Sergei Munier : entretien exclusif avec un volontaire français sur le front du Donbass
Sergeï Munier est né à Lougansk en 1992 et parti vivre en France à l’âge de 10 ans. « Quand j’avais 10 ans ma mère s’est remariée avec un Français et je suis venu vivre avec elle en France. Je voulais être militaire français. J’ai fait mes études. J’ai été aussi réserviste dans l’armée française au 1er régiment de spahis. J’ai changé d’avis. Au lieu de faire Saint-Cyr, j’ai intégré une école de commerce. C’est chez moi que cela se passe ».
Dans l’entretien Sergeï explique que les Ukrainiens à l’ouest se sont vraiment trompés, surtout quand est arrivée la Gay Pride à Kiev après le Maïdan. Sergeï nous parle de l’idée de fédéralisation pour l’Ukraine, c’est à dire d’une Ukraine réunie mais qui tient compte de toutes les cultures ukrainiennes.
Enfin, Sergeï parle des combats et des énormes pertes en hommes. « Je lance un appel aux Ukrainiens de l’Ouest pour arrêter d’être les outils des puissances occidentales, des Etats Unis et d’Israël », dit Sergeï en demandant aux soldats ukrainiens d’arrêter de participer à la destruction de l’Ukraine et d’arrêter d’être sous les ordres des Etats-Unis et des lobbies qui les manipulent en les jetant les armes à la main contre les Ukrainiens dans l’est du pays. « J’ai aussi un message à adresser aux Français qui s’intéressent à la situation au Donbass concernant les messages de propagande des deux côtés. »
NT : Quand êtes-vous parti dans le Donbass ?
Sergeï Munier : Je suis parti en juin 2014 après avoir terminé mes concours d’entrée à l’école de commerce puis je suis revenu à la mi-août 2014 en France pour commencer mes études et repartir en avril 2015 au Donbass. En juin 2014, le groupe le plus militarisé était le bataillon « Vostok », qui tenait alors les positions de l’aéroport. Mais sinon, il n’y avait pas vraiment de combattants mais des manifestants regroupés en groupes d’auto-défense, en train de se militariser. J’étais dans le bâtiment du SBU de Donetsk qui avait aussi été pris par les manifestants peu avant mon arrivée. Comme j’étais réserviste, avec mes connaissances militaires dans l’armée française, cela les a intéressés. On m’a proposé de former les gars avec 5 « kalachs » démilitarisées pour 200 mecs. J’ai enseigné les bases des techniques militaires. En juillet 2014, on a commencé à avoir les combats.
NT : Quand a eu lieu le basculement, quand c’est devenu une armée ?
Sergeï Munier : C’est toujours une milice. Les combats se passent toujours dans un foutoir total, sans organisation. Les jeunes apprennent le maniement des armes et apprennent les bases du combat en quelques jours et partent sur le front. Mais sur le terrain, c’est les tranchées. Tout le monde s’appelle « la viande » car la vie n’a aucune valeur. Entre chefs, nous disons que nous amenons la viande à la boucherie. Il y a des pertes énormes de tous les côtés.
Notre petite unité faisait partie de l’Armée Orthodoxe Russe. Les leaders populaires qui étaient suivis par les foules sont devenus chefs. Nous avons crée un semblant de structure militaire avec des compagnies et des chefs de sections. Mon travail consistait également à expliquer comment commander, militairement parlant. Parfois, je devais remplacer les chefs de section moi-même afin d’établir un peu d’ordre dans les rangs. Les chefs ont négocié avec les troupes de l’intérieur (MVD), qui nous ont cédé leur caserne avec leur armurerie. Là, on a eu des « kalachs ». C’est tout ce qu’on avait. Cette caserne se trouvait à la sortie de la ville de Donetsk, sur un axe routier principal et à côté du village de Peski.
NT : Parlez-nous de la grande offensive !
Sergeï Munier : Notre position était à Karlovka à environ 30 kilomètres de Donetsk. On a tenu quelques semaines, puis on a abandonné. On a cédé aussi Pervomaiskoie puis Peski. La ligne du front passait alors par la limite nord-ouest de la ville de Donetsk. Notre check-point c’était entre Peski et Donetsk. La base du MVD est juste à côté. A partir de juillet nous étions sur cette base et sur ce check-point. Notre mission c’était de tenir le check-point. A partir de la mi-juillet 2014 les Ukrainiens ont lancé une grosse offensive. Au début on s’est pris les roquettes Grad qui sont tombées sur la base, sur les quartiers à l’ouest de la ville. C’étaient vraiment des pilonnages pendant à peu près une semaine. Je devais continuer à former les gens. Les entraînements étaient souvent interrompus par les alertes de combat où les obus de mortier. Nous dormions très peu, s’attendant à l’attaque ennemie. Après les Ukrainiens ont envoyé les chars. Pour nous c’était l’horreur, car nous n’avions rien pour détruire les chars. Nous avions des explosifs récupérés lors du pillage d’entrepôts dans une usine désaffectée avec lesquels nous faisions des pièges sur la route ou dans les champs. Puis quelqu’un a ramené à bord de sa Lada des lance-roquettes non destinées à la lutte anti-char. C’est comme ça que nous combattions les chars et que nous avons arrêté les chars ukrainiens. Tout cela s’est passé dans la confusion totale. Nous nous sommes tirés dessus entre nous. La ligne du front a été brisée. Un des chars kiéviens avait même réussi à contourner notre base et est arrivé dans notre flanc. Je me suis retrouvé face à lui à 40 mètres. C’était ma première rencontre avec l’ennemi. Il a été détruit, mais, en quelques secondes de contact, 3 des nôtres ont fini avec des membres ou le cou déchiqueté par des éclats. Il a y a eu de grosses pertes de notre côté et notamment au bataillon « Vostok » qui envoyait des hommes à la mort certaine.
