Le Jean – Yves :
Pouvait-il vraiment passer de « la pêche » à « la Défense » … ?
Evincé par Le Drian, Bernard Lugan avait prédit dès 2011 la situation actuelle
07/09/2015 – 06h00 France (Breizh-info.com) – En avril 2015, Jean-Yves Le Drian évinçait l’historien spécialiste de l’Afrique Bernard Lugan de Saint-Cyr Coëtquidan, où il participait à la formation des futures élites de l’armée française. Les raisons de cette décision? Les analyses, percutantes mais jugées politiquement incorrectes, de l’historien ainsi que ses accointances jamais cachées avec une partie de la droite nationale française. Rédhibitoire pour le ministre de la Défense de François Hollande, même si cet universitaire compte parmi les africanistes les plus reconnus, notamment à l’international, en raison de pertinence de ses analyses sur les crises africaines.
L’invasion migratoire que connait l’Europe aujourd’hui en est un bon exemple. La situation actuelle en Europe et en Afrique du Nord , avec ces milliers de clandestins en provenance d’Afrique qui passent quotidiennement par la Libye, n’aurait pas existé en effet si le régime de Kadhafi n’avait pas été détruit par la coalition internationale menée par la France – Nicolas Sarkozy étant président, Alain Juppé ministre des affaires étrangères sans oublier le Parti socialiste qui, à l’exception de 7 députés, avait voté pour l’intervention.
Bernard Lugan avait exposé dès 2011 les conséquences de l’intervention en Libye
Bernard Lugan avait d’ailleurs publié dès janvier 2011, puis en août 2011, soit trois mois avant la mort du colonel Kadhafi, une mise en garde sévère contre les conséquences de cette intervention en Libye et de cette déstabilisation d’une région que la France atlantiste ne maitrisait visiblement plus du tout. « L’épicentre de la « révolution » fut la région de Benghazi qui avait des comptes à régler avec le régime depuis la féroce répression d’un précédent soulèvement islamiste. Cette Cyrénaïque dissidente à l’époque ottomane, rebelle durant l’Impero italien et insoumise depuis les années 1990, présente plusieurs originalités : elle est le fief des partisans de l’ancienne monarchie islamo-senoussiste, le phénomène jihadiste y est fortement ancré et la contestation y a reçu le renfort des mafias locales dont les ressources étaient coupées depuis plusieurs mois à la suite de l’accord italo-libyen concernant la lutte contre les filières de l’immigration africaine clandestine.»expliquait t-il avant de dénoncer : « Toujours à la différence de la Tunisie et de l’Egypte, et cela a constamment été caché à l’opinion française afin de ne pas écorner l’image « positive » des insurgés, ce soulèvement fut extrêmement violent. Il fut en effet, dans certaines villes tombées aux mains des rebelles, accompagné de la mise à mort d’une manière cruelle et rappelant les méthodes des islamistes algériens, des partisans du régime et parfois même des membres de leurs familles.» et de conclure : « Ce fut donc dans une atroce guerre civile que la France s’immisça pour des raisons officiellement éthiques. Sans son intervention, le colonel Kadhafi aurait repris le contrôle de la situation. »
Alors qu’actuellement, on nous explique que les milliers de réfugiés fuient l’instabilité, la pauvreté, la guerre dans leur pays, Bernard Lugan rappelait en 2011 qu: « avant les « évènements », la Libye était le pays d’Afrique le plus développé et le chômage des jeunes qui fut un des leviers des évènements tunisiens y était inexistant.»
Mais il posait déjà des questions qui trouvent aujourd’hui leurs réponses, et que jamais les dirigeants français de l’époque ainsi que leurs successeurs ne se sont posées : « Comment s’organisera la Libye de demain ? Là est en effet toute la question. La Tripolitaine et la Cyrénaïque se combattront-elles, partageront-elles le pouvoir ou bien l’une l’emportera t-elle sur l’autre ? Comment va réagir la minorité berbère quand elle constatera qu’elle aura une fois de plus été flouée ? Avant de se lancer dans cette guerre les autorités françaises ont-elles pris en compte l’hypothèse de l’apparition de guerres tribales et claniques, comme en Somalie ? Ont-elles bien évalué le risque islamiste, éventualité qui ouvrirait un espace inespéré pour Aqmi qui prospère déjà plus au sud dans la région du Sahel ? »
Sarkozy, Juppé, puis Hollande et Le Drian, seuls et uniques responsables
Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Jean-Yves Le Drian, ainsi que tous ceux qui, comme l’ineffable BHL, les ont soutenu sans faille dans cette aventure, portent donc sur leurs épaules l’entière responsabilité du drame qui se passe aujourd’hui en Méditerranée, un drame que les dirigeants en place chercherait presque à imputer à leur propre population qui ne ferait pas assez preuve d’humanité et d’ouverture.
