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Retour aux origines de la guerre menée contre l’Etat syrien par des puissances occidentales, France en tête, et les monarchies du Golfe, par groupes terroristes interposés [1]

Les Etats européens qui ont soutenu, voir encouragé hier le terrorisme – aidés par les médias – le combattent-ils sérieusement aujourd’hui ? Jusqu’à quel point les citoyens peuvent-ils les croire?

 

Il convient de rappeler que les hommes contre lesquels toutes les polices d’Europe partent à la chasse depuis que les attentats frappent nos sociétés sont les mêmes qui dès 2012 – bien avant l’apparition de l’Etat islamique – terrorisaient la province de Homs, embrigadés dans des brigades terroristes comme al-Farouk, al-Nosra et l’ASL (une création des services français financée par le Qatar).

Depuis le début des troubles en Syrie, nous avions alerté nos lecteurs sur le danger qu’encouraient les Syriens là où des hommes armés venus de l’extérieur s’étaient infiltrés, préoccupée que nous étions par le va et vient des mercenaires qui se rendaient en Syrie au vu et au su de nos polices des frontières et grandement encouragés par la diplomatie française et la ribambelle de journalistes qui les suivaient dans des zones prétendument « libérées », buvaient leurs paroles et ignoraient leurs atrocités.

La vidéo ci-dessous, prise au hasard parmi les centaines de vidéos que tout un chacun pouvait voir en temps réel, en dit assez sur l’aveuglement de nos sociétés toutes à la dévotion des « gentils opposants » qui s’attaquaient violemment à l’Etat syrien.

A suivre… [Silvia Cattori]

Syrie

Combattants de l’ASL 

Syrie : Un groupe de « l’opposition » aurait été entraîné au Kosovo

albinfo.ch, 16 mai 2012

L’ambassadeur de la Russie à l’ONU, Vitalij Çurkin, s’est déclaré inquiet devant le Conseil de sécurité par le fait que des insurgés syriens seraient formés au Kosovo.

Il a déclaré que, dans le cas où ces informations se révéleraient exactes, la présence de combattants syriens au Kosovo deviendrait un enjeu international mettant directement en cause le rétablissement de la paix en Syrie.

Pour Çurkin, la présence au Kosovo d’un centre de formation pour insurgés ainsi que d’autres unités armées sont autant de sérieux facteurs de déstabilisation qui vont au-delà de la région des Balkans.

Le ministre kosovar des Affaires étrangères, Enver Hoxhaj, a admis que le gouvernement kosovar était en relation avec l’opposition syrienne.

Il a rappelé que le Kosovo avait été parmi les premiers pays en Europe à soutenir l’opposition en Libye et dans les autres pays arabes en 2011, et ce parce que « nous nous sommes également battus pour les mêmes aspirations », a-t-il déclaré. Il a cependant réfuté les rumeurs selon lesquelles des combattants de l’opposition syrienne seraient formés au Kosovo.

albinfo.ch, 16 mai 2012

(*) http://www.silviacattori.net/article3384.html
http://www.silviacattori.net/article3283.html
http://www.silviacattori.net/article3310.html
http://www.silviacattori.net/article3303.html
http://www.silviacattori.net/article3340.html 
http://www.silviacattori.net/article3379.html

http://www.silviacattori.net/article3224.html

Source: http://www.silviacattori.net/article3225.html

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Le Kosovo, camp international d’entraînement pour commandos

Ria Novosti | 14.05.2012

Moscou exhorte les organisations internationales présentes au Kosovo à empêcher que cette région ne se transforme en camp d’entraînement pour commandos, lit-on lundi dans un communiqué du département de l’Information et de la Presse du ministère russe des Affaires étrangères.

Moscou exhorte les organisations internationales présentes au Kosovo à empêcher que cette région ne se transforme en camp d’entraînement pour commandos, lit-on lundi dans un communiqué du département de l’Information et de la Presse du ministère russe des Affaires étrangères.

« Ces derniers temps, les informations relayées par certains médias sur des contacts entre l’opposition syrienne et les autorités de ladite République du Kosovo attirent l’attention. D’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement d' »échange d’expériences » en matière d’organisation de mouvements séparatistes pour renverser des régimes en place, mais aussi d’entraînement de commandos syriens sur le territoire du Kosovo », indique le document.

Le communiqué précise que les commandos en question s’entraînent dans des zones qui ressemblent géographiquement aux reliefs syriens.

