Marseille : comment d'autres villes ont mis la criminalité K.O.
Certaines villes ont voulu innover pour faire baisser le taux de criminalité, avec plus ou moins de succès.
PARTAGER
"Il faut maintenant que tout le monde se mette autour de la table pour redonner un espoir aux Marseillais." Interrogé jeudi 5 septembre sur i-Télé, Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur, a plaidé pour la mise en place d'un "pacte national", afin de mettre un terme à la vague de criminalité qui submerge la cité phocéenne. Samedi 7 septembre, les élus de tous bords sont convié à la préfecture, afin de réfléchir à la méthode qui permettrait de sortir de cette spirale de violence.
L'occasion pour francetv info de se pencher sur les villes qui ont pris à bras le corps le problème de la sécurité, parfois de façon spectaculaire. Tour du monde en quatre méthodes, plus ou moins polémiques et efficaces.
Un super-heros à la mairie de Bogota (Colombie)
Voteriez-vous pour lui ? Slip rouge sur combinaison de lycra jaune, collier de barbe façon prof' de math (matière qu'il enseignait alors à l'université de Bogota) et posture d'un héros de DC Comics : voici Antanas Mockus, maire de la capitale colombienne de 1995 à 1997 et de 2001 à 2003.
Extrait du documentaire "Cities on Speed" (2009), du Danois Andreas Møl Dalsgaard, consacré à Antanas Mockus, ici en tenue de "SuperCitoyens", en 1994, à Bogota (Colombie). (CITIES ON SPEED / YOUTUBE.COM)
Quand il prend ses fonctions, le politique sans étiquette fait face à une situation chaotique. Deux ans plus tôt, la ville a enregistré un taux supérieur à 81 homicides pour 100 000 habitants, selon le site Insigth Crime.com (lien en anglais). "A l'heure actuelle, poursuit cet article daté de février, on dénombre 16 meurtres pour 100 000 personnes." Le secret d'Antanas Mockus : responsabiliser ses administrés à coups de campagnes de prévention décapantes, détaille la géographe Yvonne Riano de l'université de Berne dans une étude du "cas Bogota" (PDF en anglais).
A la mairie, il multiplie les initiatives farfelues : invention d'un "vaccin contre la violence" (un ballon de baudruche que l'on perce avec une aiguille), embauche de 420 mimes, payés pour faire honte aux chauffards, incitation à "dénoncer" les chauffeurs de taxi les plus aimables, distributions de cadeaux aux gens qui acceptent de se séparer de leur arme à feu, etc. Des happenings excentriques alliés à une sérieuse politique de lutte contre la corruption, notamment dans les forces de l'ordre, ont fini par porter leurs fruits.
La tolérance zéro à New York (Etat-Unis)
De mémoire de New-Yorkais, on n'avait jamais vu cela. Lundi 26 novembre 2012, la ville qui ne dort jamais a vécu sa première journée sans crime. New York a fêté l'année la moins sanglante des 50 dernières années. Mais dès le début des années 90, la Grosse Pomme s'est progressivement débarrassée de ses délinquants. Dans tous les esprits, le nom du républicain Rudy Giuliani, maire de la ville pendant douze ans, est associé à ce grand nettoyage. A tel point qu'un parlementaire suédois a proposé en 2005 qu'il figure sur la liste des potentiels prix Nobel de la paix. Dans une tribune du New York Times (lien en anglais), il souligne qu'avec un taux de criminalité qui s'est effondré de 76,2%, le maire a "sauvé" des dizaines de milliers de vies.
Capture d'écran de l'infographie publiée par le "New York Times" dans le cadre d'un projet de présentation des données criminelles, mis en place en juin 2009. (THE NEW YORK TIMES )
Il mène une politique qui se résume en deux mots : tolérance zéro. Et une théorie, celle de "la vitre brisée" : le plus petit délit (casser une vitre, par exemple) doit être puni. Flanqué du chef de la police, le maire a "déclaré la guerre aux laveurs de pare-brises, qui vous abordent aux feux rouges, aux prostitués, aux enfants voyous et aux sans-abris vivant sous les ponts", se souvient le Center on Juvenile and Criminal Justice dans cet essai hostile à une méthode aujourd'hui décriée (PDF, en anglais).
Dès la fin de son second mandat, Giuliani a en effet subi la critique de nombreux observateurs. Les experts s'accordent désormais à attribuer la baisse de la criminalité à un faisceau de facteurs (PDF, en anglais) : un important renforcement des effectifs d'une police, elle-même mieux équipée, une situation économique favorable, un marché du crack et de la cocaïne en berne, le vieillissement de la population, etc. Enfin, la baisse de la criminalité s'est observée dans la plupart des grandes villes américaines, ce qui tend à discréditer la validité de la méthode Guiliani comme solution miracle.
A Diadema (Brésil), la surveillance de la consommation d'alcool
Au début des années 2000, la commune de Diadema, bastion industriel du sud de Sao Paulo, rencontre de graves problème de sécurité. En 1999, la commune d'environ 350 000 habitants connaît en moyenne un homicide par jour (contre moins de deux par jour en France en 2012, pour plus de 60 millions d'habitants). "Après six mois de surveillance et de repérage cartographique, il est devenu évident que 60% des homicides commis dans la région se produisaient dans des bars" entre 23 heures et 6 heures, rapporte l'ancien maire de la ville, José De Filippi Jr, cité en 2005 dans un rapport du Centre international de la prévention de la criminalité (PDF). Lorsqu'en juillet 2002 une nouvelle loi oblige la fermeture des débits de boissons à ces heures, les résultats sont spectaculaires. "On estime que 273 homicides et 216 agressions envers des femmes ont été empêchés dans les 24 mois qui ont suivi la mise en application de cette loi", poursuit l'édile. Le nombre d'homicides dans la banlieue de Sao Paulo, à Diadema, au Brésil, entre 1995 et 2005, issu des chiffres de l'université fédérale de Sao Paulo et du Pacific Institute For Research and Evaluation. (CENTRE INTERNATIONAL DE LA PREVENTION DE LA CRIMINALITE)
Offrir le meilleur aux habitants, comme à Medellin
(Colombie)
La guerre contre les narcotrafiquants a fait de la ville du plus grand baron de la drogue de tous les temps, Pablo Escobar, un coupe-gorge et un champ de bataille. A Medellin, deuxième métropole de Colombie, le taux de criminalité a atteint un taux de 380 homicides pour 100 000 habitants en 1990. "Nous sommes passés à 50", s'est félicité le maire, Alonso Salazar, interrogé par Libération en 2011. L'élu était à Paris dans le cadre de l'exposition consacrée à sa ville "Medellin : urbanismo social". Soit "l'urbanisme social", l'arme qui a mis fin au règne des gangs.
"La mairie consacre un peu plus de 40% de ses quelque 1,5 milliard de dollars de budget annuel à l’éducation et la culture, a rapporté Slate.fr. En 7 ans (...), 135 écoles ont été rénovées et huit bibliothèques créées (...). Chaque projet donne lieu à un concours d’architecture, avec des critères qualitatifs et esthétiques élevés." Les plus grands architectes se sont appliqués a redéfinir le visage de la ville.
Enfin, la construction en 2006 du "métrocable", un système de transport par télécabine, a permis de désenclaver les quartiers jadis tenus par les gangs.
Une conception urbaniste de la lutte contre la violence qui inspire aujourd'hui Johannesbourg (Afrique du Sud), dont le maire vient d'annoncer un plan de 10 ans (et plus de 7,5 milliards d'euros) pour effacer les stigmates de l'apartheid sur la ville, et en faire "la New York de l'Afrique."