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 Information asymétrique

On entend beaucoup parler d’Alep et d’un possible exode de sa population. Revoyons les faits et la réalité sur le terrain pour le juger à l’aide des cartes de sources diverses mais également de l’ONU elle-même pour voir que la réalité est très différente de celle généralement rapportée par certains médias.

Il y a une grande part de désinformation par rapport à ce qui se passe là bas.

Sur une ville d’un million d’habitant avant-guerre, les 2/3 de la population actuelle (300 000 habitants) se trouve dans des zones loyalistes depuis 2012 ou quand ils en ont la possibilité, ils sont partis à l’étranger, notamment au Liban comme c’est le cas de nombreuses personnes que je connais personnellement ici même.

Chrétiens, ils ont fui les groupes rebelles et ont tout perdu au passage.

Plus généralement, il y a plus de 7,6 millions de réfugiés internes en Syrie contre un peu plus de 4 millions à l’étranger, la plupart de ces réfugiés sont en zone gouvernementale et ont fui les forces rebelles, selon les chiffres du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Onu.

On ne peut donc pas prétendre qu’il s’agisse là d’une désinformation du régime de Bachar el Assad, vue la source.

Aujourd’hui, 4 millions par ailleurs ont quitté la Syrie et se trouvent soit en Turquie, soit au Liban, soit en Jordanie ou déjà en Europe, étrangement très peu dans les pays arabes. En additionnant ces chiffres, on peut considérer qu’en général, la moitié de la population syrienne est désormais réfugiée.

Entre ces réfugiés, il faudra aussi faire la différence entre ceux qui ont fui pour des raisons politiques avec leurs familles et d’autres pour des raisons économiques et qui ont laissé leurs familles sur place.

On constate très bien d’ailleurs que les zones de conflit sont des zones pauvres …

Une théorie sur le début de la guerre civile syrienne est qu’elle a été causée dès 2009 en raison de la sécheresse qui a frappé ce pays et non pour des raisons purement politique.

Il y a eu ensuite instrumentalisation d’un malaise pour certaines raisons notamment d’ordre religieuse et d’ordre d’influence étrangères et de lutte entre 2 axes sur lesquelles nous n’allons pas revenir ici.

La plupart des réfugiés d’Alep qui ont fui jusqu’à présent les combats proviennent des zones ou les forces rebelles dont une partie sont des étrangers, notamment libyens, saoudiens ou encore tunisiens passés depuis la Turquie dont Liwa al Umma qui a été formée et était dirigée jusqu’en 2012 notamment par Mahdi al Harati.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Mahdi_al-Harati et qui s’est séparée en 2014 de l’ASL pour une coalition salafiste, l’alliance Muhajirin wa-Ansar.

Une partie de la population s’est réfugiée en zone gouvernementale pour les 2/3 et le 1/3 restant est restée sur place pour une partie ou est déjà allé se réfugié en Turquie pour une autre partie. Ceux qui fuient aujourd’hui sont ceux restés en zone rebelle.

La région d’Alep compte 1200000 réfugiés dont 700 000 pour la seule ville d’Alep. Parmi le 1.2 million de la région d’Alep, on peut estimer que les 2/3 sont en zone gouvernementale aujourd’hui, soit 800 000 personnes.

En cas de reprise de ces zones, 800 000 personnes peuvent donc déjà regagner leurs domiciles respectifs, si on généralise cette logique ce qui constitue un gros démenti à ce qu’on entend sur une catastrophe généralisée en ce qui concerne la situation sur place.

Le problème, c’est le solde restant de réfugiés.

Voila la situation réelle d’Alep en novembre 2015, avec en rouge, les forces du régime, en vert les forces de l’opposition et en gris les forces de Daech.

En jaune, les forces kurdes.

Non il n’y a pas un siège d’Alep, la situation est quelque peu beaucoup plus compliquée que le siège de toute une ville comme la vision rapportée par les médias occidentaux qui généralisent le concept de blocus.

