Le désastre annoncé des prévisions économiques mensongères de François Hollande
Un dernier Conseil des ministres et les membres du gouvernement sont en vacances à partir de ce vendredi. Un break auquel le président de la République, qui veut montrer qu'il reste aux commandes du navire, n'était pas favorable. Mais est-il vraiment seul à la barre ? Capitaine de pédalo
Publié le 2 août 2013 - Mis à jour le 3 août 2013 RSS 8 38 31 17 901
Le chef de l'Etat a indiqué qu'il ne voulait pas de "vacance du pouvoir" car il est "hors de question de donner l'impression qu'il se repose" quand les Français souffrent de la crise. Crédit Flickr 1 2 3 PAGE SUIVANTE Atlantico : Après un dernier Conseil des ministres ce vendredi, François Hollande et les membres du gouvernement prennent leurs congés.
Mais le chef de l'Etat a indiqué qu'il ne voulait pas de "vacance du pouvoir" car il est "hors de question de donner l'impression qu'il se repose" quand les Français souffrent de la crise.
Pourtant, dans un édito paru cette semaine dans le Point, Nicolas Baverez compare François Hollande au Gamelin de la guerre économique. "Le chef de l'Etat ne dirige rien comme le général dont la stratégie fit battre le pays en 1940." En quoi la comparaison peut-elle être appropriée ?
Éric Verhaeghe : Pour dire vrai, je classerais volontiers Nicolas Baverez lui-même dans les officiers d'état-major qui analysent les raisons de la défaite sans réellement agir pour l'éviter. Mais la formule en elle-même me parait justifiée : la France de 2013 souffre de maux comparables à ceux de la France de 1938. En particulier, l'incapacité à réformer l'Etat, l'incapacité à dégager une perspective d'avenir large et ambitieuse, et cette obsession de la politique partisane avec des règlements de compte à n'en plus finir (à droite comme à gauche), sans vision pour le pays, tout cela nous rappelle les causes de la défaite de 1940 : un pays vieillissant, dominé par une élite usée et sclérosée, un contexte international marqué par une crise d'ampleur dont personne ne sait comment sortir. Il me semble toutefois qu'un certain nombre d'éléments rendent la comparaison un peu maladroite. En particulier, ce qui légitimait l'élite française en 1938, c'était le sentiment qu'elle avait gagné une guerre vingt ans auparavant, et qu'elle serait capable de gagner la suivante. Et la France était face au péril imminent d'une Allemagne remilitarisée, animée par la volonté de prendre sa revanche sur l'humiliation du traité de Versailles.
C'est très différent aujourd'hui. L'élite française contemporaine n'a gagné aucune guerre (sauf au Mali, mais c'est un peu léger) et ne peut nullement justifier son maintien au pouvoir par la nécessité de protéger le pays contre un péril clairement identifié.
De ce point de vue, je préfère largement la comparaison avec la France de Louis XVI et avec la Cour de Versailles. Nos officiers d'état-major, pour reprendre la comparaison, sont majoritairement des petits marquis, des enfants bien nés comme avait dit je ne sais plus quelle "ministresse" de Fillon, qui on grandi avec une petite cuillère d'argent dans la bouche et qui sont bien décidés à saigner la bête jusqu'à la dernière goutte pour préserver leurs privilèges.
Leur incapacité à réformer l'Etat pour le rendre économe et efficace constitue le meilleur symptôme de cette réaction nobiliaire qui frappe la France d'aujourd'hui, comme elle frappait la France de 1788. Comme Louis XVI, François Hollande est un monarque qui règne mais qui ne gouverne pas. En dehors du constat de son immense impuissance à changer la réalité, et en dehors de ses poésies jaculatoires sur la reprise qui est là, composés sous l'effet de champignons hallucinogènes, il n'a guère d'occupation.
Si ce ne sont pas les politiques au pouvoir qui dirigent la France, qui tient les rênes, qui tire les ficelles, qui sont les véritables décideurs ? Éric Verhaeghe : Ce serait rassurant de se dire que le pays est gouverné, même si ce gouvernement est dans l'ombre.
Mais je crois qu'il faut ouvrir les yeux et dissiper cette illusion complotiste : en réalité, plus personne ne décide de rien. Personne ne tire les ficelles, ou si quelqu'un a la prétention de le faire, ces ficelles sont malheureusement cassées et ne permettent pas d'actionner la marionnette.
La société française est en quelque sorte partie en vrille et plus personne ne peut arrêter sa chute, sauf au moyen d'un électrochoc que personne ne veut utiliser. Prenez l'exemple des dépenses publiques : plus personne n'est en capacité de les juguler et de les remettre sur une ligne de flottaison satisfaisante. Les mêmes constats peuvent être faits sur une multitude de sujets collectifs.
La protection sociale par exemple. On sait tous qu'au-delà de 30% du PIB, elle n'est plus finançable sans des empiétements majeurs sur la compétitivité des entreprises françaises. Or nous en sommes à près de 33% de PIB de dépenses, sans parvenir à revenir en arrière. Il n'y a plus de décideurs en France, il n'y a plus que des chroniqueurs de la chute.
La technostructure administrative a-t-elle pris le pas sur les politiques ? Ou, plus encore que la technostructure administrative, les acteurs économiques sont-ils ceux qui détiennent le vrai pouvoir ?
