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DOSSIER GAZ, EUROPE / RUSSIE ET LES SANCTIONS ....

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Samedi 27 décembre 2014

 

 

Fin de South Stream : le gaz rapproche Poutine et Erdogan

 

En annonçant, le 1er décembre, depuis Ankara, l’abandon du projet de construction du gazoduc South Stream, Vladimir Poutine confirme l’éloignement économique de la Russie par rapport à l’Europe et scelle un rapprochement inattendu avec la Turquie.

 

En juin 2014 au nord de Belgrade, la capital serbe - AFP / Andrej ISAKOVIC

 

En juin 2014 au nord de Belgrade, la capitale serbe – AFP / Andrej ISAKOVIC

 

“Dans les conditions actuelles, la Russie ne peut poursuivre la construction du gazoduc South Stream, a déclaré Vladimir Poutine, le 1er décembre, lors de sa visite à Ankara, rapporte le quotidien russeGazeta.ru.

“Puisque la Commission européenne n’en veut pas, eh bien nous ne le ferons pas, et nous réorienterons nos ressources énergétiques vers d’autres régions du monde”, a-t-il souligné.Bruxelles, en effet, freine le projet depuis plusieurs années.

La Commission refuse de donner son feu vert, considérant que le projet contrevient à la législation européenne antimonopole.

Lancé par Gazprom, le gazoduc, d’une puissance de 63 milliards de m3 par an, devait relier Anapa (en Turquie) à Varna (en Bulgarie) par le fond de la mer Noire, puis Baumgarten (en Autriche), où se trouve le hub, par voie de terre, (après avoir desservi la Hongrie et la Serbie), explique le quotidien.

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Il devait permettre de réduire les risques, lors de la livraison du gaz russe à l’Europe, liés au transit par le territoire ukrainien. Gazprom détient 50 % des parts du projet, la compagnie italienne ENI 20 %, la compagnie française EDF et l’allemande Wintershall 15 % chacune.

Le coût avait été récemment évalué à 23,5 milliards d’euros.

Ankara fait fi de Washington et Bruxelles

Le quotidien turc Milliyet titre à la une : “Un geste vis-à-vis de la Turquie, défiance à l’égard de l’Europe”. “En effet, explique le titre, du sommet entre le président Erdogan et le leader russe Poutine sont sorties des décisions surprenantes en matière d’énergie.

Poutine, qui a annoncé au passage une baisse des prix de 6 % du gaz naturel vendu à la Turquie, a expliqué qu’à cause de l’attitude de l’Union européenne, il renonçait au projet South Stream, ajoutant qu’un nouveau site de distribution pourrait être installé à la frontière turco-grecque. Erdogan a alors précisé qu’ils étaient arrivés à un accord sur le nouveau tracé du gazoduc”.

“Malgré son statut de membre de l’Otan et la poursuite du processus de son intégration à l’UE, la Turquie est fermement décidée à conserver et développer ses relations avec la Russie, analyse un chercheur à l’Institut oriental de l’Académie des sciences de Russie, Stanislav Ivanov, cité parle quotidien russe Nezavissimaïa Gazeta. La Turquie n’a pas l’intention d’y renoncer uniquement pour satisfaire Washington et Bruxelles”.

Par ailleurs, la Turquie, comme la Russie, cherche à surmonter un certain isolement sur la scène internationale. “La visite de Poutine a lieu au moment où la Russie subit les sanctions de l’Occident, tandis que la Turquie perd des partenaires économiques au Moyen-Orient”.

Tenir tête à Poutine

“La saga South Stream”, titre de son côté le quotidien bulgare en ligneDnevnik, sans toutefois préciser si l’annonce par la Russie de l’arrêt du projet est bien le dernier épisode de ce feuilleton, qui tient depuis plusieurs années en haleine la presse de Sofia.

Pour le politologue libéral Ognian Mintchev, il s’agit d’une “bonne nouvelle” pour le Vieux continent car, selon lui, l’Union européenne a ainsi démontré qu’elle était capable de “tenir tête à Poutine”. “La Bulgarie n’a rien à avoir dans cette affaire, il s’agit d’un problème entre Moscou et Bruxelles”, a-t-il précisé.

