqu’elle est l’instigatrice de l’école de la République, « sanctuaire de la nation » (Jack Lang).

 

Elle est d’abord une secte institutionnalisée en 1717 en multiples obédiences qui ne doivent leur existence… qu’à l’Eglise, raison pour laquelle on l’a souvent présentée comme une « contre-Eglise », une église sans Révélation. Le sociologue des religions, Rodney Stark, définit une secte par rapport à une REACTION devant une orthodoxie déjà existante, en se réclamant d’un retour à la pureté doctrinale et rituelle originelle ; c’est pourquoi le christianisme n’est pas une secte juive puisqu’il n’entend pas abolir le judaïsme (et pas n’importe lequel) mais le continuer – aucune rupture n’est revendiquée, contrairement au gnostique, Marcion.

Le cas de la maçonnerie est emblématique de la structure politique de la République française et peut-être Jean-Luc Mélenchon en résume l’ambiguïté la plus frappante. Voilà un homme qui se vante d’être un rationaliste athée pur jus (stoïcien, pour être exact – ce qui n’est plus du tout la même chose…), en prenant soin de tacler, dès qu’il en a l’occasion, toutes les religions jugées « aliénantes » (et surtout le catholicisme avec son « âge des ténèbres » médiéval, selon un réflexe manichéen quasi congénital chez les gnostiques) et qui, de l’autre, est membre du grand Orient de France, un des plus éminents organes du laïcisme. On ne peut pas faire comme si cela n’existait pas ; on pourrait se demander quel eût été le sort de Mélenchon en 1920 où, lors du Congrès de Tours, l’un des impératifs du communisme était l’interdiction d’appartenir à une loge maçonnique, considéré comme une trahison de classe.

Une telle contradiction qui voudrait que toute religion fût aliénante sauf la maçonnerie, prend des accents quelque peu schizophrènes, c’est certain. L’ennui est de rappeler combien sa position est le coeur même de la République quand celle-ci a voulu séparer les deux ordres, en oubliant une donnée anthropologique désormais acquise : le temporel est aussi religieux. Et, comme toute religion moderne, il y a des pratiquants et des non pratiquants.

 

En finir avec l’anathème « complotiste ! »

Ce sujet n’est pas une fixation catholique, loin s’en faut. Si certains comme Philippe Ploncard d’Assac (La maçonnerie) sont ouvertement catholiques, d’autres comme le philosophe Pierre Dortiguier ou l’historien Eric Saunier le ne sont pas (à notre connaissance) ; lui-même franc-maçon (et protestant), Roger Dachez a publié des travaux tout à fait remarquables sur le sujet. Le témoignage de Maurice Caillet (J’étais franc-maçon), ancien vénérable du Grand Orient et devenu catholique depuis, semble le plus instructif. Dans ses vidéo et écrits, l’évangéliste protestant, Bill Schnoebelen, a rapporté, le plus synthétiquement possible, la mentalité maçonnique, jusque dans ses sphères lucifériennes.

Il est vrai que ce sujet a souvent été mis en avant pour entretenir le fameux anathème : « théorie du complot ! » - sophisme digne d’interprétation philosophique, facilement déconstruit par une analyse anthropologique, laquelle observe très justement que l’homme se définit d’abord par ses relations, loin d’être cet aérolithe jeté dans le monde comme s’évertuent à le professer encore les philosophies de l’absurde.

Si nous parlons de la maçonnerie, c’est par devoir, d’autant qu’elle le veut bien – et, ceci, de plus en plus, au nom d’une logique de la transparence qui la dépasse. Elle nous y invite au nom de son sacro-saint pluralisme, et, surtout, on a tendance à minimiser ce qui constitue la République, avec ses contradictions.

En Histoire, par exemple, on étudie le féodalisme (mais de moins en moins) ou le monde islamique, afin d’approcher les sociétés selon les périodes, mais on ne parle jamais du maçonnisme pour expliquer la civilisation libérale. Jamais.

Pourquoi ? Un tel silence peut s’expliquer en raison d’un conditionnement. Nous avons tellement intériorisé le libéralisme qu’il irait de soi, du libertaire au libéral « modéré ».

Le critiquer serait déjà suspect, inconséquent voire irrationnel. Tant pis. Il se trouve que tous ces courants ont une matrice.