« La création de centres d’entraînement dans des anciennes bases de l’Armée de libération du Kosovo n’est pas exclue », est-il expliqué.

La Syrie est secouée depuis plus d’un an par un mouvement de contestation contre le régime de Bachar el-Assad, qui a hérité le pouvoir de son père. Les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants ont fait à ce jour, selon l’Onu, plus de 9.000 morts. Les autorités syriennes démentent ce chiffre et assurent que des bandes terroristes entraînés et financés par l’étranger opèrent dans le pays.

Ria Novosti | 14.05.2012

Source: https://fr.sputniknews.com/international/20120514194699574/

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Quand les groupes armés recrutaient au Kosovo

Lavdrim Muhaxeri

Lavdrim Muhaxeri

Antoine Malo – Le Journal du Dimanche –  27 septembre 2015

Dans le registre de l’abomination, Lavdrim Muhaxheri n’a pas de leçons à recevoir. En mai dernier, ce combattant de l’Etat islamique (EI), 26 ans, visage replet et tignasse rousse, apparaît dans l’une de ces vidéos de propagande du groupe terroriste tournées en Syrie : on le voit, un lance-roquette sur l’épaule, tirer sur un prisonnier attaché à un poteau. Un an auparavant, [avant la création de l’Etat islamique, ndlr] il s’était illustré dans un autre document où il décapitait un soldat du régime de Bachar el Assad. Au Kosovo, ces images ont abasourdi une population qui découvre que l’horreur est aussi perpétrée par l’un des siens. Et même si T.D., un autre kosovar lui aussi passé par la Syrie, décrit Muhaxheri comme « un clown décrédibilisé au sein de Daech qui passe son temps à regarder le nombre de like qu’il récolte sur Facebook », le bourreau est devenu la tête de gondole du djihad made in Kosovo.

Selon les chiffres officiels, depuis 2011, 300 Kosovars se sont rendus en Syrie et en Irak et 80 y combattraient encore aujourd’hui, principalement chez Daech et Jabhat al-Nosra, organisation liée à Al-Qaïda. Des chiffres inquiétants. « Avec 16 combattants pour 100.000 habitants, le taux de recrutement au Kosovo est huit fois supérieur à celui de la France, qui est pourtant le plus gros fournisseur de djihadistes en Europe« , rapporte dans une note l’institut CTC (Combatting terrorism Center) rattaché à l’académie militaire de West Point. Le gouvernement minimise le phénomène en expliquant que le Kosovo est un pays à majorité musulmane et que ces chiffres doivent être comparés davantage à ceux de la Tunisie ou du Maroc qu’aux pays de l’UE. Il n’empêche. Le Kosovo est un territoire où la laïcité est très répandue. L’influence américaine y est aussi importante. Et dans les autres pays de la région à majorité musulmane comme la Bosnie, les engagés du djihad ne sont pas aussi nombreux.

« Longtemps, les autorités n’ont pas voulu s’attaquer au problème, explique Florian Qehaja, directeur du think tank KCSS qui a publié au printemps dernier un rapport sur le sujet. Les politiques avaient trop peur de se mettre à dos la population musulmane (si la laïcité est très répandue au Kosovo, 90% de la population est dite de tradition musulmane). » Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement se résout à agir. En août 2014, la police procède à un vaste coup de filet. Une soixantaine de personnes sont arrêtées – des combattants revenus au pays, huit imams dont le grand Mufti de Pristina, des responsables d’ONG…

Le coup porté a-t-il été suffisant? « Non, estime la journaliste Serbeze Haxhiaj, qui a travaillé sur ce dossier. Même si le nombre de départs a drastiquement baissé (seulement une grosse vingtaine depuis le début de l’année), on a frappé trop tard et laissé les réseaux djihadistes s’implanter. » « On a coupé la tête du serpent mais le corps bouge encore« , résume Florian Qehaja.

Le réseau a eu effectivement le temps de s’enraciner. A la fin de la guerre contre la Serbie, le Kosovo s’ouvre, à tout, et notamment aux thèses wahhabites venues d’Arabie saoudite. Des mosquées, financées par les pays du Golfe, sortent de terre, des associations caritatives saoudiennes prennent pied dans le pays. En 2005, s’implante un autre courant de l’islam radical, le takfirisme, idéologie qui fait de la violence sa pierre angulaire. Des imams, formés en Egypte, reviennent dans les Balkans. En Macédoine d’abord. Puis au Kosovo. Ils infiltrent les mosquées, certaines ONG saoudiennes.