NT : Vous étiez dans quelle unité et comment étaient les combats ?
Sergeï Munier : J’étais dans l’unité de l’armée orthodoxe russe. Et une section du bataillon « Vostok » se trouvait avec nous. Nous tentions de reprendre notre check-point. Nous y sommes parvenus une fois. Puis nous avons fini encerclé par l’ennemi pendant toute une nuit. Puis nous nous sommes repliés vers l’entrée Est de notre base. C’est le périmètre de la base, piégé par nous-mêmes, qui nous séparait de l’ennemi qui était lui du côté ouest. Les combats ont duré sur une semaine et le bataillon « Vostok » a vraiment sacrifié des gens. Il y a des moments où ils envoyaient 70 gars pour tenter de reprendre le village. Ces gens là, ils, en grande partie par les bombardements incessants, se faisaient massacrer presque jusqu’au dernier. Le quartier résidentiel autour a fini en champ de ruines. Ce quartier résidentiel ayant été abandonné des civils, nous avions pour seuls compagnons les meutes de chiens devenus sauvages. C’étaient les combats de fin juillet 2014. Après nous sommes passés chez les Cosaques du Don et nous sommes allés du côté de Novy Svet, Mospino, Grabskoe, des petites villages, un peu plus au sud de Donetsk, à côté de Ilovaïsk. Nous étions déjà en train de repousser la Garde Nationale Ukrainienne. Je n’ai fait que le début du chaudron d’Ilovaïsk car je suis rentré en août 2014 en France car les cours à mon école de commerce commençaient. En avril 2015, je suis donc retourné au Donbass. Il ne se passait pas grand chose mis à part le 3 juin 2015 à Mariinka où je n’ai pas pris part et le 19 juillet où j’ai été blessé.
NT : Quels étaient vos combats les plus terribles ?
Sergeï Munier : Je ne compte pas les positions où nous nous tirions dessus et où nous nous bombardions car c’est assez commun. En juillet 2014 et en août 2014 j’ai eu mes vrais combats avec de gros mouvements de troupes à Peski et à Ilovaïsk et en juillet 2015 à Mariinka. Mariinka, c’est le dernier véritable combat que j’avais fait. A Mariinka les Ukrainiens tentaient une percée. J’étais dans l’unité internationale « Piatnashka » qui regroupe des Russes et des Caucasiens. Dans cette unité, il se trouvait aussi une section d’étrangers. J’ai été mis dans cette section où se trouvaient des Français, un Américain, des Slovènes, des Brésiliens et des Serbes. Avec Maël, un Français, et les autres nous avons participé aux combats. Nous avions l’ordre de ne pas bouger mais nous avons décidé d’aller chercher les blessés. Maël est parti à l’hôpital avec un blessé très grave, éventré par deux balles, avec les tripes à l’air. C’est notamment grâce aux connaissances et aux soins de Maël qu’il a pu survivre. Nous sommes restés avec un Américain et un Slovène et avec des gars de « Piatnashka » et nous sommes restés environ 5 heures dans la tranchée face aux Ukrainiens qui ont pu se rapprocher à 150 mètres. Nous avons tenu la tranchée pendant 5 heures et à la fin de la journée il n’y avait plus grand monde debout. On a eu 4 morts et 20 blessés dont moi, 12 éclats. J’ai du métal qui migre de l’intérieur du corps jusqu’à la peau. C’est dans les deux jambes, dans la poitrine, dans le pied droit et dans le bras gauche. Nous avons détruit 2 BMP (véhicule blindé de transport de troupes). Les Ukrainiens ne disent rien. Ils cachent le nombre de blessés et de morts. Mais nous étions très proche, la violence des combats y oblige.
NT : C’est votre pays. Vous tirez sur des gens de votre pays. Sont-ils vraiment des ennemis ou des victimes ?
Sergeï Munier : Cela dépend. En combattant le régime de Kiev, je combats les traîtres de l’Ukraine libre qui ont choisi le meurtre de leur propre peuple et puis je défends l’idée de l’Ukraine aux Ukrainiens.
Je suis pour les idées unificatrices du Maïdan qui sont celles de la lutte contre la corruption, le départ des oligarques mafieux et la reprise du pouvoir par le peuple qui ne l’a jamais eu depuis la chute de l’Union soviétique. En fait, le Maïdan a réussi non pas à Kiev, mais à Donetsk.
Ils voulaient virer Viktor Ianoukovich. C’était quelqu’un qui n’était pas aimé car il représentait des groupes criminels de l’est de l’Ukraine qui ont accédé à la politique. Il a changé le système pour mettre des bâtons dans les roues du citoyen lambda qui cherche à créer son propre business.
Je suis aussi pour le principe de l’Ukraine indépendante mais le Maïdan a été fait par des Ukrainiens qui viennent de l’ouest de l’Ukraine. Ils sont en grande partie des bandéristes, qui sont, donc, d’une certaine idéologie. Et cette idéologique ne représente pas les Ukrainiens et ne sert que d’outil pour nous manipuler et pour nous dresser les uns contre les autres.
