Il a maigri, Manuel Valls. De plus en plus sec, serré, tendu et sombre du sourcil…
Contraste absolu avec un Président qui s’efforce chaque jour de coller davantage à son image de culbuto. Le Premier ministre devient ombrageux, teigneux…
Il souffle du mufle, racle du sabot, voudrait foncer mais se heurte à la porte du toril, contraint de contempler un Macron qui gambade à sa place et fait le tour de l’arène en saluant la foule.
Surtout, il devine que les prochaines échéances électorales ne vont pas arranger ses affaires. Quand Hollande-le-Réjoui pense pouvoir bénéficier d’un « trou de souris » (sic) pour se glisser dans la partie et remporter la mise, Valls voit s’éloigner ses rêves de grandeur. Il fait des cauchemars, notre Manuel, voit ses nuits hantées par la grande blonde. Ennemie jurée, ennemie mortelle. Alors il l’a déclaré mardi sur RFI : « Il est hors de question de laisser le Front national gagner une région […] Tout devra être fait pour l’empêcher. » Il l’a même répété de ce ton pète-sec qui marque sa colère rentrée : « Oui, je dis bien “tout devra être fait”. » Et si c’est là le programme des régionales, on imagine ce que ça va être pour les présidentielles !
On l’imagine encore mieux, d’ailleurs, en prenant connaissance des propositions de son ami Jean-Jacques Urvoas. Le député du Finistère et président de la commission des lois a des idées de réforme pour le prochain scrutin. La partie promet, en effet, d’être tellement chaude qu’il importe de tendre sans tarder des filets de sécurité.
Le premier concerne une possible réforme des règles de parrainage. Comme l’écrit Le Parisien, « si la proposition de loi de Jean-Jacques Urvoas est adoptée avant la fin de l’année, c’en sera terminé du vrai-faux suspense qui précède chaque élection présidentielle sur la course au 500 parrainages ».
Remarque : quoi qu’on prétende, il s’agit bel et bien pour certains d’un vrai suspense, les pressions et magouilles de toutes sortes ayant cours jusqu’au dernier moment pour empêcher la liberté de choix des élus.
Bref, Urvoas préconise que, désormais, chacun envoie directement son parrainage au Conseil constitutionnel qui le publiera aussitôt : « On connaîtrait donc la liste intégrale des élus parrainant un candidat à l’Élysée, alors que jusqu’à présent seuls 500 d’entre eux étaient rendus publics après tirage au sort. »
Vue de ma fenêtre par temps clair, cette mesure apparaît comme un modèle de transparence démocratique et, sur le papier, on n’y trouve rien à redire. Mais par les temps fangeux dans lesquels nous pataugeons, elle sent à plein nez la tambouille frelatée.
Le journal rappelle en effet que, « en 2012, pour ne pas effrayer les élus désireux de lui apporter leur soutien, Marine Le Pen s’était opposée à cette idée ». Et force est de constater que tout amoureux véritable de la démocratie ne peut que lui donner raison.
Car c’est bien là qu’est le problème : dans un régime honnête, respectueux des règles démocratiques et non pas préoccupé de tripatouiller les cartes à chaque scrutin, dans un régime qui respecterait par exemple la proportionnalité des votes dans la représentation nationale, on pourrait adhérer à une telle proposition.
Mais la France n’est absolument pas la démocratie qu’elle prétend être.
C’est, au contraire, un pays gouverné par le sectarisme et l’idéologie où, sous prétexte de « front républicain », on entend priver d’une juste représentation 25 à 30 % des électeurs en terrorisant leurs soutiens. Que l’on soit proche des idées qu’ils défendent ou farouchement contre, c’est tout simplement indigne d’un pays donneur de leçons comme le nôtre.
Et contre-productif, mais depuis 35 ans que ça dure, nos belles consciences politico-médiatiques ne l’ont toujours pas compris.