Aux naïfs de bonne volonté qui continueraient d’agiter leur joker « Théorie du complot ! » pour évacuer toute analyse de fond en prenant soin, toujours, de se réfugier dans un persiflage mondain ou dans la grille de lecture psychanalytique, nous invitons à découvrir les travaux de Pierre Hillard, en vue d’offrir des éléments de réponse suffisamment éloquents en matière de géo-politique moderne, laquelle a pour projet un Nouvel Ordre Mondial ;  d’ailleurs, ce n’est plus une théorie délirante mais un fait : la plupart des frères assument ouvertement l’avènement d’un Nouvel Ordre Mondial, une société civile généralisée dont l’ONU est déjà le coeur diplomatique, en étroite collusion avec le royaume bancaire.  Si nous ne sommes pas dans le secret des cœurs, on ne peut nier les faits, les desseins revendiqués, les relations, les réseaux, les lobbys qui sont l’empreinte même de l’être humain, son enracinement évolutif. Celui qui s’arrête à l’histoire officielle est comme ce géologue qui s’arrête à la surface du terrain qu’il se refuse de creuser.

Attitude parfois suffisante, sans doute, mais superficielle si l’on désire connaître la racine des phénomènes, au risque de s’y brûler à la manière d’Yves Montand dans le célèbre film (« complotiste ! »), I comme Icare.

En outre, on pourrait s’amuser à analyser les grandes tragédies grecques ou les pièces de Shakespeare, pour ne citer qu’elles, en restant fidèle au très politiquement correct « théorie du complot » = pathologie = paranoïa !

S’il fallait refuser le complot au nom de bonnes intentions, que deviendrait Aaron dans Titus Andronicus ou Shylock dans Le Marchand de Venise ?

On devine déjà les inquisiteurs du « politiquement correct » hurler au racisme et à l’antisémitisme de Shakespeare en raison de la couleur de peau d’Aaron ou de la judéité de Shylock.

Dans un autre ordre de configuration, dans les cas où, par tous les moyens, nous devrions suspendre les intentions dissimulées pour arriver à nos fins, il faudrait se figurer tous les entraîneurs de chaque équipe de sport révéler, avant chaque match d’importance, la tactique adoptée en fonction de l’adversaire ; au poker, chacun devrait révéler son jeu avant d’abattre ses cartes ; à la chasse, tous les chasseurs avertiraient l’animal avant le coup de fusil pour donner raison aux bien-pensants qui ont encore décidément bien « du mal » à valider la réalité du péché originel.

Sans minimiser l’aléatoire des relations, nous refusons de sombrer dans la naïveté irénique de l’humanisme des Lumières, surtout lorsqu’il s’agit de porter un regard sur l‘homme occidental. S’il est un devoir de révéler les mauvaises intentions, il est aussi un devoir de révéler en quoi elles sont mauvaises.

Or, au nom de cet a priori facile et confortable, on refuse de considérer les relations entre les individus ; nous serions des êtres triomphants de toute influence, monades humaines égocentrées, capables de choisir selon notre droite raison.

Dans la réalité, ce n’est pas le cas. « Le tout est nécessairement antérieur aux parties » – nous sommes « zoon politikon », nos relations jouent sur notre comportement, au point de supplanter bien souvent nos supposés calculs rationnels.

Avec l’anathème « théorie du complot », Shakespeare ne ferait plus autorité ; il serait regrettable de se passer d’un tel sondeur de l’âme humaine… S’il existe une hystérie dans la paranoïa, il en existe une autre dans le procès thérapeutique de l’anti-paranoïa.

Toutefois, cet anathème traduit une intelligence (souvent inconsciente, hélas) de la victime, l’autre nom du christianisme. On sait, au moins depuis Saint Irénée de Lyon, ce que contient de satanique toute intention accusatoire et on refuse la stigmatisation, laquelle sacralise la victime; ce rejet de la stigmatisation est une exigence spécifiquement chrétienne, comme l’a très bien mis en évidence Vivien Hoch dans son article (lire ici). En conséquence, il ne s’agit pas d’attaquer les personnes qui ont leur parcours, leurs aventures – les francs-maçons sont souvent des personnes honnêtes, aimables et civilisées -, mais de manifester les doctrines, surtout quand celles-ci n’obéissent à rien de bien raisonnable. D’ailleurs, « ils ne savent pas ce qu’ils font »… et ils n’ont surtout pas envie de le savoir. Hélas, en détruisant toute médiation nécessaire dans la vie d’une personne, l’optimisme humaniste de la maçonnerie occulte la réalité du mal qui « existe dans le monde [et] a des effets sur lui, mais ni le modèle rationaliste ni sa démystification critique ne sont capables de le reconnaître. Leur candeur naïve est blâmable car, occultant le mal, elle participe de son emprise sur le monde et les êtres qui l’habitent. » (Jean-Pierre Dupuy, Avions-nous oublié le mal ?)