Avec les bandéristes, il y a 2 problèmes. Ils ne sont que des gens qui ne voient que l’intérêt de leur région et se considèrent comme les vrais Ukrainiens. Il se définissent même racialement en tant qu’Européens aryens et s’opposent aux sous-hommes russes métissés avec les mongols. Et ils considèrent que Kiev est à eux et qu’ils doivent reprendre tout le pays. En fait, l’Ukraine, c’est toute l’Ukraine ! On ne peut pas imposer l’identité de l’Ouest de l’Ukraine à toute l’Ukraine. En Ukraine il y a les Ukrainiens de l’Ouest, des Roumains, des Hongrois, des Ukrainiens russophones et des Turcs. Il n’existe pas de peuple ukrainien à proprement dit. Mais, il faut admettre qu’il y a un territoire sauvage ayant connu des mouvements de troupes, des batailles et a connu des migrations de différents peuples. Il y a donc quelque chose qui unit ces peuples. Et à mon avis, nous pouvions conserver ce lien au sein d’une Ukraine unie, qui tient compte de toutes les identités qui la composent. Et les bandéristes, issus de la Galicie sont, en fait, ceux qui revendiquent le plus l’Ukraine, mais ce sont ceux qui ont le moins participé à l’histoire ukrainienne. Ils revendiquent des faits comme la famine des années 30 et se disent victime des terribles bolchéviques. Mais, si ils connaissaient l’Histoire, ils sauraient que la Galicie ne faisait même pas partie de l’Union Soviétique avant le début de la WWII. Ce qui est ironique, c’est que la toute première Ukraine proclamée avec l’officialisation de la langue ukrainienne, c’était sous Lénine et sans la Galicie…
Le deuxième problème, c’est que l’identité bandériste s’est constituée par opportunisme et trahison et les rares fois de l’histoire qu’ils ont accédé au pouvoir, c’était pour tuer d’autres ukrainiens. C’était le cas pendant la Deuxième Guerre mondiale lorsque les Allemands ont sorti de prison Stépan Bandera pour lui demander de tuer des Russes. Les Allemands ont été choqués par la haine et la violence que les bandéristes étaient capables d’infliger à d’autres slaves blancs.
En 2014, c’est la même chose, sauf que ce ne sont pas les Allemands nazis qui se servent des bandéristes, mais l’oligarchie sioniste internationale. Le Maïdan n’est en rien ukrainien car ce sont des gens comme Soros et BHL qui l’ont financé et qui l’ont, ensuite, supporté. Les bandéristes sont dans des organisations comme Svoboda, Secteur Droit ou UNA-UNSO. Tous ouvertement racistes, antisémites et hitlériens, mais leurs leaders appartiennent à la mafia juive ukrainienne de Dniepropetrovsk et de Odessa. Parmi eux, Kolomoïsky, oligarque et fondateur du parlement juif européen, Dmitri Iaroch ou encore Borislav Bereza, qui se revendiquent du sionisme international. Ces individus ne représentent pas la vraie communauté religieuse juive, mais plutôt des groupes criminels qui ont mis la main sur des business affiliés au président déchu, en utilisant les bandéristes comme hommes de main, en leur répétant que l’origine de tous leurs problèmes c’est la Russie.
Seulement, ces bandéristes ont été suivis par d’autres ukrainiens nationalistes ou non, qui rêvaient d’une Ukraine populaire. Mais le symbole de leur échec est bien le Président Porochenko, oligarque mafieux de Dniepropetrovsk et ex-ministre de Ianoukovytch. Le Maïdan n’a fait que renforcer l’image que les occidentaux avaient de l’Ukraine des années 90, celle de prostituée ouverte au monde entier.
Ce qui arrive à mon pays est une tragédie pour moi. Mais ce sont les traîtres de mon peuple, je n’ai donc aucune compassion pour eux. Les combattre n’est pas une option. J’ai une petite part de savoir-faire militaire et assez de cran pour aller là où c’est dangereux. C’est un devoir.
NT : L’Ukraine est, donc, dirigée que par les étrangers ?
Sergeï Munier : Après le Maïdan on a Porochenko, un ancien ministre de Viktor Ianoukovytch. C’est, donc, exactement, le même genre d’oligarque. En plus on a maintenant dans le gouvernement des Géorgiens, des Américains. Au final le gouvernement n’a plus rien d’Ukrainien. Nous avons tout perdu et nous avons fait exactement l’inverse.
NT : Donnez-nous des exemples de leurs graves erreurs! Et de cette fédéralisation !
Sergeï Munier : Ce qu’il prouve qu’ils se sont vraiment trompés, c’est la Gay Pride à Kiev après le Maïdan. Cela va contre les nationalistes ukrainiens qui, eux, sont anti-juifs, anti-homos. Ils finissent par avoir des oligarques de culture juive qui sont à leur commande et leur culture qui est pervertie par les Gay Pride. Le nationaliste ukrainien de base, il ne veut pas de ça. Tout le monde s’est trompé au final. Alors que les gens dans l’est de l’Ukraine, ils défendent leur culture. Le principe c’est d’avoir l’Ukraine aux Ukrainiens mais cela veut dire avoir toute l’Ukraine avec les Ukrainiens. Nous voulions au départ la fédéralisation. C’est à dire une Ukraine réunie mais qui tient compte de toutes les cultures. Le peuple a pris le pouvoir dans des villes comme Donetsk, Lougansk, Kharkov, Odessa. En fait, la vraie Ukraine continue mais dans l’Est.
Je souhaite que l’Ukraine soit réunie de nouveau mais qu’elle soit vraie et pas une Ukraine artificielle qui a été faite avec le Maïdan.