C’est d’ailleurs Bernard Lugan lui même qui l’écrivait, en octobre 2011, alors qu’il dressait un portrait sanglant de la Libye d’après Kadhafi : « Ceux qui, poussés par BHL, décidèrent d’intervenir en Libye et de s’immiscer dans une guerre civile qui ne concernait en rien la France, vont désormais porter la très lourde responsabilité des évènements dramatiques qui s’annoncent et qui vont se dérouler à quelques heures de navigation de nos côtes. ». En 2012, il affirmait également que : « Dans tout le Sahel où les Etats artificiels sont coupés entre des Nord peuplés par des nomades et des Sud habités par des sédentaires noirs, la guerre civile libyenne a provoqué un bouleversement de la situation géopolitique régionale dont profitent les bandes islamistes qui se sont équipées dans les arsenaux libyens.» , bouleversements qui provoqua justement les déplacements de population d’aujourd’hui.
La diplomatie française , dans cette affaire, celle qui se refusait à écouter les conseils de Bernard Lugan , tenait d’ailleurs à l’époque des propos très cavaliers : « François Gouyette se dit « optimiste sur le moyen terme » pour l’avenir de la Libye. Pour ce diplomate qui dirige la cellule Libye au Quai d’Orsay, les fondamentaux du pays sont bons, la situation sécuritaire « globalement maîtrisée ». Sans nier les problèmes de l’après-Kadhafi, il se félicite aussi de l’affirmation d’un sentiment national « qui se superpose à l’identité tribale toujours très présente». « Je n’ai jamais cru au risque de l’éclatement de la Libye » souligne le diplomate ». (Le Figaro, 5 avril 2012).
En mai 2012, lors de la passation de pouvoir entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, Bernard Lugan tirait déjà le bilan désastreux de la politique africaine du précédent quinquennat, vecteur de nombreux troubles dans plusieurs régions.
Puis en juillet 2012, c’est au tour du président Tchadien, Idriss Deby, de rappeler : « Depuis le début des opérations de l’Otan en Libye et jusqu’à la chute de Kadhafi, je n’ai cessé de mettre en garde quant aux conséquences non maîtrisées de cette guerre. J’ai trop longtemps prêché dans le désert (…) les nouvelles autorités libyennes ne contrôlent toujours pas leur propre territoire (…). Plus généralement, quand je regarde l’état actuel de la Libye, où chaque localité est gouvernée sur une base tribale par des milices surarmées ou par ce qu’il reste des forces fidèles à Kadhafi, ma crainte a un nom: la somalisation » (Idriss Déby, président de la République du Tchad, dans Jeune Afrique, le 23 juillet 2012).
Trois ans plus tard, les prophéties de Bernard Lugan se sont réalisées : en juillet 2015, dans un numéro dela revue L’Afrique réelle, en quelques réflexions sur le phénomène des « migrants », il explique que : « La vague migratoire africaine que subit actuellement l’Europe se fait par l’entonnoir libyen. Ce dernier fut créé par ceux qui déclenchèrent une guerre insensée contre le colonel Kadhafi qui avait fermé son littoral aux passeurs-esclavagistes. Face à la déferlante, les forces navales européennes recueillent les clandestins… pour les transporter jusqu’en Italie. La différence avec le prophétique Camp des Saints de Jean Raspail est que chez ce dernier, les migrants débarquaient en Europe alors qu’aujourd’hui ils y sont débarqués… pour y être installés.» avant de nommer les responsables : « Cette migration-peuplement est essentiellement la conséquence d’une démographie devenue folle [….] parce que les missionnaires, les religieuses soignantes, les médecins et les infirmiers coloniaux ont, hier, au nom de leur « amour des autres », délivré les Africains de la lèpre, de la rougeole, de la trypanosomiase, du choléra, de la variole, de la fièvre typhoïde ; cependant que les militaires les libéraient de l’esclavage arabo-musulman. » avant de poursuivre :
« Résultat : en un siècle, la population du continent a presque été multipliée par 10. De 100 millions d’habitants en 1900, elle était passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à un milliard en 2014. Dans les années 2050 les Africains seront entre 2 et 3 milliards (dont 90% au sud du Sahara), puis 4,2 milliards en 2100 ; ils représenteront alors 1/3 de la population mondiale. En 2050, 40% des naissances mondiales seront africaines[2], ce qui, ajouté à la baisse heureuse de la mortalité infantile en raison des campagnes de vaccination menées par les ONG et de l’annonce d’un prochain vaccin contre le paludisme, va conduire à un cataclysme encore plus destructeur que l’actuel. »
Des analyses sans doute insupportables à entendre pour Jean-Yves Le Drian.