Viols d’enfants par des soldats de l’armée française : un premier mensonge
Les accusations de viols portées par un fonctionnaire de l’ONU contre des soldats français commencent à se transformer en un imbroglio diplomatique entre la Suède, pays d’appartenance du diplomate qui a révélé l’affaire, Anders Kompass, et l’ONU. Après avoir été suspendu, pour avoir fait fuiter des informations sur cette affaire Anders Kompass est poussé à la démission par l’Organisation. La réaction de la Suède ne s’est pas fait attendre. « Si l’ONU force Kompass à la démission, nous serons obligés de rendre public la totalité de l’affaire de viol par l’armée française et nous allons également lancer un débat potentiellement violent et dangereux, » a menacé l’ambassadeur suédois.
Vendredi, par la voix de son porte-parole à Genève, Rupert Colville, l’ONU avait nié avoir cherché à étouffer les accusations d’abus sexuels sur des enfants par des soldats français en Centrafrique. Si le fait de garder un rapport de cette gravité sous le coude, de punir celui qui a osé le divulguer et le pousser à la démission, n’est pas une tentative d’étouffer l’affaire, ça y ressemble drôlement. On peut comprendre que l’ONU soit prudente dans une affaire aussi sensible et ne veuille pas la rendre publique. Mais elle dispose d’organe judiciaire à même de gérer les affaires criminelles. Pourquoi la Cour Internationale n’est-elle pas en charge du dossier ?
Mais il y a plus grave. A Bangui, les autorités n’ont pas été mises au courant. Le procureur de la République, Ghislain Grésenguet, n’a pas été informé de cette affaire qu’il qualifie «d’extrêmement grave». C’est seulement maintenant, après l’avoir appris par les journaux, comme tout le monde, qu’il est en mesure d’ouvrir une enquête, alors que beaucoup de preuves ont peut-être déjà disparu. Parions que l’ONU ne lui donnera pas accès à l’ensemble des éléments dont elle dispose et que différentes autorités tenteront de faire écran à la manifestation de la vérité. Après ça, l’ONU ose encore dire qu’elle n’a pas tenté d’étouffer l’affaire ? Il faut croire que, dans la tête des officiels de cette organisation internationale, le fait de cacher un acte criminel qui a eu lieu en République Centrafricaine aux autorités judiciaires de ce pays, pourtant membre de l’organisation, ne peut être considéré comme une tentative de cacher quoi que ce soit. Ça ne compte pas, en quelque sorte. Imaginez le même scénario en France, ne parlons même pas des Etats-Unis.
Ce premier mensonge, de la part de ceux qui sont censés être les garants de la justice internationale nous amène à nous demander : est-ce le seul mensonge dans cette affaire ?
Le rapport de l’ONU a été divulgué par le diplomate suédois Anders Kompass. Il est impensable qu’il l’ait fait sans feu vert de son pays. Dès lors, je ne peux m’empêcher de penser que la Suède est à la base de la rétention en captivité de Julian Assange dans l’ambassade de l’Equateur à Londres pour une prétendue affaire de viol, dont on peut très fortement penser que c’est un coup monté, dirigé par les Etats-Unis. Si la Suède a pu rendre ce service à Washington, pourrait-elle récidiver ? Cette question est d’autant plus pertinente que les déclarations d’Anders Kompass sur les raisons qui l’ont poussé à faire fuiter des informations du rapport sont en contradiction avec une autre version des faits. Sous couvert d’anonymat, une source à l’ONU a expliqué à l’AFP que la fuite avait eu lieu une semaine seulement après que le rapport ait été remis par les enquêteurs. Il ne pouvait donc pas être animé par le souci de combler le manque de réactivité de l’ONU, comme il l’affirme.
Les affaires de viol et de pédophilie de la part de soldats sur les théâtres d’opérations ne sont un secret pour personne. En Afrique, il y a en plus un sentiment de permissivité et d’impunité qui aggrave le phénomène. C’est déjà vrai pour les touristes sexuels dont beaucoup sont des pervers pédophiles, comment cela pourrait-il être différent pour celui qui dispose, en plus, de la force ? Seulement, selon ce que nous savons du rapport de l’ONU, il y a des témoignages d’enfants de 9 à 13 ans, mais aucun de leurs parents. Sont-ils tous orphelins ? Il aurait été intéressant de savoir ce qu’en disent les adultes, qui ne manquent pas dans un camp où sont entassés plus de 20 000 personnes. D’autre part, ces gamins sont tous des garçons. Cela voudrait-il dire que les soldats français ont des tendances homosexuelles ? Pourquoi pas. Mais les mêmes scénarios répétés pour des soldats du Tchad et de la Guinée Equatoriale sont une transposition d’une vision européenne. S’il y a, comme partout des hommes à tendance homosexuelle, en Afrique l’homosexualité est cachée, et des actes de ce genre devant des camarades sont difficiles à imaginer. La notion de fellation n’entre pas, non plus dans les mœurs de ces pays-là. Il me semble que les soldats violeurs africains choisiraient plutôt leurs victimes parmi les jeunes filles.
Il est vrai que nous ne disposons pas de tous les détails du rapport et, d’après ce que laisse entendre l’ambassadeur de Suède, ce qui n’a pas encore été dit est encore plus explosif. Malgré tout, toutes les questions doivent être posées. Les cachoteries et pudeurs de l’ONU, sans parler de son mépris pour les autorités de la République Centrafricaine, sont, pour le moins choquants. Le silence de l’ONU est incompréhensible si l’on considère que les forces étrangères en Terre Centrafricaine sont mandatées par elle. Il existe généralement des canaux de communication entre les diplomates et les militaires sur place. Pourquoi les fonctionnaires de l’ONU n’ont pas tiré la sonnette d’alarme auprès des officiers français quand ils ont eu vent de cette histoire ? Quelle raison pouvait les amener à se taire vis-à-vis de l’Etat-Major Français si ce n’était la volonté de « constituer un dossier » utilisable le moment venu ? N’est-il pas étrange que cette affaire sorte maintenant, grâce à un journal anglo-saxon, à quelques jours seulement de l’ouverture du Forum de Bangui qui se tiendra du 4 au 11 Mai ?
Nous voilà plongés, une fois de plus, en plein dans les luttes géopolitiques intestines entre puissances occidentales soi-disant amies, bien loin de la simple affaire de viols. Et, encore une fois, l’ONU, volontairement ou non, y joue un rôle ambigu.
Avic – Réseau International