MANUEL VALLS DANS LES «ENGRENAGES» DE LA CRIMINALITÉ
Une série télé plus près de la vérité que toutes les statistiques
Raoul Fougax
le 21/01/2013
Un feuilleton télévisé est devenu le feuilleton culte des policiers, magistrats et avocats. Il est au plus près de la terrible réalité française : une criminalité, souvent liée aux banlieues et à l’économie parallèle, totalement incontrôlable.
Cela provoque des comportements adaptés mais contestables pour ceux qui doivent protéger les citoyens.
Chacun accepte de tricher avec la légalité ou d’être corrompu pour survivre dans un cadre inadapté à la nouvelle criminalité française.
La voilà la vérité, voilà le feuilleton que devraient étudier Manuel Valls et ses conseillers au-delà des statistiques.
Les tout derniers chiffres communiqués, le 20 décembre dernier, font état d'une hausse sur douze mois, modérée pour les atteintes aux biens (+0,33%, soit +7.220 faits enregistrés) et plus marquée pour les atteintes aux personnes (+2,7%, soit +12.678 faits).
Ce sont les statistiques de la gendarmerie qui plombent finalement de façon étonnante les résultats.
La hausse générale masque des augmentations vertigineuses : +114,5% de faits de violence, mauvais traitements et abandons d'enfant (+3.807 faits constatés) en douze mois, + 73% de harcèlements sexuels et autres agressions sexuelles contre des mineurs (+1.913 faits), +55,9% de destructions et dégradations de véhicules privés (+5.949 faits).
Les résultats sont tout aussi terrifiants pour les violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique (+32,7%), les vols violents commis sur des femmes sur la voie publique (+30,5%), les harcèlements et autres agressions sexuelles contre des majeur(e)s (+42,3%), les falsifications et usages de chèques volés (+48,3%), les viols sur mineurs (+20,2%)...
Depuis la mise en place du nouveau système pulsar, les gendarmes enregistrent systématiquement toutes les plaintes, et de manière immédiate.
Dans le même temps, les militaires auraient également enregistré toutes les affaires qui étaient en suspens. D'où cette hausse, brutale et spectaculaire.
À la cérémonie des voeux aux forces de l'ordre, le ministre a admis une hausse des cambriolages et des atteintes aux personnes en zone gendarmerie, et les a attribuées aux "effets combinés de la crise et d'une forte progression démographique liée aux transferts de population venant des zones urbaines".
La violence urbaine aurait gagné nos campagnes.
Les chiffres de la délinquance 2012 apparaissent comme les premiers indicateurs du bilan gouvernemental sur la sécurité et aussi de l’action de Manuel Valls, en place depuis huit mois au ministère de l’Intérieur. «Aujourd'hui, je pose l'acte de décès de cette politique qui a consisté à travestir la réalité», a-t-il déclaré, lors de sa conférence «Bilan et perspectives» pour 2012-2013.
Le premier flic de France a préféré prendre les devants face aux critiques qui émergent à droite sur ses résultats en demi-teinte après six mois d'exercice.
Son prédécesseur, Claude Guéant, constate que «sous Valls, plus on avançait dans l'année 2012, plus la situation se dégradait».
Éric Ciotti n'est pas tendre non plus: «Le bluff médiatique du ministre de l'Intérieur se dissipe face à la triste réalité des chiffres», lance le député Ump de Nice.
Pour Bruno Beschizza, secrétaire national de ce parti, la conférence de presse de Manuel Valls est «un exercice de communication» qui cache la «réalité des chiffres» et «l’augmentation des violences».
Manuel Valls , 8 mois au ministère
Cela étant les chiffres sont toujours manipulés, interprétés. On peut tout leur faire dire. Une certitude : le pays est dépassé et submergé par une certaine criminalité.
On conseille donc au ministre de l'intérieur et à tous les hommes politiques du système, de droite comme de gauche, de regarder les 4 saisons existantes, avant la 5ème, de la série «engrenages».