« Le djihadiste kosovar type a 28 ans et n’est pas allé au-delà du lycée »

Quand apparaît Jabhat al-Nosra [en novembre 2011] et Daech [en juin 2014, ndlr] en Syrie et en Irak, ces prédicateurs takfiristes jouent les recruteurs. Ils fréquentent les mosquées quand ils ne sont pas eux-mêmes imams, organisent des réunions dans des appartements privés. Un dortoir à Pristina accueillent les étudiants et tentent de les endoctriner. La propagande sur internet fait le reste. Leur cible? Les jeunes ruraux désœuvrés, qui sont nombreux dans un pays où le chômage frappe 35% de la population. « Le djihadiste kosovar type a 28 ans et n’est pas allé au-delà du lycée, explique Florian Qehaja. 40% d’entre eux possède aussi un passé criminel« , poursuit le responsable du think tank. La zone d’action? Les villes, Pristina ou Prizren, mais surtout la zone frontalière avec la Macédoine, cette région montagneuse traditionnellement très croyante et davantage tournée vers la Macédoine où officient des imams radicaux. C’est d’ailleurs via les réseaux macédoniens que 80% des djihadistes rejoignent la Syrie.

Le « monstre » Lavdrim Muhaxheri. [formé au camp Bondsteel]

C’est dans cette région, au cœur d’une vallée encaissée, que situe Kaçanik, 35.000 habitants. Cette bourgade est l’une des places fortes du djihadisme kosovar. C’est là qu’est né « le monstre » Lavdrim Muhaxheri, « un gamin qui était normal, plutôt poli », dit-on en ville. Comme lui, 23 autres jeunes ont quitté la ville pour rallier la Syrie ou l’Irak. Le maire, Besim Ilazi, semble presque s’en accommoder : « 7 à 8% des combattants kosovars en Syrie viennent de ma commune, ce n’est pas si important. » Si des réunions sur la sécurité sont désormais organisées chaque mois avec le grand imam de la ville, l’édile explique qu’il n’en parle pas vraiment du problème avec ses administrés, n’a pas cherché à le comprendre en visitant les familles des djihadistes, n’a pas vu sa ville se radicaliser et les associations humanitaires douteuses s’implanter. Il avance quelques arguments pour expliquer le phénomène, la pauvreté de Kaçanik, la religiosité aussi de la région et estime que la question n’est plus vraiment d’actualité puisqu’aucun départ n’a été enregistré ces derniers mois. Visiblement, le sujet dérange tout comme il indispose les autorités de la grande mosquée, où l’on accuse plutôt les médias d’avoir trop « sali l’image de l’islam« .

Raif Dema, ancien président de la mosquée du quartier Bob, lui, s’inquiète depuis longtemps de cette radicalisation : « Les barbus, on les a vus arriver après la guerre, lâche ce sexagénaire jovial. A l’époque, je les avais chassés de la mosquée. Mais c’est comme une mauvaise herbe, ils se sont répandus partout. » L’un de ses cousins a ainsi été converti et est parti en Syrie où il a été tué. Selon lui, malgré de nombreuses arrestations, le réseau dans la ville n’a pas été totalement décapité : « Ils sont encore là. Ils travaillent en souterrain. »

« Notre gouvernement nous a dit qu’il fallait se battre contre Assad et une fois là-bas on se fait bombarder par les Américains »

Ce milieu ultra radical, M.F., 27 ans qui vit aujourd’hui à Kaçanik, jure qu’il ne le fréquente plus. Entre novembre 2013 et août 2014, le jeune homme a séjourné en Syrie, à Kafr Hamrah, au nord d’Alep. De ces huit mois de djihad, il a gardé une barbe rousse éparse et une colère incroyable dans le regard. M.F. raconte qu’il a choisi de rejoindre le combat « après avoir vu sur internet des enfants syriens dont les droits étaient violés« . Même s’il a bénéficié de deux mois d’entraînement militaire, il assure n’avoir jamais combattu, s’est contenté de faire le planton dans un camp d’Ahrar al-Cham, un groupe salafiste. « Avec mon ami, on était les seuls Albanais du Kosovo. Tous les autres étaient syriens. » Pourquoi dans ce cas est-il incapable de prononcer un seul mot en arabe? Parce qu’il ment, assure un expert qui a travaillé sur son cas et qui souhaite rester anonyme : le jeune homme a en réalité officié chez Daech. Aujourd’hui, M.F dit regretter énormément « le mal qu’il a pu faire à sa famille ».

