Pas étonnant que la cote des journalistes soit aussi basse. La grande presse hexagonale ne confond-elle pas trop souvent information et propagande ? Quand le correspondant à Tel Aviv de tel grand quotidien (grand par les subventions que lui accorde l’État) nous raconte que « les dirigeants israéliens se frottent les mains [eu égard à] la rivalité grandissante entre l’Arabie soudite et l’Iran », il ne ment évidemment pas mais il se moque du monde, sachant que cette « rivalité grandissante » est a fortiori le fruit des efforts persévérants de l’État hébreu… dont l’Iran est l’ennemi principal, dixit Yossi Cohen (יוסי כהן), le tout nouveau chef du Mossad.
Toujours selon la presse libérale-libertaire, Israël ferait également ses choux gras de « l’affaiblissement de l’Égypte, des ennuis de la Turquie avec la Russie et de la désintégration de pays tels l’Irak et la Syrie » et verrait« renforcé son statut de puissance régionale stable ».
Remettons les choses un peu à l’endroit. L’utilisation d’un langage puéril – les ennuis de la Turquie – n’est pas très sérieux. Ankara n’a pas d’ennuis avec les Russes.
La destruction en vol, le 24 novembre dernier, d’un bombardier russe Su-24 n’a pas été accidentelle, il s’est agi d’un acte de guerre prémédité… d’ailleurs accompli peut-être grâce aux suivis satellitaires de Tsahal.
C’est donc faire preuve d’une grande légèreté que de présenter des événements d’une telle gravité dans un registre ludique pour mieux faire accroire qu’au milieu de la tourmente, Israël serait parvenu à tirer son épingle du jeu, ce qui, ipso facto, lui permettrait de voir « renforcé son statut de puissance régionale stable ».
Soyons clairs : Israël n’est pas un État stable, ni à l’intérieur ni à l’extérieur. En 2013, selon le classement de l’OCDE, Israël arrivait en troisième position derrière la Turquie et le Mexique pour le taux de pauvreté.
L’État hébreu vit, en effet, sous perfusion permanente. L’aide américaine à Tel Aviv depuis 1948 se monte officiellement à quelque 234 milliards de dollars et, à partir de 2017, l’aide militaire annuelle des États-Unis devrait passer de 3 à 5 milliards pour répondre aux exigences de M. Netanyahou.
Difficile, au regard de ces chiffres, de croire qu’un Israël surnageant au milieu du chaos ambiant pourrait être resté neutre face à « la désintégration de l’Irak et de la Syrie ».
En réalité, « il suffira à Israël d’attendre » parce que, la peur aidant, « les monarchies arabes sunnites finiront de toute façon par s’allier d’une manière ou d’une autre avec Israël »… contre l’Iran et le monde chiite. Précisons que la chose est déjà faite. 1
Certains avancent l’idée géopolitiquement saugrenue qu’il serait opportun de renvoyer Riyad et Téhéran dos à dos, leur contentieux relevant d’une banale confrontation entre « deux théocraties rivales aspirant l’une comme l’autre au leadership régional ». Conflit qui serait en outre « idéologique : une monarchie religieuse contre une république issue d’une révolution » et enfin géo-économique en raison d’une concurrence de rerum natura entre producteurs d’hydrocarbures.
Tout cela n’est, bien entendu, ni tout à fait faux ni totalement exact. Il faudrait, en effet, par souci de précision, rajouter le paramètre eschatologique, singulièrement ignoré des experts, à savoir l’antagonisme irréductible du wahhabisme et du chiisme.
Ceci en marge d’une considération purement géostratégique : la bataille visant à interdire l’accès du leadership régional à l’Iran, premier et presque unique sujet de préoccupation de Tel Aviv. Domaine où intervient silencieusement mais puissamment le troisième larron sioniste.
Configuration qui annule et ridiculise l’idée de renvoyer dos à dos Iran et Arabie, le projet d’une nécessaire alliance entre Israël et ses « voisins pour combattre le radicalisme islamique »étant désormais la seule vraie priorité… l’État islamique, fils puîné de Riyad et l’Iran, tout deux étant mis dans le même sac.
- « Depuis plusieurs années déjà, Israël échange par le biais de la Jordanie des renseignements avec plusieurs pays arabes sunnites officiellement considérés comme « ennemis ». Des vols non immatriculés décollent régulièrement depuis Tel Aviv avec une destination bidon. En réalité, ils emmènent des businessmen israéliens spécialisés dans les systèmes électroniques de défense, des consultants en sécurité, ainsi que des émissaires officieux dans les Émirats arabes » (liberation.fr, 7 janvier 2016).