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CALAIS N' EST PLUS LA FRANCE ! REVUE DE PRESSE !

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Migrants : à Calais, une journée tristement ordinaire

REPORTAGE - Manifestations pro et anti-migrants samedi à Calais sur fond de rumeurs. Dans la "new jungle", le provisoire devient définitif. Et chez les riverains la colère monte.

Ça va mal finir. À Calais, depuis quelques jours, tous les véhicules de police ont la même consigne : arrêter les agresseurs de migrants. Le scénario qui se répète depuis deux semaines inquiète les pouvoirs publics. Un véhicule maraude aux abords de la lande. Muni d'une barre de fer, un homme s'en extirpe brutalement, frappe à l'aveugle dans les jambes et la tête des migrants isolés, puis s'enfuit laissant sa proie au sol.

La police aurait enregistré deux plaintes mais il y aurait eu trois agressions ou peut-être quatre. Selon les associations, une des victimes est toujours hospitalisée à Lille. Une autre, un bandage sur le crâne a réintégré la "new jungle", le bidonville où vivent les quelque 3.000 migrants de Calais. "Selon les témoignages que nous avons recueillis, il s'agirait tantôt d'une berline noire type BMW, tantôt d'une grosse voiture grise", explique un enquêteur. "On nous a donné des numéros de plaques d'immatriculation, poursuit-il, mais ils ne correspondent à rien." Ratonnades planifiées ou acte individuel? Mise en scène sordide ou affabulations?

"We're not animals... Stop la police..."

Dans les rangs des militants associatifs et de la police, l'affaire est prise au sérieux. Avec un sentiment partagé – pour une fois – dans les deux camps : ne pas souffler sur les braises pour ne pas attiser la colère qui couve à Calais. Samedi, cette colère s'est exprimée sur le parvis de la mairie, alors que 200 à 300 migrants, des Africains originaires du Soudan pour la plupart, et des militants associatifs marchaient en cortège vers le centre-ville pour célébrer la Journée mondiale des réfugiés en brandissant des slogans rédigés en français et en anglais. "We're not animals… Stop la police…"

Devant la mairie, l'association d'extrême droite Sauvons Calais avait convoqué une vingtaine de ses membres, reconnaissables à leurs crânes rasés, à leurs tatouages, aux écussons bleu, blanc, rouge, siglés "Pour la France" et à leurs Doc Martens lacées de blanc. Le collectif et son porte-parole, Kevin Reche, ont émergé en 2013. Âgé de 21 ans, le jeune homme est au chômage et s'occupe de sa mère malade. Dernier boulot, dans la sécurité. En novembre 2014, il s'est rapproché du Parti pour la France de Carl Lang, dont il devient le candidat à Calais aux élections départementales.

Avec ses amis, il se revendique principalement… anti-immigration. Lors d'une de leurs dernières manifestations, des slogans racistes avaient fusé. Hier le discours était plus contrôlé. "On n'est pas contre les migrants mais contre l'immigration", répétait à l'envi Kevin Reche devant les journalistes, un petit sourire au coin des lèvres.

Au pied du splendide beffroi, quelques Calaisiens sont venus écouter les discours de Sauvons Calais. Un peu perdus, ils n'avaient pas vraiment l'air conscients du pedigree des organisateurs mais semblaient plutôt à la recherche de caméras et de micros. L'envie d'être écoutés. Pour une fois. Marie-Claire, 62 ans, tirée à quatre épingles dans son blazer bleu ciel, était accompagnée de son mari, un ancien de la police aux frontières à la retraite.

Jusqu'à l'âge de 52 ans, Marie-Claire a travaillé dans la confection, mais son usine a fermé. Elle s'est reconvertie dans l'aide à domicile. "J'ai tous mes trimestres et je touche 850 € net par mois de retraite, explique-t-elle avec des sanglots dans la voix. Je n'en peux plus de les voir arriver toujours plus nombreux. Il n'y a plus de boulot ici. Je n'ai jamais fait une manifestation de ma vie mais là il faut qu'on se mobilise. C'est pas contre eux, c'est pour nous. La maire était bien au début mais maintenant, elle devient pro-migrants. Il n'y a personne qui nous représente!" Marie-Claire s'éloigne un peu. Et affirme qu'elle n'a "rien à voir avec les fachos".

"Ils sont en train de nous envahir"

Un peu plus loin, une femme blonde, le cheveu court, écoute religieusement les conversations, sa petite croix catholique autour du cou. "Je quitte Calais, raconte t -elle à qui veut l'entendre, ici tout est mort. Ils sont en train de nous envahir. Il suffit de regarder le journal télévisé pour comprendre que ce n'est que le début. Aujourd'hui, ils sont 3.000 mais dans un an, ils seront le double ou le triple. C'est l'invasion." Raciste? "Je suis bénévole aux Restos du cœur", rétorque-t-elle en gage de sa bonne foi.

Trois hommes haussent le ton. "J'étais à Nanterre en 1968, lance l'un d'eux, eh bien, il y avait moins de CRS. On ne veut pas nous laisser parler." La conversation s'échauffe encore un peu. "En 1940, nos parents, ils sont restés pour chasser les Allemands. Ils n'ont pas émigré comme ceux-là. Ils se battraient dans leur pays s'ils étaient courageux.".