Mais tous les djihadistes ne font pas tous leur mea culpa. A quelques kilomètres de Kaçanik, dans le village de Elez Han, Muxhahid, qui refuse de s’exprimer, laisse comprendre qu’il ne regrette rien de son passage chez Daech :

« Notre gouvernement nous a dit qu’il fallait se battre contre Assad et une fois là-bas on se fait bombarder par les Américains, vous trouvez ça normal?« , lâche-t-il avant de tourner les talons.

Quel danger représentent ces djihadistes non repentis? « Le Kosovo est davantage une terre de recrutement que d’opération pour Daech. Le niveau d’alerte reste modéré« , estime Florian. Reste que le pays a eu aussi droit à des menaces de ses ressortissants via des vidéos postées par l’EI depuis le Levant. En juillet, une panique s’est emparée du pays quand la police a arrêté cinq individus, liés à l’EI, qui auraient envisagé d’empoisonner le lac qui approvisionne une partie du pays en eau. Le pouvoir de nuisance des takfiristes et autres radicaux reste certain. T.D., le djihadiste repenti, raconte ainsi qu’il est menacé par d’anciens compagnons d’armes. Ceux qui travaillent de près sur le sujet le sont aussi. D’autant que tous les djihadistes ne sont pas repérés à leur retour du djihad. Ainsi cet ancien de combattant de l’UCK, devenu très croyant, parti se battre en Syrie est passé sous le radar des services secrets. Aujourd’hui, il se cache dans la région de Prizren, la deuxième ville du pays.

Comment contrer efficacement ce radicalisme? Florian Qehaja estime que le gouvernement kosovar devrait faire davantage. « Aujourd’hui, c’est l’option sécuritaire qui est privilégiée. Or, il faudrait aussi agir dans les domaines de l’éducation ou de la culture. Mais pour l’instant, rien n’est fait. »

Antoine Malo, envoyé spécial à Pristina et Kaçanik (Kosovo) – Le Journal du Dimanche – 27 septembre 2015

http://www.lejdd.fr/International/Europe/Quand-Daech-recrute-au-Kosovo-752879

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Le seul pays musulman qui adore l’Amérique commence à avoir un sérieux problème d’extrémisme

Des Kosovars partent pour le Moyen-Orient et y combattent les mêmes troupes qui ont autrefois aidé leur pays à obtenir son indépendance.

La page Facebook de Musli Musliu pourrait ressembler au profil de n’importe quel autre garçon de son âge: le vingtenaire y poste des selfies et des vidéos YouTube, et une application lui permet de jouer au poker avec ses amis. Mais, en réalité, sa page est loin d’être caractéristique d’un jeune homme de la génération Y. Les vidéos que poste Musli sont des appels au djihad qui exhortent ses amis à combattre les ennemis de l’islam. Sur une de ses photos, on voit un homme le visage caché sous une cagoule. Sur une autre, il s’agit d’un combattant avec un fusil mitrailleur en bandoulière et une cartouchière enroulée autour de son cou, comme s’il s’agissait d’une écharpe.

Si on en croit sa famille, ces photos ont été prises selon toute probabilité au Moyen-Orient, où Musli et son frère, Valon, tous les deux nés au Kosovo, sont partis rejoindre les rangs de groupes extrémistes.

En avril, Musli avait appelé chez lui pour dire que Valon venait d’être tué à Falloujah, pendant l’offensive de l’Etat islamique sur la ville. Valon, qui aurait aujourd’hui 22 ans, avait suivi les cours d’une madrassa, un lycée islamique, de la capitale kosovare, Pristina, avant de déménager en Egypte pour étudier à l’Université Al-Azhar (la famille n’a pas donné de détails sur la formation de Musli). Huit mois après son départ pour le Moyen-Orient, Valon était revenu voir ses parents, qui avaient tout fait pour le dissuader d’y retourner.

«On en avait parlé avec lui, et nos oncles aussi», explique Selman, un autre frère qui habite le village de Tushilë, à une cinquantaine de kilomètres de Pristina.

«On lui a dit qu’il y avait des manipulateurs là-bas, et que c’était souvent les plus innocents qui finissaient par souffrir.»

Fin septembre, si la mort de Musli n’avait rien de sûr, sa famille était très fébrile, car cela faisait trois mois que plus personne n’avait de nouvelles de lui.