Aux yeux de Dupuy, le mal est l’absence de médiation, laquelle s’intensifie à mesure que les individus se transforment en automates avec un bout de sexe et un estomac, sans tradition, sans histoire, intégralement déracinés ; une telle horizontalité totalitaire est susceptible d’éclater dans une violence pure, un « coup de théâtre » sans précédent, une catastrophe qu’Orwell n’aurait pas écrite.

D’autre part, loin de nous l’intention de manifester une quelconque fascination pour l’aliénation (à la manière d’un « Deleuze/Guattari »), mais rappelons simplement que le paranoïaque n’est pas forcément dans le faux. Dostoïevski a très bien montré la lucidité du patho-logique. Que l’on se souvienne de Stavroguine, démon à l’intelligence froide, baudelairien, machiavélien. Il est fou, oui, mais délirant de logique.

Enfin, en guise d’exigence et parce qu’il n’est pas le lieu de faire de l’esthétisme – auquel cas, Kubrick serait une judicieuse illustration, dont le dernier film, Eyes Wide Shut, ce n’est pas un hasard, s’interroge précisément sur ce sujet… (digne d’être « son » Salo ou les 120 journées de Sodome pasolinien) -, du patho-logique, nous ne préférerons garder ici que la logique, par précaution.  Si pathologie il devait y avoir, force est de constater qu’elle se place du côté de laschizophrénie des laïcistes, comme il nous reste à le vérifier.

 

La religion des Droits de l’Homme

Cette précision faite, place à l’éclairage sur cette religion du progrès. Derrière le rideau rouge, quelle est sa mentalité ? Quelle est sa finalité ? Comment pense-t-elle l’homme ?

Habiles chercheurs de puces et idiots utiles de la maçonnerie, les relativistes corrigeront déjà en insistant sur « ses » visions du monde. Il ne faudra pas les contredire : tout cela est vrai.

Il existe au sein de la maçonnerie des divisions infinies, pour ne pas dire des guerres : la branche spiritualiste, cryptocatholique et légitimiste sur le plan politique (celle d’un Maistre), la branche déiste et anglomane (réformiste, mais légaliste) de l’autre ; enfin, la branche acquise aux Lumières et favorable aux idées révolutionnaires (matrice des clubs de la Révolution) ; bref, une maçonnerie rationaliste, déiste et mystique avec à chaque fois, un positionnement politique différent, partagé entre libéralisme anglo-saxon, réforme aligné sur les idéaux de la Révolution, puis sur le régime impérial français et, enfin, légitimisme de la maçonnerie traditionnelle. (p.1184, Oeuvres, Joseph de Maistre).

Il faut le reconnaître : toutes ces variations, charme de la maçonnerie, sont justes. Cela ne signifie pas pour autant qu’un invariant est inaccessible. Or, cet invariant existe ; c’est ce que nous entendons relever pour la suite de notre enquête.

 

 

Même s’il n’est pas le lieu de mettre l’accent sur le symbolisme maçonnique, il est utile de relever la signification de l’oeil dans le triangle, représentation du « Dieu horloger », la Liberté avec un L brisant les chaînes de la servitude (l’Ancien Régime), laquelle participe à convertir le vieil homme en Homme nouveau, le Républicain, selon une imitation paulinienne renversée jusque dans la symbolique du serpent se mordant la queue. Le bonnet phrygien peut renvoyer à Mithra, souvent représenté sous les traits d’un jeune homme coiffé d’un bonnet phrygien, plongeant un poignard dans le cou d’un taureau, selon les mystères qui étaient célébrés en son honneur dans le monde hellénistique puis à Rome avec, en plus des tauroboles, des épreuves initiatiques et parfois des sacrifices humains ; quant aux faisceaux des licteurs, tout le monde fera le rapprochement :  la maladie de la « romanite »…

La franc-maçonnerie a une histoire, des codes, des rites, une philosophie d’existence qui ne peuvent s’expliquer sans insister sur le fameux « Dieu horloger », ce Dieu abstrait, totalement indifférent aux occupations humaines. Pas de salut ni de possibilité de perdition. Il est « au-dessus », un point c’est tout – ce déisme justifie, par exemple, l’annulation de la prière.