NT : Quel message voulez-vous passer à ces hommes sous les ordres de Porochenko ?
Sergeï Munier : L’Ukraine doit exister. Nous ne sommes pas séparatistes. Notre revendication de départ était un gouvernement légitime, et non pas celui du Maïdan avec des leaders qui ne nous représentent pas et la fédéralisation de l’Ukraine pour permettre à toutes les identités d’exister sans qu’il y est une répression de tout ce qui est russe et l’obligation d’apprendre l’ukrainien, langue qui représente pour beaucoup d’Ukrainiens un dialecte qu’ils n’ont pas spécialement envie d’apprendre.
Nous sommes tous des patriotes ukrainiens. Notre pays peut s’appeler Ukraine ou Novorossia mais le principe doit être toujours là. Le principe est qu’il y ait une terre et que le peuple doive posséder cette terre. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans les territoires sous contrôle de Kiev.
NT : Depuis 2 ans de guerre, les choses évoluent, non ? Les Novorusses reviennent ?
Sergeï Munier : La guerre, elle dure plus de 2 ans. Forcément l’identité ça évolue. Donc aujourd’hui quand je parle des Ukrainiens, je parle plutôt de Kiev. Cela est devenu instinctif pour nous. Et quand je parle de nous, je parle du Donbass, de Novorossia ou des Russes. Le régime du Maïdan s’approprie tout ce qui est ukrainien alors que nous nous rattachons à nos valeurs historiques. Nous redevenons en quelque sorte des Russes. Et les Novorusses sont ceux qui, ayant subi la répression, renaissent des cendres du passé pour défendre l’identité culturelle russe. Il n’y a pas qu’en Ukraine, qu’on tue des russes, on l’a fait en Tchétchénie, Azerbaïdjan, Géorgie, Transnistrie. Mais en Ukraine, la part des Russes culturellement est immense d’où la riposte qui a mis KO la garde nationale ukrainienne, crée par l’oligarque Kolomoïsky. La séparation est une conséquence de la guerre et du gel du conflit. Dans ce cadre deux choix sont possibles : un Donbass avec la Russie ou alors une Ukraine réunie, mais vraiment ukrainienne.
NT : Comment se passe le quotidien ?
Sergeï Munier : Depuis fin septembre 2015, je suis à Moscou. Mais je peux parler du quotidien de l’été 2014 et de l’été 2015. Le quotidien ce sont les privations. En été 2014 tous les magasins étaient fermés. En juillet 2014 les convois humanitaires de la Russie n’existaient pas. La seule aide humanitaire que nous recevions c’était de l’aide humanitaire privée venant de Russie ou d’Ukraine. Nous trouvions, avec des boîtes, des lettres des familles qui avaient envoyé la nourriture. Je n’ai jamais vu de l’aide humanitaire d’organisations connues. Je n’ai vu que de l’aide privée. La plupart du temps ce sont des gens qui ont des proches au Donbass. De manière générale en été 2014 nous n’avions presque rien à manger, même à Peski. Alors qu’à Peski nous sommes à l’entrée de Donetsk. Nous sommes sur la ligne de front et tous les habitants sont partis et tous les magasins sont fermés. Il y a des jours où nous ne mangions pas. Tout simplement. Quand il y a eu le retrait de Slaviansk en début juillet 2014, nous comptions 4000 combattants en plus dans la ville. Et il n’y avait plus rien à manger car il fallait partager avec les autres combattants qui sont arrivés, des gars qui n’avaient pas mangé depuis des jours. Il n’y avait après plus rien à manger pour personne. Nous avons tué des animaux, vaches ou cochons, qui s’étaient échappés des fermes bombardées par les Ukrainiens.
NT : A partir de quand vous avez bien compris que la démocratie ne se trouve pas à Kiev ?
Sergeï Munier : Au début de la guerre la propagande disait que tout ce qui est sous le contrôle du Maïdan c’est démocratique et libre, que tout ce qui est sous le contrôle de Novorossia est dirigé par les méchants séparatistes et terroristes et qu’il n’y a aucune liberté et que c’est dangereux.
NT : Qu’avez-vous vu en passant sur le territoire ukrainien en allant dans le Donbass ?
Sergeï Munier : Quand je suis arrivé en 2014, j’ai pris un taxi en venant de l’ouest de l’Ukraine. J’ai vu que les civils ukrainiens fuyaient l’armée ukrainienne, que les bus remplis de civils ne passaient pas par les check-points ukrainiens (garde nationale ukrainienne) sur les routes mais dans la forêt. Entre Slaviansk et Donetsk, il n’y a en temps normal que 2 heures de route en voiture. J’ai mis 24 heures pour le même trajet. J’ai dû traverser des champs, changer de voiture. Pourquoi est-ce que les civils sont en train de fuir l’Ukraine libre pour aller chez les méchants séparatistes ? Était la question que je me posais.
NT : Le passage était facile ?
Sergeï Munier : Sur un check-point ukrainien j’ai failli me faire arrêter car ils ont vu que j’avais un visa russe d’ailleurs non utilisé mais réalisé en 2011 pour Moscou. Ils ont cru que j’étais un mercenaire russe et ils m’ont arrêté pour ça. Puis un officier m’a laissé partir. Ils étaient bien équipés avec des véhicules, des chars. Du côté de Donetsk ce n’étaient que des civils avec de vieux fusils de chasse.
NT : Vous avez été pris pour un ennemi ? Pourquoi ?