L’ancien ministre de l’Energie, le socialiste (ex-communiste) Roumen Ovtcharov, a pour sa part estimé à 600 millions de dollars par an les pertes pour Sofia [Vladimir Poutine avait évalué cette perte à 400 millions], sans parler des “pertes politiques et géostratégiques”.

L’hebdomadaire économique Kapital voit, quant à lui, “des problèmes internes à l’économie” russe pour expliquer cette décision, rappelant la dévaluation du rouble et les effets de plus en plus palpables des sanctions occidentales.

Beaucoup de commentateurs bulgares affirment également que cet arrêt ne sera certainement pas définitif, rappelant que le projet a été “gelé” à plusieurs reprises avant de repartir de plus belle. Certains y voient même une “manoeuvre” de la part du Kremlin pour tester la réaction de ses partenaires.

“Mauvaise nouvelle” pour la Serbie“L’annonce de l’abandon du projet South Stream n’est pas une bonne nouvelle pour la Serbie”, a déclaré, selon le quotidien serbe Politika, le Premier ministre serbe, Aleksandar Vucic, depuis Jerusalem, où il se trouve en visite d’Etat. C’était un bon projet, la Serbie y a investi sept ans de travail, refusant d’y renoncer malgré les pressions.
A présent, les europhiles et les russophiles s’accuseront mutuellement de cet échec.
La Serbie, quant à elle, n’y est pour rien”. Il a tenu à rassurer ses compatriotes quant à l’approvisionnement en gaz : “On va payer cher l’abandon de South Stream, mais on fera tout pour que les Serbes n’en souffrent pas cet hiver”.

 

Source: Courrier International, 2/12/2014

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ZéroHedge :

Poutine met fin au gazoduc « South Stream » ; il construira à la place un nouveau gazoduc de grande capacité vers la Turquie

Rétrospectivement, on réalise que cela aurait dû être évident en août.

À l’époque nous écrivions que le pays le plus pauvre de l’UE, la Bulgarie, avait été un partisan enthousiaste du projet de gazoduc « South Stream » soutenu par les Russes, dont la construction attisait les tensions entre l’Occident et Moscou car elle permettait la livraison de gaz en contournant l’Ukraine agitée de troubles (et donc en obligeant cette économie désespérée à retourner dans le giron russe). Début juin, le Premier ministre bulgare, Plamen Orecharski, avait ordonné un premier arrêt (après que l’Europe eut offert une bouée de sauvetage au système bancaire lors de son effondrement soudain). Par la suite, le ministre de l’énergie, Vassil Chtonov, a ordonné au conglomérat financier bulgare de l’énergie de cesser toute action concernant ce projet, car il ne satisfaisait pas aux exigences de la Commission Européenne.

Et alors, histoire de faire comprendre très clairement à Poutine à qui cet ancien pays satellite de la sphère soviétique devait faire allégeance, l’OTAN a déployé 12 F-15 et 180 militaires sur la base aérienne bulgare de Graf Ignatievo.

Le colonel Steve Warren, porte-parole du Pentagone, a annoncé lundi qu’une douzaine de F-15 et approximativement 180 personnes de la 493ème escadrille de la Royal Air Force basée à Lakenheath, Angleterre, ont été déployées sur la base de Graf Ignatievo, afin de participer à un exercice conjoint avec l’armée de l’air bulgare.

L’exercice a commencé lundi et continuera jusqu’au 1er septembre.

L’objectif de ce déploiement est de « mener des entraînements se concentrant sur l’entretien d’un état de préparation commun tout en développant l’interopérabilité », a déclaré Warren.

La décision intervient à un moment où les partenaires de l’Est européen, alliés de l’Amérique, s’inquiètent d’une possible intervention militaire russe en Ukraine. Ils craignent que Moscou tente de déstabiliser d’autres pays de la région.

« C’est le reflet de notre inébranlable engagement à améliorer la sécurité dans la région », dit Warren à propos de l’exercice.

Nous avions conclu par la question : « On se demande quelle sera la réaction de Poutine ? »

Nous avons maintenant la réponse : plus tôt aujourd’hui, dans une annonce stupéfiante, Poutine a annoncé la fin du projet South Stream. Comme le rapporte le Wall Street Journal, « Poutine a annoncé que Moscou mettait fin au projet South Stream de Gazprom, qui devait fournir du gaz naturel à l’Europe par un pipeline sous-marin vers la Bulgarie, rendant l’Union Européenne responsable du sabordage du projet ».