La maçonnerie spéculative s’est constituée une histoire à partir de la maçonnerie dite « opérative » ; les premiers maçons sont en fait des gnostiques : un gnostique est quelqu’un qui prend des symboles religieux et les mêlent à d’autres avec toujours cette idée qu’il faut revenir à un état de pure nature. Ils sont les constructeurs des cathédrales, en partie. Aussi, il existe un mythe fondateur : Hiram, l’architecte du Temple de Salomon, aurait été tué par d’autres compagnons. Nous n’avons aucune trace scripturaire de ce meurtre (mais Hiram est dans les Rois de la Bible) ;  c’est principalement une tradition orale, au départ. La finalité de la maçonnerie est lareconstruction du temple de Salomon, vécu comme l’âge d’or des supposés maçons opératifs, les premiers initiés de l’histoire.

Il existe des dogmes dans la franc-maçonnerie qui justifient, en partie, l’adhésion d’ un initié – ajoutons que cet initié est présenté aux frères par cooptation. Si vous voulez vous faire baptiser, il vous suffit de rentrer dans une église et de vous confier à un prêtre. Si vous voulez être franc-maçon, il faut connaître un frère, avoir souvent un bon portefeuille (les ouvriers se font rares dans les loges), et adhérer aux dogmes de ses temples :

1) Le syncrétisme : Toutes les religions sont dignes d’être appréciées au même niveau d’exigence. L’une n’est pas plus supérieure qu’une autre. (ce syncrétisme se justifie par rapport au dogme premier, à savoir : le déisme). La religion est ici convertie en spiritualité, une conviction sans la verticalité du dogme, ce qui revient à dogmatiser l’humeur.

2) Le relativisme : Aucune vérité n’est définitive. La morale est contingente, évolue, n’est pas transcendantale. Ce qui est vrai aujourd’hui sera faux demain. Il s’agit d’une morale pratique et évolutive (on pense à Kant, lui aussi héritier du nominalisme occamien).

Jamais le déisme n’a fait l’objet d’une analyse métaphysique digne de ce nom, bien que Tresmontant en ait révélé définitivement l’ineptie pour manifester le rationalisme intégral duthéisme. La franc-maçonnerie se situe dans un courant qui vient du Moyen Age et qui, le sachant ou non, a pour héritage le nominalisme. Ce dernier, qui « accorde réalité aux individus et non aux relations, aux éléments et non aux ensembles, est très fort chez nous. En fin de compte, ce n’est qu’un autre nom de l’individualisme, ou plutôt l’une de ses faces. On se propose en somme de l’analyser, et il refuse d’être analysé : en ce sens l’opposition est sans issue. Il ne veut connaître que Jean, Pierre et Paul, mais Jean, Pierre et Paul ne sont des hommes que du fait des RELATIONS qu’il y a entre eux. » (Louis DumontEssais sur l’individualisme, p.24)

Par exemple, la fameuse phrase « Je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire » ne se convertirait jamais par la suivante : « Je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai jusqu’à la vie pour que vous cessiez de vivre de représentations.« 

Ce qui importe pour les francs-maçons, ce ne sont pas les personnes, mais les idées. Cela rejoint l’antique gnose : le monde est jugé mauvais, la matière est mauvaise ; ce qui est pur, ce sont les idées, la spéculation, royaume du pur esprit, la Pistis Sophia. Tel est le « geste » métaphysique de la maçonnerie qui a des conséquences réelles dans la vie quotidienne.

Ainsi, quand Lucien Neuwirth, franc-maçon, propose la loi autorisant la contraception en France en décembre 1967, il le fait avec les meilleures intentions du monde, d’après sa mentalité de départ : la liberté des moeurs et la primauté d’une politique néo-malthusienne qui traduit un rejet gnostique du corps. Puisque le corps est périssable, on peut le déconsidérer, jouer avec selon nos caprices, comme de la pâte à modeler.

 

Egalité : Il n’y en a aucune dans la franc-maçonnerie ; il est question d’une égalité potentielle, jamais réelle. 1. Les femmes sont dans des loges spécifiques, séparées de celles des hommes, alors que, chose amusante, la parité hommes/femmes a été pensée dans les loges2. il y a le monde profane séparé de celui des initiés, les élus.
De plus, il faut connaître un franc-maçon pour y rentrer. Les ordres sont séparés : compagnon, apprenti, maître.