Valon et Musli font partie des 150 Albanais du Kosovo –la majorité ethnique de ce pays des Balkans comptant quasiment 2 millions d’habitants et où l’islam est la religion dominante– qui,selon les autorités kosovardes, seraient partis en Syrie ou en Irak pour combattre aux côtés des djihadistes. Quarante y auraient trouvé la mort.

Je vous commande de partir sur les terres de Shâm parce que c’est la terre choisie par Allah

Un imam kosovar, en 2012

Il y a quinze ans de cela, le Kosovo était embarqué dans sa propre guerre: menées par les Etats-Unis, les forces de l’Otan menaient une campagne de frappes aériennes qui, en 2008, allaient permettre au Kosovo de déclarer son indépendance vis-à-vis de la Serbie. Et aujourd’hui, de jeunes Kosovars rejoignent le Moyen-Orient et s’opposent aux mêmes forces qui ont contribué à garantir la souveraineté de leur pays.

Le gouvernement de Pristina cherche à assécher le flot de potentiels djihadistes: ces dernières semaines, la police kosovare a arrêté plusieurs dizaines d’individus suspectés d’avoir combattu en Syrie ou en Irak, ou d’avoir fait l’apologie du terrorisme, dont 14 imams. Pour autant, d’aucuns voient dans cette émigration de candidats au djihad une source d’embarras pour un pays qui cherche toujours sa place sur la scène internationale –d’autant plus que ce pays doit largement sa liberté à une intervention occidentale.

Pendant plusieurs années après la fin des bombardement de l’Otan, l’islam extrémiste n’avait rien d’un sujet de préoccupation au Kosovo.«On a passé quinze ans à s’inquiéter des accidents de la route provoqués par des conducteurs sans permis», dit un responsable des services secrets souhaitant rester anonyme, en faisant par là référence à la nécessité de construire ex-nihilo toute une infrastructure publique. Mais tandis que le Kosovo émergeait difficilement de la guerre, de nombreuses organisations islamiques conservatrices et étrangères en ont profité pour construire des écoles et financer l’édification de mosquées dans tout le pays. Et quand la guerre a éclaté en Syrie, ajoute l’agent de renseignement, le radicalisme islamiste était devenu pour le coup un réel problème.

Au départ, l’inquiétude s’est focalisée sur les mosquées et, quelques temps après, sur le risque posé par certains leaders religieux incitant des Kosovars à partir combattre en Syrie. En 2012, par exemple, Enes Goga, un imam kosovar, proclamait un sermon des plus va-t-en guerre sur la Syrie, en citant le Prophète Mahomet. «Je vous commande de partir sur les terres de Shâm parce que c’est la terre choisie par Allah et que sur cette terre vivent tous les plus fervents croyants d’Allah», avait dit Goga, en faisant référence à Mahomet –«Les anges d’Allah ont déployé leurs ailes sur les terres de Shâm».

Nous remboursons ce que nous devons à nos alliés

Un membre des services secrets kosovars

«S’il n’a pas explicitement exhorté quiconque à prendre les armes», explique le journaliste kosovar Artan Haraqija, qui a reçu des menaces de mort pour ses articles traitant de la communauté musulmane au Kosovo, «pour moi, [c’est] un appel clair à rejoindre les combats en Syrie».

C’est à la même époque que certaines figures du terrorisme kosovar ont commencé à émerger: en septembre 2012, un Kosovar du nom de Naman Demolli, qui avait servi dans les rangs de l’Armée de libération du Kosovo pendant la guerre contre la Serbie, mourait en Syrie. Et en mars 2014, selon les informations de l’organe de presse Balkan Insight, un Kosovar né en Allemagne,Blerim Heta, parti combattre en Syrie, où il avait pris le nom de Abou Al Khabab Kosovo, tuait 52 personnes lors d’un attentat suicide à Bagdad.

En juin 2014, c’est une vidéo postée sur Internet qui montrait Lavdrim Muhaxheri, un Albanais kosovar et soldat de l’Etat islamique, proférant un discours fanatique et en arabe devant une foule exaltée, sans doute à Falloujah. Il promettait de conquérir Jérusalem, Rome et l’Andalousie, avant de déchirer son passeport kosovar et de le transpercer avec un sabre. Le mois suivant, Muhaxheri publiait sur Facebook des images effroyables qui le montraient sur le point de décapiter un adolescent syrien. Sur une autre image, on le voyait une tête ensanglantée à la main.