« Nous n’avons pas pu obtenir les autorisations nécessaires de la Bulgarie, et nous ne pouvons donc poursuivre ce projet. Nous ne pouvons pas faire tous les investissements pour être stoppés à la frontière bulgare, a dit M. Poutine. Bien sûr, c’est le choix de nos amis européens. »

« Nous pensons que la position de la Commission européenne n’était pas constructive, a déclaré M. Poutine. Si l’Europe ne veut pas le réaliser, il ne sera pas réalisé. »

Poutine a raison : l’Europe – à l’exclusion de l’Autriche – a vu des résistances grandissantes à South Stream ces derniers mois, à mesure de l’intensification de la crise en Ukraine. L’UE craint que ce projet ne conforte la position dominante de la Russie en tant que fournisseur de gaz naturel. La Russie répond déjà à presque 30% des besoins annuels de l’Europe.

Que fait alors Poutine ? Il signe un accord stratégique avec la Turquie, un membre de l’OTAN, le seul pays d’Europe a être tout sauf européen (à cause de l’éternel veto de l’Allemagne, qui en refuse l’intégration par peur d’une vague migratoire de travailleurs au rabais) et qui, dernièrement, a été de plus en plus anti occidental, pour construire un nouveau méga-pipeline vers la Turquie. Comme le rapporte RT, Aleksey Miller, le président de Gazprom, a dit que le géant de l’énergie construira un pipeline qui partira de la Russie, traversera la Turquie et s’arrêtera à la frontière grecque – donnant par là à la Russie accès au marché du sud de l’Europe. Dans les faits, la Russie gardera son accès aux marchés de South Stream.

Le pipeline aura une capacité annuelle de 63 milliards de mètres cubes. Un total de 14 milliards de mètres cubes sera livré à la Turquie, le deuxième plus gros client de Gazprom de la région après l’Allemagne.

Le ministre russe de l’énergie, Alexandre Novak, a dit que le nouveau projet comprendra une plate-forme de distribution spécialement construite sur la frontière turco-grecque pour des clients du sud de l’Europe.

Dans une conférence de presse conjointe de Poutine et du leader turc Erdogan, le Russe a dit que l’approvisionnement en gaz russe à la Turquie sera augmenté de 3 milliards de mètres cubes, à travers le pipeline déjà opérationnel Blue Stream. L’année dernière, 13,7 milliards de mètres cubes ont été fournis à la Turquie via le Blue Stream, selon Reuters.

Et un bénéfice additionnel accompagne le fait de devenir un allié privilégié de la Russie : Moscou réduira la facture de gaz de la Turquie de 6% à partir du premier janvier 2015, selon Poutine. Par la suite, Novak a dit que la réduction pourrait atteindre 15%, à négocier. Pauvre Ukraine.

Et pauvre Bulgarie, qui malgré sa dépendance totale au gaz russe pour ses besoins commerciaux, industriels et résidentiels, a décidé de se mettre du côté de l’Union Européenne en train de sombrer, devenant ainsi le dernier état vassal insolvable d’une zone euro qui coule, ce que Poutine a bien fait comprendre au cours de la conférence d’aujourd’hui.

  • POUTINE : La Bulgarie incapable d’agir en tant qu’état souverain sur la connexion gazière inter-états.
  • POUTINE : La Russie en passe de réorienter ses ressources énergétiques vers d’autres marchés. Source : IFX

La Bulgarie peut désormais s’attendre à ce que les coûts de son gaz prennent hardiment le chemin qu’avaient auparavant si hardiment suivi les prix de l’énergie de l’Ukraine.

Quant à la Turquie, le pays qui relie l’Europe à l’Asie n’est que la dernière expansion de l’alliance anti-dollar de Poutine.

Ou, comme Obama le dirait, la Russie vient juste de se retrouver encore plus « isolée ».