Liberté : L’autre nom du self-made man : toujours plus loin dans la maîtrise de soi. C’est un pélagianisme qui ne dit pas son nom ; Pélage considérait qu’on pouvait atteindre le salut de son propre chef. La liberté est une fin en soi pour le maçon, quand elle est un moyen pour le catholique, reconnaissant la motion prévenante de Dieu, plus communément appeler la Providence, c’est-à-dire la causalité voulue selon la bonté divine. La Liberté maçonnique s’inscrit dans l’héritage de l’individualisme : nous passons des relations entre hommes aux relations deshommes aux objets. (Homo Aequalis, Louis Dumont)

Fraternité : hédonisme ; la recherche du plaisir, telle est la finalité. Libertinage, divorces, IVG, PACS, euthanasie, etc. Il y a quelque chose de séduisant dans cette philanthropie sans médiation. Très souvent, le franc-maçon agit « pour le bien » (de l’humanité) – il en est même souvent convaincu ; mais de quel bien s’agit-il ? Où est le bien et le mal lorsqu’on est dans le subjectivisme moral et qu’on sacralise malgré soi sa propre conscience ? Inévitablement, ils évoluent selon les moeurs et les humeurs, servant de relais à un consumérisme utilitaire.

 

Ancien médecin chirurgien-gynécologue, Maurice Caillet fait observer dans Hédonisme et christianisme que « l’hédoniste instrumentalise, chosifie l’objet de son désir. Il n’aime pas l’autre, il veut le posséder, comme un vulgaire objet de consommation » (p. 35) ; il n’y a plus que des conjoints, de simples instruments de jouissance égoïste ;  la contraception provoque l’incapacité d’aimer vraiment, le vagabondage sexuel compulsif, comme une drogue, et la frigidité accompagnée d’anxiété.

3) Enfin, l’universalisme abstrait se traduit en mondialisme technocratique. C’est abstrait et anti-organique. Il n’y a pas de pouvoir personnel. C’est le royaume de la technocratie. La politique est pragmatisme, Realpolitik détaché de toute finalité ; la justice et son droit abstrait se réduisent à simple ajustement digne d’un code de la route rawlsien. (cf Le sacrifice et l’envie, Jean-Pierre Dupuy)

 

Fascisme de l’impersonnel : l’individualisme

 

« Le fond de mon enseignement consistera à te convaincre de ne pas craindre la sacralité et les sentiments, dont le laïcisme de la société de consommation a privé les hommes en les transformant en automates laids et stupides, adorateurs de fétiches. » (Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes)

Dégénérescence du christianisme, la franc-maçonnerie ressemble à un jeu de rôle sacré, où l’on assimile « une fiction à laquelle on adhère » pour reprendre Roger Dachez. Paradoxe du maçon, il s’agit d’assumer une distanciation avec le réel tout en jouant un personnage sacralisé, maître du verbe. C’est l’occasion de mettre en évidence l’immanentisme des loges, doctrine selon laquelle les maçons se croiraient consubstantiels à la divinité.

Il est inutile d’être franc-maçon pour adopter leurs dogmes dans le quotidien ; le conditionnement est tel qu’il devient difficile pour beaucoup d’y échapper, si bien que l’expression « laïcs non-pratiquants » prend tout son sens, à la manière d’un Michel Onfray qui serait plutôt un « laïc militant ». En réalité, ils ont tellement intégré le relativisme, l’auto-suffisance et l’utilitarisme qu’ils sont devenus des prières vivantes du credo franc-maçon. Il suffit de lire La culture du narcissismede Christopher Lasch pour être saisi de l’influence contagieuse d’une vision du monde prédatrice et infantile, au point que toute la mentalité de la maçonnerie s’est imposée en norme comportementale depuis au moins deux  siècles. 

« L’économique comme catégorie majeure représente le sommet de l’individualisme et, comme tel, tend à être suprême dans notre univers. » (Louis Dumont, Homo Aequalis I, p.75)

Le mythe de l’individualisme repose sur la primauté de l’individu coupé de toute finalitétranscendante quand ce dernier se comprend par rapport à ses relations qui l’in-forment ; il n’est pas un aérolithe « jeté dans le monde ». La meilleure méthode pour étudier une société donnée, c’est de révéler les dogmes, les rites et les interdits qui la constituent. Si jamais on commence avec l’a priori individualiste, alors, dans notre cas, nous n’aurons pas conscience des dogmes de notre société.

