REVUE DE PRESSE
Front national : de Marine à Marion, de qui Le Pen est-il le nom ?
Modifié le 06-02-2013 à 12h05
LE PLUS. L'adhésion aux idées du FN n'a jamais été aussi forte. Près de 32% de Français se disent "tout à fait" d'accord avec les propositions de ce parti, selon le baromètre annuel de TNS-Sofres. Parmi les hérauts de ce FN "dédiabolisé", Marion Marechal-Le Pen. Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême droite, décrypte le positionnement de la jeune députée.
Édité par Sébastien Billard Auteur parrainé par Mael Thierry
Marion Marechal-Le Pen et Marine Le Pen à Carpentras, le 16 novembre 2012 (A.ROBERT/SIPA).
Elle fait une tournée des fédérations, une galette des rois après l’autre. Cet après-midi du dimanche 3 février, plus de 200 militants et sympathisants du Front national l’attendent avec curiosité.
Retentit "Gagnan style", Marion Maréchal-Le Pen, seule député encartée FN, entre en scène avec les cadres locaux du parti.
La puissance invitante dans ce département des Pyrénées Orientales, c’est Louis Aliot, vice-président de la formation et compagnon de Marine Le Pen.
Il dit que la député a, du haut de ses 22 ans, la "lourde charge de représenter six millions d’électeurs". Elle glissera que "c’est parfois un peu lourd à porter".
Après son discours, elle se prête au jeu des photographies, dans un style plus chaleureux que tribunitien. Il y a là l’effet peoplelisation. Mais est-ce seulement cela ?
Un spectateur nous dit que son aisance rhétorique lui a fait songer à la première fois où il a entendu Jean-Marie Le Pen, au début des années 1980.
Une retraitée signifie que si, "bien sûr", elle "aime Marine, Marion, elle fait quand même plus, comment dire... populaire ?"
Marion plus "lepéniste" que Marine ?
Pour un cadre du FN, engranger un succès électoral remarquable a longtemps été annonciateur de forts problèmes internes du temps de Jean-Marie le Pen.
Le chef ne voulait pas qu’on le dépasse ; l’élection comme député de Marion Maréchal-Le Pen n’a cessé de poser la question par rapport à sa tante, échouant elle de peu à Hénin-Beaumont.
Alors que Marine Le Pen suivait la ligne de son n°2, Florian Philippot, en ne se rendant pas à la "Manif pour tous", le 13 janvier dernier, Marion Maréchal-Le Pen y était, avec Bruno Gollnisch.
Puis elle cosigna le projet de loi de reconnaissance d’un "génocide vendéen" avec Lionnel Luca (Droite populaire).
Le bruit monte : ne serait-elle pas plus "lepéniste" que la présidente ? Ne se positionnerait-elle pas comme un pivot des droites, quand sa chef clame l’autonomie du FN ? Bruno Gollnisch a, lui,montré ses fesses lors d'une séance du Conseil régional de Rhône-Alpes.
Un "geste rabelaisien", a-t-il dit.
Mais, politiquement, un geste qui certifie bien la promotion du caractère ligueur du parti, le refus de voir le parti adopter les manières du système au motif de sa "professionnalisation". Le FN comme un parti d'extrême droite, et non comme un néo-souverainisme.
Les marqueurs de la dédiabolisation
Le discours et l'attitude de la petite-fille de Jean-Marie Le Pen paraissent avant tout constituer la promesse d'un point d'équilibre possible entre ces dynamiques.
Sont omniprésents dans son propos les marqueurs de la dédiabolisation, tels qu'initiés par Samuel Maréchal et partagés par Louis Aliot et Marine Le Pen.
La "République", la "laïcité" sont les piliers positifs. L'immigration, l'islamisme, le libéralisme constituent les négatifs.
Quand on interroge la jeune femme, elle prend grand soin, à chaque question, de répondre en citant Marine Le Pen et en faisant son éloge. Elle reconnaît des qualités aux diverses droites.
Elle tend la main au député d’extrême droite Jacques Bompard, jadis frontiste, aux élus UMP "au cas par cas" (sachant que c'est ce type d'alliances qui avait permis au FN de provoquer une crise majeure dans les partis de droite en 1998, en jouant "les élus de terrain" contre "les états-majors parisiens").
Contre le "mariage homosexuel", Marion Maréchal-Le Pen parle tel Bruno Gollnisch. Elle ne se situe pas sur le terrain religieux, mais elle défend l'idée qu'il existe une société normée dont les membres ne peuvent exiger d'obtenir des droits de manière consumériste. Elle défend une vision de la personne constituée par son appartenance à une civilisation, et non comme atome souverain.
Un frontisme "à visage humain"
Si sa tournée sert son implantation, elle permet de mobiliser l'énergie des militants. La secrétaire départementale, Marie-Thérèse Fesenbeck, leur demande d'avoir un bulletin d'adhésion dans leur poche, leur sac, pour pouvoir le proposer au cours d'une conversation.
S'appuyant sur le sondage Ipsos quant à la crise culturelle des Français, Marion Maréchal-Le Pen lance "nous avons gagné la bataille des idées", et que l'électorale est désormais jouable grâce à "l'évolution radicale de la façon dont nous sommes appréhendés... Nous sommes pris très au sérieux !"
Pour encore motiver l'assistance, elle certifie que tous les volontaires pour être candidats recevront une formation. Une jeune femme distribue un questionnaire "Marine Le Pen a besoin de vous !", dont les questions fermées visent à faire s'encarter le sympathisant, à rendre actif l'encarté.
Deux étudiantes, encartées depuis la présidentielle, nous disent qu'elles participeront aux listes. On leur demande où, elles répondent toutes deux "avec Louis", le leader occultant la municipalité. Féminisation, jeunesse : un frontisme "à visage humain". Une ex-cadre de la droite locale prend sa carte du FN. L'adjointe d'un maire UMP en situation délicate vient montrer par sa présence qu'il n'y a pas d'hostilité. En fond sonore, Raphaël succède à Patrick Bruel. Le FN, tel une droite ordinaire ou une extrême droite "décomplexée" ?
La première génération Patrick Buisson
Marion Maréchal-Le Pen nous décrit le futur du FN :
"Faire un parti d'énarques, ce n'est pas notre objectif. On est un mouvement populaire, on accepte tous types de profils... Notre objectif maintenant, c'est d'en faire des politiques. On a des gens qui ont la volonté, des convictions, mais qui ne savent pas forcément comment les porter. [Il faut] leur apporter les éléments de langage, intellectuels, de communication"
Elle conçoit une France malade de sa fragmentation :
"Nous avons des jeunesses qui se regardent en chiens de faïence, qui ont l'impression de n'avoir plus rien en commun... Le grand enjeu de la France aujourd'hui, c'est de réunir tous ces français qui sont d'origine différente, de religion différente, à travers cette arme formidable qu'est la République"
Soit un discours qui s'appuie sur les angoisses socio-culturelles pointées par le sondage Ipsos etqui sous-tendent les succès récents du néo-populisme.
On laisse Marion Maréchal-le Pen en se demandant vaguement si, outre la "troisième génération Le Pen", elle ne constituerait pas aussi la "première génération Patrick Buisson".
Source et publication: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/776651-front-national-de-marine-a-marion-de-qui-le-pen-est-il-le-nom.html