Source : Zero Hedge, le 01/12/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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L’Europe pourrait faire face à un désastre du fait de l’annulation de South Stream, déclare une compagnie tchèque 

L’annulation du projet de gazoduc South Stream est synonyme de désastre pour les pays baltes, ainsi que pour la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et l’Autriche, a déclaré le directeur de marketing d’une compagnie de gaz tchèque.

Moscou, le 2 décembre (Sputnik) – Les conséquences du retrait du projet de gazoduc South Stream pourraient s’avérer désastreuses pour certains états européens, a déclaré mardi le directeur de marketing de la compagnie de gaz tchèque Vemex.

« L’annulation du projet [South Stream] se traduira par un désastre pour les pays baltes, la Bulgarie, la Serbie ainsi que pour la Hongrie et l’Autriche », a dit Hugo Kyselka.

« Je parle avant tout des actions du gouvernement bulgare et de ses “associés” européens, qui ont délibérément “coulé” le projet [South Stream]. Ils ont fait une bourde énorme et ont causé un dommage réel à la sécurité énergétique européenne », a-t-il ajouté.

Selon Kyselka, il est « très dangereux de compter sur des ressources en matières premières situées à des milliers de kilomètres de celui qui les utilise sans prendre en compte la situation politique des pays où elles se trouvent. »

Le directeur de marketing de Vemex a aussi souligné que « Bruxelles a prouvé que les besoins des gens ordinaires ne l’intéressaient pas, que seuls ses buts politiques comptaient » et « a entamé avec les électeurs un jeu très dangereux. »

Kyselka a noté que « la Russie et la Turquie ont sans aucun doute gagné la partie du South Stream, tandis que l’Union Européenne a fait un mauvais choix et a tout perdu. »

Plus tôt ce lundi, le président russe Vladimir Poutine a dit, après une réunion avec son homologue turc, que la Russie augmenterait bientôt les livraisons de gaz à la Turquie de trois milliards de mètres cubes par an via le Blue Stream, un pipeline déjà opérationnel traversant la mer Noire. Le dirigeant russe a aussi annoncé que la Russie ne souhaitait plus mettre en œuvre le projet South Stream, à la lumière de la position « non-constructive » de la Commission Européenne sur cette question.

En 2012, le géant de l’énergie Gazprom avait annoncé la construction d’un pipeline à travers la mer Noire pour réduire les risques d’interruption de la livraison du gaz russe en Europe du Sud et en Europe centrale à travers l’Ukraine. Le pipeline devait être entièrement opérationnel avant 2018.

Cependant, la Commission Européenne a eu une position critique sur le projet, arguant qu’il est illégal de simultanément posséder un pipeline et de produire le gaz naturel qui y circule.

Moscou a insisté sur le fait que la construction du pipeline n’entre pas en contradiction avec les règles en vigueur.

Source : Sputnik News, le 02/12/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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South Stream bloqué, la « claque » des États-Unis à l’Union européenne

par Manlio Dinucci, Géographe et géopolitologue. 5/12/2014

Contrairement à l’idée répandue dans les médias européens, montre Manlio Dinucci, le renoncement à la construction du gazoduc South Stream n’est pas simplement un coup dur pour la Russie qui y perd 4,5 milliards de dollars, mais surtout pour les membres de l’Union européenne. Ceux-ci perdent de gigantesques contrats de construction, les royalties qu’aurait occasionnées le passage du gazoduc sur leur territoire, et le développement économique facilité par une énergie bon marché. Il s’agit sans aucun doute de la pire catastrophe économique que l’UE ait jamais connue.

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« La Russie pour le moment est obligée de se retirer du projet South Stream, à cause du manque de volonté de l’Union européenne de le soutenir et du fait qu’elle n’a toujours pas reçu l’autorisation de la Bulgarie de faire passer le gazoduc sur son propre territoire » : voilà comment le président russe Vladimir Poutine a annoncé l’arrêt du projet South Stream, le gazoduc qui aurait dû amener le gaz russe dans l’Union européenne à travers un corridor énergétique méridional, sans passer par l’Ukraine. De cette façon, écrit l’agence Ansa, Moscou « donne une claque à l’Europe ». En réalité c’est Washington qui donne une autre forte claque à l’Europe, en bloquant un projet de 16 milliards d’euros qui aurait pu être de grande importance économique pour les États de l’UE, en commençant par l’Italie où aurait dû être construit le terminal du gazoduc.

Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut reprendre l’histoire du South Stream. Le projet naît de l’accord de partenariat stratégique, stipulé par la compagnie publique russe Gazprom et par l’italienne Eni en novembre 2006, pendant le gouvernement Prodi II. En juin 2007 le ministre pour le développement économique, Pierluigi Bersani, signe avec le ministre russe de l’industrie et de l’énergie le mémorandum d’entente pour la réalisation du South Stream. Le projet prévoit que le gazoduc sera composé d’un tronçon sous-marin de 930 km à travers la Mer Noire (en eaux territoriales russes, bulgares et turques) et par un tronçon sur terre à travers la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Italie jusqu’à Tarvisio (Province d’Udine).

En 2012 entrent aussi dans la société par actions qui finance la réalisation du tronçon sous-marin la société allemande Wintershall et la française EDF à hauteur de 15 % chacune, alors qu’Eni (qui a cédé 30 %) détient 20 % et Gazprom 50 % des actions.

La construction du gazoduc commence en décembre 2012, avec l’objectif de lancer la fourniture de gaz pour 2015. En mars 2014, Saipem (Eni) s’adjudique un contrat de 2 milliards d’euros pour la construction de la première ligne du gazoduc sous-marin.

Entre temps, cependant, éclate la crise ukrainienne et les États-Unis font pression sur les alliés européens pour qu’ils réduisent les importations de gaz et de pétrole russes. Premier objectif états-unien : empêcher la réalisation du South Stream.

À cet effet Washington exerce une pression croissante sur le gouvernement bulgare pour qu’il bloque les travaux du gazoduc. D’abord il le critique pour avoir confié la construction du tronçon bulgare du gazoduc à un consortium dont fait partie la société russe Stroytransgaz, sujette à des sanctions états-uniennes.

Puis l’ambassadrice US à Sofia, Marcie Ries, avertit les hommes d’affaires bulgares d’éviter de travailler avec des sociétés sujettes à des sanctions de la part des USA.

Un grand coup de main est donné à Washington par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui annonce l’ouverture d’une procédure de l’Union contre la Bulgarie pour de présumées irrégularités dans les appels d’offre du South Stream. Le moment décisif est celui où, en juin dernier, arrive à Sofia le sénateur états-unien John McCain, qui rencontre le premier ministre bulgare Plamen Oresharski en lui transmettant les ordres de Washington [1]. Immédiatement après Oresharski annonce le blocus des travaux du South Stream, dans lequel Gazprom a déjà investi 4,5 milliards de dollars.

En même temps la compagnie états-unienne Chevron commence les perforations en Pologne, en Roumanie et en Ukraine pour extraire les gaz de schiste bitumineux, par la technique de fracturation hydraulique : on injecte dans les strates rocheuses profondes des jets d’eau et de solvants chimiques à haute pression. Cette technique est extrêmement dangereuse pour l’environnement et la santé, à cause surtout de la pollution des nappes phréatiques. Le projet de Washington de remplacer le gaz naturel russe, importé par l’UE, par celui extrait des schistes bitumineux en Europe et aux États-Unis, est un véritable bluff, à la fois par ses coûts élevés et par les dommages environnementaux et sanitaires de cette technique d’extraction. Et, en effet, en Pologne et en Roumanie plusieurs communautés locales se rebellent.

À la suite du blocus de South Stream, a annoncé Poutine, la Russie est obligée de « réorienter ses fournitures de gaz ». Celles destinées à la Turquie vont augmenter, à travers le gazoduc Blue Stream. Et vont augmenter surtout celles vers la Chine. Gazprom lui fournira, d’ici 2018, 38 milliards de mètres cubes de gaz par an, c’est-à-dire environ un quart de celui qu’elle fournit aujourd’hui à l’Europe. Se servant aussi d’investissements chinois prévus pour 20 milliards de dollars, Moscou projette de potentialiser l’oléoduc entre la Sibérie orientale et le Pacifique, en l’accompagnant d’un gazoduc de 4000 km pour approvisionner la Chine. Pékin est aussi intéressé pour des investissements en Crimée, notamment pour la production et l’exportation de gaz naturel liquéfié.