Formidable « engrenages »
« Engrenages » est une série télévisée française créée par Alexandra Clert et Guy-Patrick Sainderichin, produite par Son et Lumière, avec la participation de Canal+, Canal Jimmy et avecCinéCinéma pour sa saison 3. La chaine britannique BBC Four s'est également associée à la production de la saison 2. Elle a été diffusée à partir du 13 décembre 2005 sur Canal+, et c'est la toute première série de fiction française à avoir été présentée sur son antenne.
« Engrenages » est l'une des rares séries françaises à s'exporter à l'étranger et a été vendue dans près de 70 pays. En Suisse, la série est diffusée depuis le 15 avril 2008 sur SF1 en version originale sous-titrée en allemand et depuis le 9 mai 2008 sur TSR1.
Au Royaume-Uni, la série est diffusée surBBC Four sous le titre « Spiral », c’est la première fois que la BBC acquiert une série française depuis "Belle et Sébastien".
Aux États-Unis, la série a été achetée par la plateforme Netflix où les quatre saisons seront présentées à partir de la rentrée 2012.
Un succès incontestable et justifié.
La réalité est dans cette fiction. Tout notre système judiciaire et policier est prisonnier de la criminalité des banlieues.
L’économie souterraine de la drogue corrompt tout : la police et la justice, les enquêteurs, les procureurs, les avocats. Cela exacerbe les rivalités personnelles, la guerre des polices, la guerre justice-police et pousse à tricher avec la légalité.
Tous pourris à un moment ou à un autre face à des caïds impitoyables. Au-delà du contexte il y a la dégénérescence de l’esprit civique.
Pourtant de nombreux personnages de la série sont attachants et tentent de faire de leur mieux. Mais ils sont tous à un moment ou à un autre piégés par le système. Ils renient leurs valeurs et se comportent pire que ceux qu’ils traquent.
Notre pays est bien dans des engrenages mortels et si les chiffres ne le disent pas, une série télévisée est là pour révéler « l’horreur sécuritaire et judicaire »
Ce n'est sans doute pas un pur hasard si « Engrenages » fait un tabac dans les écoles de police. Aujourd'hui, la fiction-culte qui met en scène les univers de la police et de la justice, tout en s'inspirant de faits réels, rencontre également un franc succès chez les magistrats et les avocats. Anne Landois et Éric de Barahir, les deux coscénaristes, l'ont très vite compris.
Pour rendre encore plus crédibles les histoires, les deux complices ont fait appel aux services du pénaliste Frédéric Bellanger et au célèbre juge antiterroriste Gilbert Thiel.
Gilbert Thiel
"Je ne connaissais pas « Engrenages », et un jour on m'a prêté les DVD, raconte Frédéric G., officier à la brigade des stups. C'était la saison 2, et j'ai été scotché par le réalisme. J'avais l'impression qu'on m’avait piqué une de mes affaires ! Pour une fois, les voyous ressemblaient à ce que je voyais tous les jours. Cela change vraiment des séries policières basiques qu'on voit d'habitude à la télé. Les acteurs qui jouent les flics sont vraiment top, on a l'impression qu'ils ont fait ça toute leur vie. Maintenant, quand quelqu'un me demande en quoi consiste mon boulot de flic, je lui conseille de regarder la série."
"La France a peur" disait Giquel dans un journal télévisé resté célèbre. Aujourd'hui, la France a encore peur et a raison d’avoir peur. Ce sont les voyous qui donnent le ton à la police, à la justice et malheureusement aussi à la presse.
Ces voyous ont les visages de nos banlieues. « Engrenages » : une série qui pourrait être poursuivie pour délit de faciès si ses héros n’étaient pas souvent encore plus sombres et inquiétants que les voyous.
Source et publication: http://metamag.fr/metamag-1126-Manuel-Valls-dans-les-«engrenages»-de-la-criminalite-Une-serie-tele-plus-pres-de-la-verite-que-toutes-les-statistiques.html