En septembre, le gouvernement américain consignait Muhaxheri, qui a été déclaré mort pendant un temps, sur une liste de «terroristes internationaux spécifiquement désignés», une distinction qui s’accompagne de sanctions financières. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Muhaxheri se frotte aux Américains: au Kosovo, il a été employéà la base militaire américaine de Camp Bondsteel, où 800 Américains sont toujours déployés en service actif. Ensuite, selon des informations locales, il aurait travaillé deux ans en Afghanistan en tant que contractuel.

Beaucoup de chefs religieux musulmans ont fermement condamné ceux qui ont pu partir rejoindre des groupes extrémistes au Moyen-Orient. La Communauté islamique du Kosovo, une organisation religieuse indépendante, a ainsi exhorté les combattants kosovars à «rentrer dans leur famille et dans leur pays aussi vite que possible». L’organisation s’en est aussi pris aux groupes qui recrutent des djihadistes au Kosovo.

Parallèlement, le gouvernement kosovar, qui reste intensément dévoué aux pays occidentaux, cherche à débusquer de possibles soutiens des groupes radicaux. Dans une tribune publiée le 30 septembre dans The Guardian, le Premier ministre, Hashim Thaçi, promettait «d’écraser toutes les cellules pensant, à tort, pouvoir se cacher au Kosovo». En plus des récentes arrestations, le gouvernement a aussi démantelé 14 associations islamiques et diligenté des enquêtes pour savoir si elles sont ou non en lien avec des groupes radicaux.

«Nous remboursons ce que nous devons à nos alliés», explique le responsable des services secrets. Il fait remarquer aussi que l’Agence du renseignement kosovar, l’équivalent local de la CIA, ne répugne pas au fait que les Etats-Unis cible des citoyens kosovars combattant dans les rangs de l’Etat islamique; pas moins de 8 Kosovars auraient été tués par un tir de drone en septembre. «Ils nous ont libérés et, maintenant, c’est à nous de répondre à leur appel», dit l’agent en faisant référence aux récentes initiatives nationales qui visent à endiguer le flot de candidats au djihad.

En moyenne, selon l’Agence du renseignement kosovar, ces derniers mois, ce sont entre 3 et 6 Kosovars qui sont rentrés de Syrie et d’Irak chaque mois. Mais le responsable des services secrets se montre optimiste: les récentes arrestations, couplées avec des mandats d’arrêt ciblant 30 individus censés combattre actuellement en Syrie, devraient freiner la migration d’extrémistes radicaux dans la région.

Si mes frères avaient pu trouver du travail ici, jamais ils n’auraient pensé à partir là-bas.

Mais d’autres craignent que ces arrestations puissent, au contraire, se révéler contre-productives et radicaliser encore davantage de monde.

«Le Kosovo a besoin d’une stratégie en amont», affirme Abit Hoxha, analyste pour le Centre national des études de sécurité. «Arrêter ces gens et les condamner alors qu’ils n’ont encore rien fait [afin d’améliorer la gouvernance] n’aura qu’un effet boomerang.»

Un jeune Kosovar de Kaçanik, la ville natale de Muhaxheri, est du même avis. «Les gens sont consternés par une telle injustice», explique le jeune homme de 24 ans en sortant de la prière du vendredi. «Cela ne fait qu’aggraver la situation. Est-ce que ça ne vous énerverait pas qu’on arrête votre frère? Nous, les musulmans, nous sommes tous frères.»

D’autres Kosovars expriment leur frustration face à un gouvernement qui ne fait rien pour s’attaquer aux racines réelles d’un tel extrémisme: la pauvreté, un système éducatif misérable, la défaillance de l’Etat. «Nos écoles sont incompétentes et laissent les individus vulnérables à la propagande religieuse», ajoute Hoxha.

Selon la Banque mondiale, le taux de chômage atteint les 45% au Kosovo; chez les jeunes, il grimpe à 60%. La moitié de la population a moins de 25 ans. Ce qui ont un travail gagnent en moyenne 370 euros par mois.

Muhamet, l’aîné de la fratrie Musliu, dit que la situation économique désastreuse du Kosovo est en partie responsable de la mort de son frère. «Le Kosovo marche sur la tête», dit-il. «Si mes frères avaient pu trouver du travail ici, jamais ils n’auraient pensé à partir là-bas.»

«Mais l’Etat les a laissés sur le carreau», ajoute-il, «et se fichait bien mal de leur sort».