Les perdants sont les États de l’UE : la Bulgarie, par exemple, devra renoncer à des droits de transit de l’ordre de 500 millions de dollars annuels. En Italie, à peine annoncée l’arrêt du projet South Stream, l’action Saipem en bourse a subi, à la suite des ventes, une chute continue, descendant au niveau le plus bas des six dernières années. Avec le blocus de South Stream, Saipem perd, outre le contrat pour la construction de la première ligne du gazoduc sous-marin, un autre contrat pour les travaux de support de la seconde ligne, pour une valeur totale de 2,4 milliards d’euros, auxquels se seraient ajoutés d’autres contrats si le projet avait été poursuivi.

On prévoit de lourdes répercussions sur l’emploi. À la suite de l’effacement du projet South Stream seront annulées ou re-dimensionnées les nouvelles embauches que Saipem prévoyait pour augmenter ses propres effectifs en Italie. On n’exclut pas non plus une coupe dans les effectifs actuels. L’effacement du projet South Stream assène donc un coup dur non seulement à Saipem mais à d’autres secteurs de l’industrie et des services, au moment critique où chute la production et, en conséquence, l’emploi. Il suffit de penser que le terminal de Tarvisio, prévu dans le projet originaire, aurait pu être le hub de distribution du gaz russe et donc source de fortes recettes et d’augmentation de l’embauche.

Tout cela est à présent devenu vain. Tandis que tirent avantage de cet arrêt du South Stream les compagnies états-uniennes comme Chevron, engagées à remplacer le gaz russe fourni à l’UE.

Il ne reste qu’à remercier « l’ami américain ».

Manlio Dinucci

Traduction : Marie-Ange Patrizio

Source : Il Manifesto (Italie)

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L’observation des réactions à l’annulation du projet South Stream a été jubilatoire, mais elle nécessite d’être expliquée très attentivement. Afin de comprendre ce qui est arrivé, il est d’abord utile de revenir sur la façon dont les relations russo-européennes se sont développées au cours des années 1990.

À l’époque, il ne faisait aucun doute que la Russie deviendrait le grand fournisseur d’énergie et de matières premières de l’Europe. C’était la période de la grande ruée vers le gaz, quand les Européens anticipaient des fournitures russes illimitées et infinies. L’accroissement du rôle du gaz russe dans le mélange énergétique européen a permis à l’Europe de se défaire de son industrie au charbon, de diminuer ainsi ses émissions de CO2 et par ailleurs d’intimider et donner des leçons au monde entier, pour qu’il fasse pareil.

Cependant, les Européens n’imaginaient pas que la Russie ne leur fournirait que de l’énergie. Ils croyaient fermement que cette énergie russe serait extraite pour eux, et par les sociétés énergétiques occidentales. Après tout, c’était la tendance générale dans la plupart des pays en cours de développement. L’Union européenne qualifie cette méthode de sécurité énergétique (un euphémisme pour justifier l’extraction énergétique dans d’autres pays, sous le contrôle de ses propres entreprises).

Mais cela ne s’est pas passé ainsi. Bien que l’industrie pétrolière russe ait été privatisée, elle est néanmoins restée principalement entre les mains de Russes. En 2000, peu après l’arrivée de Poutine au pouvoir, la tendance de privatiser l’industrie pétrolière s’est inversée. Une des principales raisons de la colère de l’Ouest a été l’arrestation de Khodorkovski, la fermeture de Ioukos, puis le transfert de ses actifs à la société pétrolière d’État Rosneft, marquant ainsi l’inversion de la politique de privatisation de l’industrie pétrolière.

Dans l’industrie gazière, le processus de privatisation n’a jamais vraiment démarré. Les exportations de gaz ont continué à être contrôlées par Gazprom, préservant sa position de monopole d’État dans l’exportation de gaz. Depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, la position de Gazprom comme monopole d’État a été complètement sécurisée.

Une grande partie de la colère de l’Ouest à l’égard de Poutine s’explique par le ressentiment européen et occidental, de son refus, ainsi que de celui du gouvernement russe, d’éclater les monopoles énergétiques russes et d’ouvrir (c’est un euphémisme) l’industrie aux avantages des entreprises occidentales.