Au loin, les tambours et les cris des migrants résonnent. La police et les associations se sont mises d'accord pour éviter aux deux groupes de se croiser.

"Les vols ont baissé car nous avons renforcé les moyens sur le terrain, explique Gilles Debove, du syndicat SGP-Police FO, nous avons par exemple les collègues de la BAC de Lille qui viennent tous les jours. Mais ce n'est pas suffisant. La population supporte de moins en moins. Elle a le sentiment que les migrants bénéficient d'une sorte d'impunité. On les relâche souvent faute de moyens, alors qu'un Calaisien serait mis en garde à vue. Ils ne comprennent pas que ce n'est pas un traitement de faveur mais un principe de réalité."

La promesse de 10.500 places d'hébergement

C'est aux abords de la "new jungle", le camp des migrants, installée à quelque 7 km du centre-ville, que l'on sent le plus grand désespoir. La ville qui vient de signer une convention d'un montant de 500.000 euros avec l'État commence à aménager le terrain de 18 hectares laissé pour l'instant à l'état sauvage. L'eau, l'électricité, le ramassage des ordures, des toilettes sont en cours d'installation.

"C'est normal, reconnaît une riveraine, on ne peut pas laisser des pauvres gens dans une telle misère, mais cela veut dire qu'ils vont rester là des années." Cette kiné de profession vient de donner son congé à son bailleur. "Je ne vais pas payer 800 € par mois pour cela", raconte-t-elle. Son propriétaire a mis la maison en vente. "Je lui avais demandé de baisser le loyer, il n'a pas voulu. Tant pis pour lui, poursuit-elle, il y a quatre maisons en vente sur cinq dans le lotissement. Elles ne trouveront jamais preneur. Mon voisin a deux petites filles. Il a dû rentrer sa piscine gonflable. Les migrants venaient se laver dedans."

Un peu plus loin, sur le pas de sa porte, le voisin regarde le cortège rentrer au camp. "Moi, il ne me dérange pas, commente-t-il, je les comprends même. Mais avant ici, la route de Gravelines, c'était très résidentiel. Et puis ma femme, le matin quand elle commence à 5 heures, elle n'est pas rassurée. Certains boivent toute la nuit. Ils n'ont pas l'habitude."

Cette semaine, la promesse de créer 10.500 places d'hébergement, les barbelés en Hongrie et les sit-in à la frontière franco-italienne ont fait monter la pression d'un cran. Bien plus que les nouvelles arrivées. À Calais, l'idée que cela va mal finir s'installe. Durablement.

Marie-Christine Tabet, envoyée spéciale à Calais (Pas-de-Calais) - Le Journal du Dimanche

dimanche 21 juin 2015

 
http://www.lejdd.fr/Societe/Migrants-a-Calais-une-journee-tristement-ordinaire-738620  
Hier, deux manifestations se sont tenues à Calais. L'une en soutien aux migrants, l'autre contre l'immigration.*Paru dans leJDD
 

Samedi, deux manifestations se sont tenues à Calais. L'une en soutien aux migrants, l'autre contre l'immigration. (Rafael Yaghobzadeh pour le JDD)

MOTS-CLÉS ASSOCIÉS

Migrants, le micmac des chiffres

Comment se répartissent les migrants en Europe? La question devient de plus en plus épineuse. Surtout entre la France et l'Italie, qui se renvoient les demandeurs d'asile d'un côté et de l'autre de la frontière à Vintimille. L'Italie, principale porte d'entrée au sud de l'Europe, aurait accueilli sur son sol quelque 90.000 migrants depuis le début de l'année. Elle reproche au reste de l'Europe et à la France en particulier de lui laisser gérer la majeure partie des demandes d'asile.

Les chiffres d'Eurostat pour le premier trimestre 2015 montrent que la réalité est plus nuancée. Au cours des trois premiers mois de l'année, l'Europe a enregistré 185.000 nouvelles demandes d'asile. Un chiffre en hausse de 84% depuis le premier trimestre 2014. Avec quelque 73.000 demandes reçues (40% du total), l'Allemagne est le pays le plus sollicité. La Hongrie qui menace de fermer sa frontière avec la Serbie arrive en deuxième position (32.000 demandes) puis l'Italie (15.000 demandes) et la France (14.800).

Au premier trimestre 2015, par rapport au dernier trimestre 2014, la France et l'Italie accusent même une légère baisse des requêtes officielles, respectivement en recul de 5% et… de 28%. Cette baisse s'explique en partie par l'origine des demandeurs, principalement des Kosovars, et les routes qu'ils empruntent.

Dans le cas de l'Italie, ses voisins la suspectent de laisser passer les réfugiés sans enregistrer leurs empreintes et de ne pas traiter leurs dossiers de demande d'asile. Faute de trouver un accord de répartition, chacun joue sa partition. Quant aux Britanniques, ils auraient accueilli depuis le début de l'année, 10.000 migrants passés clandestinement par Calais. M.-C.T.
 


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