Sergeï Munier : En juillet 2014 j’ai combattu en civil. J’avais un pantalon noir et un tee-shirt vert avec un gilet pare-balles de type Police noir. Des gens, qui pensaient que j’étais de la garde nationale. L’unité, que nous combattions à Peski, était le Bataillon Donbass dont des membres s’habillaient en noir. Les nôtres m’ont tiré dessus en me confondant avec l’ennemi.
NT : Comment était le ravitaillement ?
Sergeï Munier : Nous avions l’absence de matériels, de bouffes ce qui nous obligeait à piller tout ce que nous pouvions, des stations services désertées, des villages désertées, des fermes désertées. Des gens, aussi, qui fuyaient les zones de combats nous laissaient leur récolte quand ils arrivaient sur un check-point ou quand les gens venaient nous voir à notre base en frappant à notre porte. Là, je vous raconte un moment comique ! Nous avons demandé à une fermière de traire une vache sur notre check-point, à 400 mètres des lignes ennemies, en plein milieu de la route, parce que la vache ne voulait pas bouger. En 2 mois j’avais perdu 12 kilos !
NT : C’était quoi le plus dur ?
Sergeï Munier : Le plus difficile moralement est que tu sais que tu peux mourir tout simplement. Avec ta tenue de civil, ta kalachnikov tu te dis que tu ne peux pas grand-chose face à toute la machine de guerre et que ta vie ne représente pas grand-chose. A l’approche des combats, quand les explosions de roquettes Grad se faisaient entendre, certains rentraient chez eux, en avouant qu’ils ont trop peur d’aller au combat. Sous le feu, nous passions beaucoup de moments de solitude dans notre tête en étant seul face à la mort. Parfois, on se sent complètement impuissant, notamment quand les obus et roquettes et divers calibres commencent à pleuvoir. Dans ce cas, on essaie de trouver un trou. Quand on en a pas, on s’allonge par terre, on se cache le visage avec nos bras et on attend une éternité en sentant le souffle des explosions sur notre corps, les vibrations de la terre, les éclats volaient juste au-dessus de sa tête et l’odeur de poudre brûlée. Comme on dit « on n’ira pas en enfer, on y a déjà été. » A la fin de chaque salve il faut se compter pour voir qui est toujours en vie et conscient. Les explosions secouent tellement, que certains sont blastés. Ils deviennent des légumes, incapables de parler ou de bouger.
NT : Vous pensez quoi de ceux qui sont partis du front ?
Sergeï Munier : Ceux qui sont partis, c’est une chose humaine. Il n’y a aucune honte à avouer que tu as peur. En fait, tu as peur tout le temps. Je préfère une personne qui le dit avant d’aller au combat. Un problème humain déterminant, c’est celui des gens qui ont trop d’égo pour avouer qu’ils ont la trouille et qui préfèrent se faire une image de guerrier invincible et passent leur temps à se la raconter au lieu de s’entraîner et se préparer psychologiquement au pire. D’un autre côté, même les vétérans de l’Afghanistan, préfèrent être formés à partir de zéro. Et les jeunes n’ayant rien de militaire sont en général très motivés, ont soif de connaissance et posent les questions qu’il faut, comme par exemple « est-ce qu’on aura peur ? ». Oui, mais ce qui compte c’est s’habituer à vivre avec.
NT : Quel comportement adopter dans la guerre ?
Sergeï Munier : Il faut se détacher de tout. Il faut se dire que je suis là mais je ne sais pas pour combien de temps mais il ne faut pas penser à sa vie d’avant, au retour à la maison. Il faut se dire que je me suis déjà sacrifié. Là, tu vois les choses différemment. En juillet 2014, c’était le moment le plus dur de la guerre. Nous pensions que les Ukrainiens allaient rentrer dans la ville. J’avais toujours mon sac à dos avec des affaires civils pour fuir au cas où. Puis j’ai laissé le sac et j’ai été jusqu’au bout des choses. On est en fait plus tranquille. On sait qu’on peut mourir mais ce n’est pas une raison pour paniquer.
NT : Donc on ne peut pas se moquer d’une personne qui ne veut pas aller au front ?
Sergeï Munier : Encore une fois, je n’ai rien contre les gens qui ont peur et qui rentrent chez eux. Ils ont fait leur choix, contrairement à toute la masse qui elle, ne fait aucun choix. C’est ce qu’il y a de pire. Ceux qui font les mythos pour cacher leur peur, c’est aussi refuser de faire un choix. Mais c’est beaucoup plus malsain, puisqu’ils cherchent à tromper les autres. En fait, au moment du combat, ce sont ceux qui se la racontent le plus qui sont pris de panique ou qui sont paralysés par la peur, ce qui met en danger tout le monde. Je me souviens très bien de gens qui s’affichent dès le début comme des professionnels, des anciens militaires d’unités spéciales avec une grosse expérience passée. Et les Français sont les maîtres dans le genre… De gros discours, mais très peu, voire aucune action. Contrairement aux Finlandais ou aux Américains, par exemple, qui ne font jamais de référence au passé, et deviennent de simples soldats de la Novorossia. Malheureusement, nous ne pouvons pas vérifier le passé des volontaires, mais ce genre de discours est typique des « mythos ». Et au moment des combats, ce sont eux qui perdent tous les moyens et quand on croise leur regard, on voit quelque chose ressemblant à un animal apeuré sur le point de se faire manger.
NT : Pourquoi ils se la racontent tant ?