Éric Verhaeghe : Je crains que le pouvoir ne soit en réalité passé entre les mains de ceux qui ne décident plus. Au fil des ans, les recrutements aux postes de responsabilité en France se sont faits sur deux critères majeurs : l'origine scolaire, qui recouvre souvent l'origine sociale, et c'est bien là le signe de la réaction nobiliaire: si vous ne pouvez pas prouver vos seize quartiers de noblesse (c'est-à-dire votre passage par une grande école), vous êtes écartés des manettes. Et, second critère, la force d'inertie. Pour rester dans le domaine militaire, j'ai coutume de dire que les élites françaises privilégient les capitaines de tranchée, là où il nous faudrait des colonels de hussards. Face aux défis de la concurrence internationale, de la transformation numérique de la société, du déclin moral du pays, il faudrait confier les responsabilités à des gens qui n'ont pas froid aux yeux, qui ont du charisme, qui ont une vision, et qui sont prêts à y aller pour emporter le morceau.
Au lieu de cela, on donne le pouvoir à des jeunes gens de bonne famille, propres sur eux, bien coiffés, pas un mot plus haut que l'autre, les initiales brodées sur le cœur, intelligents souvent, cultivés toujours, mais les yeux sur le bout des chaussures quand l'heure vient de prendre des risques, d'affronter le conflit et de dire en face les paroles d'autorité que les Français attendent pour adhérer au projet commun.
Ces capitaines de tranchée, on les trouve à foison sur les bancs du service public qui sont une véritable école dans ce domaine, mais on les trouve aussi de plus en plus dans les comités de direction des grandes entreprises où la prise de risque est pénalisée au profit des valeurs grégaires.
Quelle est la sociologie de ces dirigeants, hommes et femmes ? Quels sont leurs parcours ? Eric Verhaeghe : Les grandes écoles françaises sont obsolètes par leur nature même. Elles sont l'éloge de l'excellence individuelle, acquise à force de bachotage et d'exercices abstraits pratiqués en chambre.
Dans un monde où la collaboration, notamment par le biais des réseaux sociaux et des outils numériques, est devenue la norme, l'intelligence à la française confine au handicap. La société numérique a de moins en moins besoin de cerveaux bien faits dans leur coin, mais de plus en plus besoin de coéquipiers capables de produire de l'intelligence collective.
Là, notre vision arrogante et foncièrement individualiste devient un handicap. Hervé Joly : Dans mes travaux historiques sur les dirigeants (PDG, directeurs généraux ou équivalents) des grandes entreprises françaises au XXe siècle, complétés par des études menées avec mon collègue sociologue François-Xavier Dudouet (CNRS-IRISSO, Université Paris-Dauphine) sur les dirigeants (membres des comités exécutifs et administrateurs) des entreprises du CAC 40 dans les années 2000 apparaît une étonnante continuité dans les profils : Une population très masculine : si les femmes, totalement absentes jusqu’aux années 1960 au moins dans les grandes entreprises managériales (elles ne pouvaient jouer un rôle qu’à titre souvent de régentes dans des entreprises familiales), apparaissent dans la période récente, ce n’est presque jamais dans des fonctions de « patrons » (PDG ou DG), et souvent, au sein du comité exécutif, dans des fonctions perçues comme plus spécifiquement « féminines » (DRH, directions de la communication). Un élitisme scolaire : si l’exigence d’une formation supérieure est ancienne, ce qui frappe est la permanence d’une prédominance des diplômés des grands écoles les plus prestigieuses, Polytechnique en particulier, rejointe depuis la fin des années 1960 par l’ENA et depuis les années 1980 par HEC.
Si la prédominance de Polytechnique par exemple dans la filière des ingénieurs pouvait apparaître logique au début du XXe siècle à un moment où ses effectifs représentaient, dans les générations concernées, une part importante des très rares bacheliers, les écoles d’ « ingénieurs civils » (destinés au secteur privé) comme Centrale ou les Mines peinant à en recruter autant, la prime donnée aux polytechniciens dans les générations actuelles est plus étonnante à un moment où ils ne représentent plus qu’une petite minorité des ingénieurs formés dans des écoles beaucoup plus nombreuses, avec des exigences très proches dans les différents concours.
La même chose vaut pour la spectaculaire prédominance des HEC par rapport à l’ensemble des diplômés d’écoles de commerce, non seulement de province, mais également ses grandes concurrences parisiennes (ESSEC, ESCP). Il existe une prime remarquable dans chaque filière à être passé par l’école la plus prestigieuse, qui justifie et auto-entretient les choix des candidats aux concours d’entrée.
L’importance des filières des grands corps d’Etat : parmi l’ensemble des polytechniciens ou des énarques, il existe toujours des écarts considérables dans les probabilités d’accès aux plus hautes fonctions dirigeantes selon qu’ils ont accédé ou non, par leur classement de sortie, aux corps les plus prestigieux (Mines et, un degré moindre, Ponts et Chaussées pour les premiers ; Inspection des Finances surtout pour les seconds).
Le détour initial par la haute fonction publique, associé souvent par une expérience en cabinet ministériel, reste, à condition de ne pas se prolonger au-delà d’une dizaine d’années, un atout considérable qui leur permet souvent de jouer, dès leur entrée à 30-35 ans dans les entreprises, dans une division supérieure, qui leur donne un accès privilégié à la direction générale, aux dépens souvent des autres diplômés plus anonymes qui y ont fait toute leur carrière.
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Source: http://www.atlantico.fr/decryptage/qui-sont-ceux-qui-dirigent-france-comment-sont-prises-decisions-eric-verhaeghe-herve-joly-804005.html?page=0,0
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