Un siège ne concerne pas toute une ville mais des quartiers spécifiques dont la plupart sont généralement déjà vides pour X, Y et Z raisons, l’essentiel de la population l’ayant déjà déserté et ces quartiers sont occupés par des organisations dont certaines étaient précédemment liées à l’ALS mais qui ont depuis quitté les rebelles dit modérés pour des groupes liés à Al Qaida, des groupes salafistes ou proches des frères musulmans donc à forte consonance religieuse pour ne pas dire extrémiste.


On pourra citer Ahrar al-Sham fondé par un proche d’Al Qaida, Liwa al-Tawhid le plus important groupe rebelle avec 8000 hommes à Alep proche des frères musulmans, Liwa al Oumma déjà nommé, la Légion du Sham des frères musulmans encore une fois, etc… Al Nosra évidemment aussi, Harakat Nour al-Din al-Zenki qui sont des frères musulmans proches de l’Arabie Saoudite, le Front de l’authenticité et du développement proche du madkhalisme donc du salafisme.

Cette composition des groupes rebelles dont la plupart sont proches d’Al Qaida ou d’idéologie, en excluant même Daech de l’équation d’Alep puisqu’ils en sont qu’en bordure la ville, qu’on peut considérer comme source de terrorisme va probablement conduire à l’échec de l’accord de cessez le feu entre Russie et USA décidé hier.

Les combats sont donc destinés à se poursuivre, provoquant probablement aussi une hausse des tensions au niveau régional et international.

Il est donc étrange qu’on se préoccupe aujourd’hui d’une ville qui est passée de 1 millions d’habitants à 300 000 habitants depuis 2012.

Mais il ne fallait peut-être pas s’en inquiéter ou s’inquiéter des habitants qui ont fui lorsque les rebelles destinaient cette ville à devenir leur capitale de facto en commettant de nombreuses exactions dont certaines qui m’ont été rapportées par des témoins directs des scènes.

Quand aux réfugiés, il parait désormais évident qu’ils sont instrumentalisés en dépit du drame qu’ils vivent, notamment par la Turquie ou par l’Arabie Saoudite qui visent à provoquer une intervention directe au sol d’une coalition internationale via une pression sur l’UE ou sur les USA.

La Turquie a plus les moyens de les retenir que le Liban, elle ne le fait pas et les utilise pour forcer l’Europe intervenir en Syrie. Déjà l’intervention russe était motivée par la menace directe d’instauration unilatérale par Ankara, d’une non-flying zone dans le nord de la Syrie.

Il y a la une chose détestable de la part de ces pays, une chose qu’on ne dénonce pas assez, le fait de profiter d’un drame humain évident pour obtenir des gains de divers ordres.

Par ailleurs, il y a déjà des rumeurs selon lesquelles 5000 militaires saoudiens seraient rentrés depuis quelques jours via la Jordanie en Syrie et opèrent dans le Sud Syrien alors que l’Armée Loyaliste a envoyé des renforts au Sud pour leur faire face et l’autre coté, une déclaration intéressante lors de la réunion de Munich du Secrétaire Américain John Kerry qui rétorquait à ses homologues saoudiens et turques qu’il était hors de question pour les USA d’entrer en conflit ouvert avec la Russie, avouant indirectement qu’il s’agissait peut-être du désirata de certains pays.

Ces informations interviennent alors qu’une opération militaire Turco Saoudienne est envisagée contre Daech.

L’objectif réel de cette opération n’est pas de combattre Daech mais de sauver l’opposition salafiste proche du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie Saoudite en lui offrant de nouveaux territoires depuis lesquels ils pourront opérer contre le régime syrien. Une guerre de proxy donc est en cours mais avec d’importants risques de dérapages et d’un conflit généralisé.

On doit donc comprendre qu’un conflit généralisé est encore beaucoup plus dangereux pour tout le monde, certains évoquent même le risque d’une Troisième Guerre Mondiale aujourd’hui comme des parlementaires russes ou occidentaux.

Des incendiaires désirent ardemment ce conflit sans se douter des risques et manipulent l’opinion publique dans ce sens et n’en soyons pas involontairement coupable.

François El Bacha  | 15 février 2016

Source: Libnanews   /     http://arretsurinfo.ch/