Sergeï Munier : C’est parce qu’ils doivent compenser la vraie peur qui se cache en eux. Ces gens ont beaucoup de faiblesse et elle ressort au moment du combat où ces gens perdent leurs moyens et paniquent. Ce qui est dommage, c’est que ce genre de personnes passent beaucoup de temps à communiquer et à s’afficher, beaucoup plus que les vrais combattants. Et aux yeux des gens qui cherchent à s’informer du conflit, ils semblent représenter les combattants, alors qu’ils ne les représentent pas du tout sur le terrain. Il y a ceux qui parlent et ceux qui font le travail. Nous passons des semaines entières au fond de tranchées boueuses, et de temps en temps quelques « héros » médiatiques se pointent histoire d’être filmé quelques minutes comme s’ils étaient vraiment au front, un petit discours mytho, et ils retournent de nouveau dans leurs appartements du centre de Donetsk et rangent les beaux équipements tout neufs dans le placard.
NT : Les accords de Minsk ne sont pas du respectés ?
Sergeï Munier : Bien sûr que non. La preuve est le 19 juillet 2015 avec le combat à Mariinka. Il y a eu une tentative de percée ukrainienne à travers notre position très faiblement défendue En même temps, ils ont bombardé un grand-marché de la ville et tué des civils. Les Ukrainiens bombardent des cibles civils pour désorganiser nos structures qui sont déjà très bordéliques. Avec du mortier ils visent l’arrière des tranchés, la position 0, pour empêcher l’approvisionnement en munitions et la récupération des blessés. Avec les roquettes Grad, du D30, l’artillerie longue portée, ils bombardent la ville, les hôpitaux, pour occuper les gens là-bas et pour les empêcher de venir nous aider. C’est seulement à la fin de la journée que les secours arrivent. Nous sommes obligés de passer 7 heures au combat.
NT : Vous êtes né en 1992, 3 ans après la chute du mur de Berlin, un symbole important … Que ressentez-vous par le fait d’être confronté à la guerre en Europe ?
Sergeï Munier : Je suis venu en France à l’âge de 10 ans. J’ai été élevé par mon beau-père français que j’appelais « père » car c’était le vrai père que j’ai vraiment connu. On avait ce rêve de cette vie occidentale qui est plus belle. J’ai toujours aimé la France. Je me suis senti Français. J’ai toujours voulu suivre mon pays, un pays que j’aime. Le problème est qu’avant le Maïdan, je commençais à avoir de sérieux doutes sur ce qu’est la France. Les frontières se sont ouvertes sur la société de consommation. Même dans l’armée française je ne vois pas les idées patriotiques. J’ai eu du mal à définir ce qu’est être français. Quand j’étais jeune, je me sentais plutôt Français. Là, j’avais du mal a me sentir Français. Les pays occidentaux ont fomenté une guerre dans le pays d’où je viens. Je sais que le peuple français n’est pas responsable de ça. Les élites ont provoqué une guerre à ses frontières. En Europe nous faisons la guerre entre Européens mais pour des intérêts extra-Européens. La France a montré qu’elle n’a pas la moindre souveraineté rien qu’avec les navires Mistral.
Ce qui a changé par rapport à la guerre froide… Je ne vois plus le monde comme une opposition entre 2 blocs. Je vois la Russie comme un allié et un partenaire avec le bloc occidental. Je suis pour l’ouverture des frontières mais pas comme ça. Même si la Russie n’est pas en guerre froide les Etats-Unis continuent dans cette politique. Cela se voit ! Les Etats-Unis ont élargi l’OTAN même après la chute du mur de Berlin. Nous, les jeunes de l’après mur de Berlin nous souhaitons être alliés de l’occident et des Etats-Unis mais en raison de la situation actuelle nous ne pouvons pas le faire à cause de la politique internationale de l’Ouest. Mais je remercie en fait le camp occidental d’essayer de détruire la Russie. C’est cette agression injuste qui nous fait ouvrir les yeux. Au lieu de regarder Touches pas à mon poste, Tellement vrai ou autres débilités à la télévision, nous sommes poussés à se tourner vers notre passé, nous cherchons à obtenir des réponses, comprendre ce que nous sommes, nous nous rattachons à nos vrais valeurs et perpétuons notre peuple. Au lieu d’être un simple consommateur abruti soumis au pouvoir des banquiers, nous cherchons plutôt les moyens à leur mettre une branlée partout où cela est possible.
NT : Vous allez retourner au combat ?
Sergeï Munier : Oui, s’il y a une nouvelle grosse offensive ukrainienne, je vais retourner au combat. C’est cela être volontaire. Nous mettons notre vie en pause quand notre pays est en danger. On détruit l’ennemi et on revient à nos occupations civiles. Et nous faisons ca par devoir, sans demander de contrepartie. Dans les faits la guerre n’est pas terminée mais arrêtée. C’est à dire qu’il n’y a pas de mouvements de troupes à travers la ligne du front.
NT : On a une guerre de tranchée actuellement ?
Sergeï Munier : Non, non, on n’a même pas une guerre de tranchée actuellement. Les Ukrainiens tirent sur les positions. Bombardent la ville. Parfois, nous ripostons. Il peut y avoir des échanges de tirs de différents calibres. Mais parler de véritable combat serait exagérer.
NT : Comment a évolué le terrain de la guerre ?