C’est pourquoi une grille de lecture holiste s’impose (= dire ce qu’est notre société) afin de penser l’individu, ce qui témoigne d’une exigence réaliste, aristotélicienne : « Le tout est nécessairement antérieur aux parties. » (La politique, Livre I, chapitre 2)

Hélas, si jamais on adopte la méthode opposée, si jamais on place l’individu avant le groupe, on se condamne à des erreurs de perspective inévitables, quitte, parfois, à devenir complices d’un système qu’on aurait intériorisé malgré soi. Pour mieux le comprendre, il est important d’insister sur ce fait anthropologique : un individu est avant tout le « produit » d’un milieu dans lequel il vit. Il ne peut en sortir qu’en ayant conscience de ce milieu.

De fait, le coeur de notre civilisation a pour dogme l’individualisme ; derrière le rideau rouge de la franc-maçonnerie se révèle l’ultime interdit : une indifférence libérale à l’égard du religieux, trahissant un présupposé digne de la philosophie des Lumières, selon lequel la religion est assimilée au fanatisme, quand, au contraire, la religion est mère des civilisations ; le sacré contient la violence, dans la mesure où, pour mieux unir une communauté, il expulse, par le sacrifice, tout ce qui serait susceptible de créer des violences intestines, en premier lieu l’uniformité entre les membres du groupe.

Nous nous sommes efforcés de porter l’attention sur les racines religieuses de ce  libéralisme. C’est Claude Tresmontant qui a su pointer une telle ambiguïté :

« La foi est personnelle mais ne peut pas être communiquée ; et qu’en conséquence la foi doit rester dans le domaine privé et ne doit jouer aucun rôle en politique : La politique, c’est l’ordre de la nature et de la raison. La foi, c’est du surnaturel, et elle ne fait pas partie de l’ordre de la raison et de la science. Les deux domaines, la théologie et la politique, sont ainsi séparés, exactement comme chez Kant, le croire, la foi, le Glauben, – et le savoir, le Wissen, la science. »

« Du point de vue des hommes politiques qui professent l’athéisme, c’est parfait. Le système est parfaitement satisfaisant. L’homme politique athée laisse volontiers à son collègue religieux, comme on dit, ses croyances plus ou moins irrationnelles, à la condition qu’il ne les fasse pas intervenir dans le domaine politique. »

« Désormais les questions de fond ne relèvent plus de la discussion rationnelle. Elles relèvent de ce que nos hommes politiques appellent pudiquement et en baissant les yeux, leur sensibilité politique. »

(Claude Tresmontant, Christianisme et politique, p.107)

Mais que fera-t-on quand on reconnaîtra que cette sensibilité n’est pas fondée en raison et qu’elle répond à une mentalité gnostique, elle-même ritualisée ? Que l’athéisme, comme le panthéisme, est religieux, beaucoup trop religieux, puisqu’il divinise indûment l’univers en lui prêtant des pouvoirs et des capacités qu’il ne possède pas ?

C’est pour cette raison qu’on peut être franc-maçon et l’ignorer comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir ; la formule « non pratiquant », en définitive, relève du sophisme – en réalité, on est une pratique. On n’est jamais statique. Nos actes disent quelque chose. L’être est une action comme l’a définitivement démontré Maurice Blondel.

Si les sondages, le rituel du vote dans un isoloir, le rituel du « débat » entre les deux adversaires du second tour, les hymnes nationaux, les fêtes nationales, le rôle de l’économie et de la justice sur ce sol enfin débarrassé de toute sacralité supposée aliénante, ne relèvent en rien, c’est entendu, d’une quelconque empreinte religieuse, alors l’être humain, même l’individualiste tolérant qui s’en va guerroyer (un autre rite) au nom de ses valeurs, n’a définitivement rien à voir avec ce méchant sacré. Définitivement.

Ce qui nous a paru intéressant, ce n’est pas de révéler l’existence du laïcisme, son projet délirant, sa morale absurde ou ses fantasmes de malade, mais de vérifier combien, en dépit de sa tentative libertine, il est impossible d’échapper à un espace sacrificiel au point que « Ceux qui, au nom de leur précieuse différence, refusent systématiquement de se plier à la moindre coutume (= toute manière de vivre partagée) tendent généralement à développer, en retour, un grand nombre demanies individuelles (qui ne sont que des coutumes et des cérémonies privées), et, surtout, un grand potentiel de haine et de colère (auto)destructrice. » (Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal, p.140)

 

© Jérémy Marie, pour Itinerarium

source et publication:  http://www.itinerarium.fr/la-franc-maconnerie-ou-le-totalitarisme-humaniste/
 

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