Dans un titre endiablé intitulé "Oh ! Morsi", Sama al-Masri dénonce les risques que peut entraîner le nouveau texte de Constitution des Frères musulmans.
Les islamistes du Caire viennent d'enregistrer l'arrivée d'une opposante pour le moins inattendue. Contre le texte de Constitution des Frères musulmans, jugé liberticide par l'opposition, une Égyptienne a choisi la danse du ventre pour se faire entendre. C'estle site du Courrier international qui rapporte l'histoire, publiée à l'origine sur le site d'informations arabe Elaph, basé à Londres. Sama al-Masri a posté sur les réseaux sociaux une vidéo intitulée "Oh ! Morsi", dans laquelle elle fustige la tentative de passage en force du texte par le président islamiste. Envolées d'accordéons, déhanchements de postérieur et paillettes, tous les ingrédients du tube de variété orientale sont réunis. Les moyens restent toutefois extrêmement limités.
Sur un tapis verdâtre, devant un drapeau égyptien, Sama al-Masri revisite, sur un air populaire du grand compositeur Sayed Darwich, toutes les étapes de la crise politique qui secoue le pays, depuis le décret présidentiel controversé du 22 novembre dernier, par lequel Mohamed Morsi s'est arrogé les pleins pouvoirs, jusqu'au jour du référendum, samedi dernier, sur le texte controversé. Une performance "kitchissime", mais en réalité éclairante pour ceux qui n'ont pas saisi tous les éléments complexes de l'Égypte post-Moubarak.
"Absence" de droit pour les femmes
"Ils ont remplacé un juge par un autre, mais ça pue toujours autant", lance par exemple Sama al-Masri au sujet de la démission du procureur général sur ordre du président Morsi, brandissant un pot de bébé pour illustrer son propos. "En une seule nuit, ils ont achevé leur petite cuisine constitutionnelle", dit-elle en référence au dix-huit heures au bout desquelles le texte final de la Constitution a été expédié. La danseuse du ventre expose alors une croix entourée du croissant musulman afin de mettre en garde contre les dangers que fait peser le nouveau texte sur la minorité copte (chrétienne d'Égypte).
Alors qu'elle agrémente sa performance théâtrale en agitant sa poitrine généreuse, Sama al-Masri met l'accent sur l'absence de droits pour les femmes dans la nouvelle Constitution. Conscientes du risque pesant sur leur avenir, les Égyptiennes ont d'ailleurs afflué samedi dans les bureaux de vote, lors de la première étape du scrutin. Pour la danseuse du ventre, le choix est clair : il faut voter "non à la Constitution", a-t-elle écrit sur une pancarte.
"Marchands de religion"
Sama al-Masri n'épargne pas le président Mohamed Morsi, dont elle rappelle, en agitant concombres et tomates, qu'il n'a pas respecté sa promesse de campagne de rendre ces produits alimentaires plus accessibles aux plus démunis. Brandissant deux révolvers, en lieu et place de la canne qui lui servait à se déhancher, l'artiste de variété rappelle la répression dont les opposants au président Morsi ont fait l'objet. Une dizaine de personnes sont mortes le 5 décembre dernier lors de l'assaut mené par les partisans du chef de l'État contre les manifestants qui siégeaient autour du palais présidentiel.
Entraînée par le rythme endiablé, la danseuse du ventre accuse alors le pouvoir islamiste d'être composé de "voyous", de "voleurs", de "marchands de religion", et même de "terroristes". C'en est trop pour lui : un géant râblé, symbolisant les partisans des Frères musulmans, fait son apparition sur la vidéo et pose une main menaçante sur l'épaule de la frondeuse. Une référence aux intimidations qu'a subies la militante égyptienne anti-Morsi Shahinda Makled, subitement invitée à se taire par un partisan du président alors qu'elle haranguait la foule, rapporte le Courrier international.
Le "oui"à la Constitution sûr de l'emporter
Si les médias égyptiens ont, pour l'heure, refusé de diffuser le clip, la vidéo connaît un franc succès sur la toile. Depuis sa mise en ligne le 15 décembre sur YouTube, elle a été vue plus de 300 000 fois. Mais elle ne remporte pas pour autant tous les suffrages, y compris ceux des révolutionnaires. Sur Twitter, certains d'entre eux s'indignent qu'une simple danseuse du ventre puisse ainsi scander les idéaux de la révolution de Tahrir. "Chacun a le droit d'exprimer son opinion de sa propre façon", a répondu Sama al-Masri, interrogée par le quotidien égyptien Al-Ahram. Victime d'une tentative d'enlèvement dans la nuit du 14 au 15 décembre dernier, la danseuse juge depuis le président Morsi responsable de sa sécurité.
Sama al-Masri n'en est pas à son galop d'essai. En novembre dernier, elle dansait déjà contre les "mensonges" du président Morsi après ses 100 premiers jours à la tête de l'État. Mais elle s'est surtout rendue célèbre en mars dernier lorsqu'elle a clamé être la femme... du député salafiste Anwar al-Balkimy, expulsé de son parti après la révélation de son opération de chirurgie esthétique du nez. Les Frères musulmans sont prévenus. La danseuse du ventre a déjà annoncé d'autres tubes. Elle va pourtant vite devoir se rendre à l'évidence. Avant même le second jour de vote, le "oui"à la Constitution semble pratiquement sûr de l'emporter.
REGARDEZ. La danse endiablée de Sama al-Masri contre les Frères musulmans :
Source et publication: http://www.lepoint.fr/monde/video-egypte-une-danseuse-du-ventre-defie-les-islamistes-18-12-2012-1603211_24.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20121219