Sergeï Munier : Il y a eu 2 générations de combattants. Nous avons ceux d’avant Ilovaïsk et ceux d’après. Nous avons en fait 3 périodes. On a la période du début mai 2014 jusqu’à septembre 2014 qui était, selon moi, la vraie guerre. C’est là que les choses se sont jouées. Car c’est à ce moment que les Ukrainiens ont commencé leur opération anti-terroriste et ils voulaient s’emparer de l’Est de l’Ukraine. C’est en août à la bataille de Ilovaïsk, là tous les bataillons ukrainiens ont été écrasés avec sauf le bataillon Azov qui a pu s’échapper. Nous combattions surtout contre la garde nationale et non pas contre l’armée ukrainienne. L’armée ukrainienne était plutôt de notre côté. Même des militaires ukrainiens ou des policiers du MVD passaient chez nous. Quand j’étais instructeur à Donetsk au SBU le commandant c’était un ancien para ukrainien. Il avait même le trident ukrainien tatoué dans le dos. Mais c’était le commandant de la ville de Donetsk. Voilà, de notre côté, il y avait pas mal de gens qui venaient. Notre ennemi s’était la garde nationale, les bataillons nationalistes créés par Kolomoïsky pour effectuer des opérations de maintien de l’ordre. C’est comme le cas du bataillon Azov qui est rentré dans la ville de Marioupol. Azov a fait de la propagande comme s’il avait libéré la ville des terroristes mais en fait dans Marioupol il n’y avait que des civils. Azov a arrêté des gens et effectué des tortures. Que cela soit Azov, Donbass, Aïdar, Dniepr 1 et Dniepr 2, Tornado, Kiev se sont des bataillons créés pour arrêter des manifestants. Le problème est qu’ils se sont retrouvés face à des manifestants qui ne se sont pas laissé faire et se sont vite transformé en rebelles armés. Et ils se sont retrouvés à faire la guerre. Ceux qui étaient dans ces bataillons étaient surtout des militants nationalistes qui n’avaient pas d’expériences militaires. Ils ont du matériel mais ils n’ont rien de militaire, ni la stratégie, ni même la mentalité. Donc en août 2014 à Ilovaïsk ils étaient presque totalement détruits. Le bataillon Donbass a été totalement détruit là-bas, c’est mon unité de Cosaques qui avait récupéré les prisonniers, dont la plupart était du bataillon Donbass. La bataille de Ilovaïsk a été le tournant de la guerre car Kiev a su qu’il était impossible de récupérer les territoires de l’Est et que cette opération anti-terroriste était un échec. Du Minsk 1 en septembre 2014 jusqu’à Debaltsevo c’était un peu une période de cessez-le-feu mais il restait la question de Debaltsevo et de l’aéroport car ce sont des bouts de territoires stratégiquement importants. Au final on a fini par prendre l’aéroport et Debaltsevo. C’étaient 2 batailles durant le cessez-le-feu ce qui était assez curieux. Mais après Debaltsevo, cela s’est vraiment arrêté. Après nous avons eu des escarmouches comme à Mariinka. Mariinka, Spartak, Peski, ou Chirokino. Ce sont les endroits où il y a des accrochages de temps en temps. Et puis Spartak et Gorlovka, subissent des bombardements réguliers de Kiev, même aujourd’hui.
NT : … alors les 3 périodes ? Et qui sont ces volontaires ?
Sergeï Munier : La première période, la plus déterminante c’est entre avril 2014, le début des assauts de Kiev cotre Slaviansk, et septembre 2014, Minsk 1. Le passage à l’affrontement armé, avec artillerie et aviation a vraiment surpris tout le monde, y compris les manifestants à Slaviansk. Igor Strelkov le disait lui-même, beaucoup pensait qu’il allait avoir un référendum et que la Russie allait intervenir. Mais il a fallu compter cette fois que sur soi-même pour défendre son identité. Et c’est alors que des volontaires ont cherché à rejoindre la rébellion par tous les moyens, sachant parfaitement qu’ils allaient affronter la machine de guerre avec très peu de moyens. Et d’ailleurs, nous avions de sérieux doutes sur notre capacité à résister. On imaginait déjà les chars kiéviens au centre de Donetsk. Et pourtant, nous sommes restés là-bas et d’autres nous ont rejoint.
La deuxième période, c’est entre Minsk 1 et Minsk 2. Notre victoire à Ilovaïsk a incité plus de gens à nous rejoindre. Si au cours de l’été, nous étions incompris même d’une partie de la population du Donbass, ce n’était plus le cas en septembre. Les gens étaient fiers fr venir participer à la création d’un vrai Etat populaire et libérer le reste de l’Ukraine. Mais les volontaires de la première ont commencé à retourner chez eux, reprendre la vie civile. Certains sont revenus uniquement pour participer à Debaltsevo en février 2015. Mais après Minsk 2, début de la troisième période, les volontaires de l’été 2014 ont en grande majorité quitté le Donbass. C’est cela être « volontaire ». Nous avons nos occupations, notre carrière, nos familles. Mais quand notre peuple est en danger, nous mettons notre vie en pause. Et une fois la branlée infligée à l’ennemi, nous pouvons retourner chez nous.
Certains comme moi sont revenus en été 2015, répondant aux rumeurs d’une hypothétique offensive de Kiev que nous n’avons jamais eu.
Ceux qui composent aujourd’hui les rangs des milices sont en général des recrues de plus mauvaise qualité.
NT : Comment ça ?
Sergeï Munier : Au centre-ville de Donetsk il y a tout un tas de caserne qui sont remplies de gars qui ne font rien de la journée mis à part boire et se droguer. Parfois ils sortent en ville avec des armes. Ils vont dans les cafés ou en boîtes et cela se termine souvent de manière tragique. C’est un problème assez grave car les gens ont peur de la DNR en ville, tout en sachant que ces gens font du n’importe quoi pendant que des unités plus sérieuse sont sur la ligne de front.
