Des dizaines de familles en France, mais aussi en Italie et en Espagne, propriétaires de biens immobiliers au Maroc, se disent victimes de spoliations…
Il avait passé les fêtes de fin d’année avec sa famille, en France.
Quelques jours plus tard, le 4 janvier 2009, le corps de Christian Thuillier, 58 ans, est retrouvé dans son riad marocain. «Mon frère a été assassiné à coups de marteau, puis égorgé et éventré», lâche Daniel.
L’assassin présumé, un professeur de sport, père de deux enfants, est rapidement arrêté. Il sera jugé le 29 avril prochain, mais Daniel doute de plus en plus de la culpabilité de cet homme.
Car depuis quatre ans, le dossier s’est copieusement complexifié.
«Mon frère aurait fait donation de son riad à une Marocaine, retraitée de l’Education nationale», explique Daniel. Problème: l’acte porte le sceau d’un notaire parisien…
Qui a déposé plainte pour vol de ses cachets.
«Une société aurait racheté notre maison… Mais à qui?»
«La justice marocaine a d’abord jugé que l’acte était un faux, avant de dire le contraire en appel», s’agace Daniel. «Je multiplie les démarches, mais j’ai 72 ans, je n’en peux plus.
Je veux savoir qui a tué mon frère et que cette histoire de donation soit éclaircie. Je veux la justice!»
Il n’est pas le seul. Des dizaines de familles en France, mais aussi en Italie et en Espagne, propriétaires de biens immobiliers au Maroc, se disent elles aussi victimes de spoliations.
Comme El Mostafa Sakhir, 43 ans. Ce Marocain est arrivé en France à l’âge de 16 ans, avec sa famille. «Mes parents ont conservé leur maison à Casablanca et nous y allions tous les étés», raconte-t-il.
Mais en mars 2008, un tribunal marocain leur demande de quitter cette résidence. «Une société aurait racheté notre maison… Mais à qui?
Nous n’avons jamais vu personne et nous n’avons jamais reçu le moindre centime».
Après de multiples péripéties, sa famille parvient à mettre la main sur l’acte de vente. Il a été réalisé par procuration, à Lille. «Mais la mairie ne le reconnaît pas… C’est évidemment un faux», souffle El Mostafa.
La situation ne change pourtant pas au Maroc. «Cette affaire est vraiment très pesante, surtout pour ma mère. Elle fait de l’hypertension, elle est de plus en plus mal… Nous avons longtemps hésité avant de lui dire que sa maison avait été détruite.» Elle a été rasée à l’été 2011.
Un immeuble de cinq étages se dresse désormais sur le terrain.
Des menaces de mort reçues par un défenseur des victimes
«Nous avons répertorié des centaines de cas. Ces escroqueries représentent des milliards d’euros», lance Moussa Elkhal. Ce juriste franco-marocain travaille depuis 2010 pour le cabinet de Me Viviane Sonier, à Privas (Ardèche), qui défend une trentaine de dossiers de Français escroqués.
«La police marocaine a arrêté cinq personnes, mais des titres fonciers ne se trafiquent pas comme ça… Ces spoliations sont une machinerie très organisée, avec des personnalités haut placées… C’est une vraie mafia.
» Moussa Elkhal est déjà allé une vingtaine de fois au Maroc pour tenter de faire bouger les choses. Sans succès apparent.
Récemment, il a reçu des menaces de mort.
Pour se faire entendre, les victimes ont décidé de se réunir au sein d’une association, baptisée Droit et justice pour le Maroc.
Créée il y a un mois et demi, elle réunit déjà une quarantaine de familles. «Et nous recevons de nouveaux dossiers tous les jours», assure Stéphane Vabre, dont la belle-famille a été spoliée de plusieurs biens.