Le 3 août, des centaines de personnes ont mangé en public en plein ramadan à Tizi-Ouzou en Kabylie pour affirmer la liberté de conscience et dénoncer l'Inquisition de l'État.
Un rassemblement s'est tenu à Montréal le même jour par solidarité.
Dans cette interview diffusée sur Dzaîr le 4 août au JT Soir, Samia Ait Tahar, initiatrice de cette action, explique la démarche des non-jeûneurs :
Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Les non-jeûneurs se sont attirés les foudres du Haut conseil islamique d'Algérie. (source : AFP via 20 minutes) :
«Nous condamnons avec force cette attitude qui relève de la provocation et de l'exhibitionnisme», déclare le HCI qui critique cette «minorité d'individus» qui ont affiché «avec ostentation leur non respect du jeûne en plein jour».
L'instance officielle affirme sa «solidarité avec la population de Tizi Ouzou et à sa tête les imams et les forces politiques représentatives de la région qui se sont fermement opposés à cette minorité de semeurs de discorde».
Citant l'un des préceptes de l'islam sur la liberté de conscience, le HCI estime que les manifestants «ne se seraient pas livrés à une telle provocation s'ils n'étaient encouragés par certains cercles à l'intérieur du pays, notamment certains médias, mais aussi à l'étranger et qui oeuvrent à déstabiliser notre Nation».
Ils ont également suscité une violente réaction des islamistes, dans un langage qui n'est pas sans rappeler celui des fanatiques ayant massacré 200.000 Algériens dans les années 1990. (source : Tamurt.info):
Les islamistes appellent à une guerre contre le peuple Kabyle.
Le déjeuner contre l’inquisition organisé, samedi dernier, à Tizi Wezzu, a provoqué l’ire des arabisants et des islamistes. [ ]
Ils ont violemment critiqué les militants du MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) et le président du Gouvernement provisoire kabyle, Ferhat Mehenni.
Un appel est lancé à tous les Algérois de brûler le drapeau Kabyle et les poster du MAK, le mercredi prochain, 07 aout.
Selon un militant du MAK qui a été présent à Alger, les intégristes ont appelé au meurtre de tous les militants de la cause berbère.
Cela s’est passé en présence des éléments des services de sécurité qui n’ont pas réagi à ces appels aux meurtres.
«Nous demandons à nos frères Moudjahidine dans les maquis de Kabylie - allusion faite aux terroristes - de raser toutes les églises en Kabylie et de liquider physiquement tous les mécréants», a lancé un barbu.
L'Islam religion de paix et de tolérance qui respecte les individus...
En tout cas en Kabylie comme en syrie les catholiques et juifs ne vivent pas dans la peur !
ET AUSSI
Ces rassemblements-déjeuners dans l'espace public de la République démocratique algérienne ne devraient pas être interprétés comme des actes contre la religion musulmane.
Non ! Ces êtres humains ne sont ni des mécréants, ni des "koufars" encore moins des renégats, des apostats, des fauteurs de troubles et surtout pas des personnes qui cherchent à semer la discorde et la zizanie entre les Algérien-ne-s et à plonger le pays dans la fitna (désordre).
Non ! Ce groupement d'individus à Tizi Ouzou et à Aokas était représenté par des personnes humaines qui au fond posent la question de la liberté de conscience, sujet fondamental et éminemment démocratique qui nécessite d'être mis au cœur des débats de la République algérienne.
La liberté, du latin liber qui signifie "libre", de conscience, du latin conscientia, c'est-à-dire "for intérieur", est, en effet, le point essentiel que les "Dé-Jeûneurs" du 3 août à Tizi Ouzou et à Aokas ont mis en évidence à travers leur mobilisation citoyenne qui a suscité tant de haine, de rancoeur et de rancune.
Certains ont été jusqu'à considérer cette initiative comme un acte de souillure.
La visite de Ali Belhadj, l'ex-dirigeant de l'ex-Front Islamique du salut (FIS) et de bien d'autres religieux venus d'autres villes d'Algérie, le lendemain de ce rassemblement sur le lieu du déjeuner "démocratique" n'avait-elle pas pour unique objectif de purifier cette ville de l'action "blasphématoire" des "Dé-Jeûneurs" de la République ?
La liberté de conscience est l'un principes garanti par des textes législatifs internationaux et nationaux. L'article 18 de la Déclaration des Droits de l'Homme stipule que "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites".
La Constitution algérienne (1996/2002/2008) dans son article 36 met l'accent sur "l'inviolabilité" de la liberté de conscience et de la liberté d'opinion de même que l'article 32 garantit "les libertés fondamentales et les droits de l'homme et du citoyen".
A la lumière de ces principes universels qui constituent des droits naturels, chaque personne humaine dispose de la liberté de choisir ses croyances et son propre système de valeurs et de principes qui guident et structurent son existence.
Le rôle d'un Etat de droit est justement de garantir à chaque individu ce droit fondamental et inaliénable à la liberté de conscience et ainsi la possibilité de croire ou de ne pas croire ou encore de changer de religion.
L'égalité et la liberté sont des conditions sine qua non pour l'instauration d'une démocratie et d'une co-existence pacifique dans la société algérienne.
Tant que l'Islam continue à être institué religion d'Etat (article 2 de la Constitution algérienne); tant que le Politique, le droit, l'institution familiale et bien d'autres aspects de la vie publique et sociétale seront régis par l'idéologie religieuse, il ne saurait y avoir d'égalité, de liberté et de respect de la personne humaine dans sa diversité et ses spécificités.
La religion ne doit en aucun cas être une autorité politique dont la fonction est de régenter le champ politique, juridique et les rapports sociaux et familiaux.
La religion est une affaire strictement personnelle et privée.
La sécularisation de tous les aspects des affaires de la République algérienne, publiques et familiales est une voie à privilégier et à envisager, à moyen et à long terme. Et que chacun et chacune prêche en son for intérieur.