Un fait qui est inconcevable pour moi, c’est que les nouvelles recrues de la DNR étaient en vacances à la mer, à l’étranger, ou encore à la maison sans travailler, alors que nous combattions. Et ils rejoignent maintenant la DNR pour avoir un boulot et un salaire alors que le front est stable et qu’il n’y a plus de danger.
NT : Il y a donc une différence entre ceux qui sont sur la ligne du front et ceux qui sont à l’arrière ?
Sergeï Munier : Justement pour voir qui est le vrai guerrier il suffit d’observer quelques critères. Le premier critère c’est l’équipement. En général sur les lignes du front nous n’avons rien même aujourd’hui. J’ai, par exemple, récupéré mon casque et mon gilet pare-balles parce que j’ai un pote qui s’est fait tuer. Le casque je l’ai récupéré dans la tranchée même à Mariinka. Avant je n’avais pas de casque de toute la guerre. Maël, qui était dans l’armée française durant 8 ans, a passé des diplômes d’auxiliaire sanitaire. Maël a trouvé une veste sur des ossements d’un tankiste. Maël a porté cette veste et ce qu’il ne savait pas c’est qu’il y avait un nid de rats qu’il avait écrasé en dormant. Les rats se trouvaient dans la doublure de la veste. C’est pour dire que nous récupérons vraiment ce qu’il y a. Si nous en sommes là, c’est que nous n’avons pas les moyens de nous équiper comme des « Spetsnaz ». Les gens, en général, qui sont très bien équipés, sont des gens qui sont en centre ville. Quand nous recevons quelques équipements ils se dégradent vite. Dans les tranchées et dans les combats cela s’use très vite. Quand on voit des gens qui ont de beaux équipements, c’est qu’ils ne les utilisent pas. Il y aussi le problème de la gestion des entrepôts. Donetsk cela reste la mentalité ukrainienne et la mentalité ukrainienne c’est la corruption qui fait partie de la culture. Si tu es chef d’entrepôt tu vas plutôt donner les équipements à tes amis. Mais pour moi ce n’est pas le plus important.
Le 2ème critère c’est le discours. Comme vous pouvez le voir nous sommes une armée de clochards et Il n’y a aucune tactique. Nous ne sommes qu’un troupeau de viande qui part à l’abattoir. Il y a un semblant de hiérarchie. Il y a des officiers, des chefs. En fait dans l’action celui qui va gérer cela sera plutôt le chef naturel. On a souvent le capitaine qui ne sert pas à grand chose et on a le soldat qui commande. Je l’ai même fait alors que je n’ai jamais dépassé le poste de chef de section. Je n’ai jamais était au-dessus du poste de lieutenant. Les grades cela ne veut rien dire. Ce n’est qu’une fonction sur papier. Sur le terrain c’est plus l’instinctif qui commande. Dans les combats il n’y aucune tactique et le combat ça consiste juste à se mettre la pression. On se tire dessus avec tout ce qu’on a. C’est le premier qui est à cours de munition ou qui a été tué qui ou qui abandonne, a perdu.
NT : Et pour les missions d’infiltration ?
Sergeï Munier : Il y aussi un fantasme sur les missions d’infiltration et de sabotages ou de diversions. Je vous le dis tout de suite, ça c’est faux ! D’abord le Donbass, c’est très plat. Il y a une très bonne visibilité et en plus c’est miné par tout le monde. Personne ne fait de carte. On ne sait pas où sont les mines. C’est un bordel total. Donc quand on te parle de missions très compliquées, très spéciales et de diversions, tout ça c’est en fait faux ! Cela ne se passe que dans la propagande et sur le papier.
NT : Votre message au peuple français ?
Sergeï Munier : Le peuple français n’est pas directement responsable, mais indirectement il l’est car il a passé son temps à consommer en devenant paresseux pour se poser les questions qu’il faut. Les Français ont laissé faire. Ce sont les Français qui ne se sont pas défendus contre l’Allemagne déjà mis à part quelques résistants. Les Français se laissent faire, c’est pour cela que je prends l’exemple de la Seconde Guerre mondiale. Et cela explique leur comportement d’aujourd’hui. Les Français critiquent Hollande, Daesh, mais ils ne font rien contre. Les Français préfèrent avoir le confort au lieu de s’occuper de ce qui nous entoure. Un beau discours de paix du président de la République, quelques militaires de plus à faire de la figuration devant les synagogues et le peuple est content, il peut retourner dans sa vie de tous les jours. Et notre laisser-aller et notre désintéressement sont les vraies causes des guerres menées par les politiques occidentaux à travers le monde, car une fois élu, ils deviennent les vassaux du nouvel ordre mondiale, font des réformes pour intégrer les pays de l’Europe un peu plus dans le réseau commercial transatlantique mettent sur pieds des complots contre l’humanité, en obéissant à leurs maîtres. Cette non action nous revient à la gueule maintenant avec les attentats et nous avons des immigrés qui violent nos femmes. Pourtant nous avons été prévenus. Le mariage homo a montré définitivement que la démocratie n’existe pas chez nous, parce qu’on a fait passé une loi représentant moins d’un % de la population. Et il a montré aussi qu’on peut au final faire tout ce qu’on veut de ce peuple de 65 millions d’individus déracinés. Et commencer à agir maintenant c’est quand même assez tard. Avec pratiquement un siècle de laisser-aller on voit le résultat et cela va être dur de changer les choses maintenant.