Un bon nombre d’allégations de corruption, portées régulièrement contre Poutine personnellement, ne sont destinées qu’à insinuer qu’il s’oppose à l’ouverture de l’industrie russe de l’énergie, ainsi qu’à l’éclatement et à la privatisation de Gazprom et de Rosneft, parce qu’il a un intérêt personnel investi en eux, et, dans le cas de Gazprom, qu’il en est en fait le propriétaire. Si l’on examine en détail les allégations spécifiques de corruption portées contre Poutine (comme je l’ai fait), cela devient évident.

L’ordre du jour visant à forcer la Russie à privatiser et à briser ses monopoles énergétiques n’a jamais disparu. C’est pourquoi Gazprom, malgré le service essentiel et fiable qu’elle assure à ses clients européens, est assujettie à tant de critiques. Quand les Européens se plaignent de la dépendance énergétique de l’Europe à la Russie, ils expriment leur ressentiment d’avoir à acheter du gaz à une seule société d’État russe (Gazprom), et non pas aux sociétés occidentales opérant en Russie.

Ce ressentiment est lié à la conviction, très ancrée en Europe, que la Russie est, en quelque sorte, dépendante de l’Europe, aussi bien comme client énergétique, que comme fournisseur de finances et de technologie.

C’est cette combinaison de ressentiment et d’excès de confiance qui se cache derrière les tentatives européennes répétées de légiférer sur les questions énergétiques, afin de forcer la Russie à ouvrir son secteur de l’énergie.

La première tentative a été ladite Charte de l’énergie, que la Russie a signée, mais a finalement refusé de ratifier. La dernière tentative de l’Union européenne était ledit Troisième paquet énergie. Ce paquet a été présenté comme un développement de la loi anti-concurrence et anti-monopole de l’Union européenne. En réalité, comme chacun le sait, il s’adressait à Gazprom, qui est un monopole, mais bien évidemment pas européen.

Tel est l’arrière-plan du conflit sur South Stream. Les autorités de l’Union européenne ont insisté pour que South Stream se conforme au troisième paquet énergie [1], bien que celui-ci n’ait vu le jour qu’après que les accords-cadres ont été conclus.

Conformément au troisième paquet énergieGazprom devait fournir le gaz, mais n’aurait eu ni la propriété de celui-ci, ni le contrôle du gazoduc destiné à l’acheminement.

Si Gazprom avait accepté cela, il aurait reconnu de fait l’autorité de l’Union européenne sur ses opérations, ce qui aurait constitué, sans aucun doute, le précédent d’une série de futures exigences de changement de ses méthodes d’opération. En fin de compte, cela conduirait à des exigences de changement dans les structures de l’industrie de l’énergie, en Russie même.

Ce qui vient d’arriver est que les Russes ont dit non. Plutôt que de poursuivre le projet en se soumettant aux exigences européennes, comme s’y attendaient les Européens, les Russes, à l’étonnement de tout le monde, se sont retirés de l’ensemble du projet.

Cette décision était complètement inattendue. Alors que j’écris cet article, l’air est surchargé de plaintes colériques de la part des pays de l’Europe du Sud-est, qui n’ont pas été consultés, ni même informés à l’avance de cette décision. Plusieurs hommes politiques en Europe du Sud-Est (Bulgarie en particulier) s’accrochent désespérément à l’idée que l’annonce russe n’est qu’un bluff (ça ne l’est pas) et que le projet peut encore être sauvé. Du fait que les Européens s’agrippaient à l’idée d’être la seule alternative comme clients pour les Russes, ils ont été incapables de prévoir cette décision et ils sont maintenant incapables de l’expliquer.

Il est primordial d’expliquer pourquoi South Stream est important pour les pays de l’Europe du Sud-est et pour l’économie européenne dans son ensemble.

Toutes les économies du Sud-est européen sont en mauvais état. Pour ces pays, South Stream était un projet d’investissement et d’infrastructures vital, assurant leur avenir énergétique. En outre, les frais de transit qui s’y rattachaient auraient assuré une importante source de devises étrangères.

Pour l’Union européenne, le point essentiel est qu’elle est dépendante du gaz russe. D’intenses discussions ont eu lieu en Europe sur la recherche d’autres approvisionnements. Les progrès dans ce sens se sont révélés, tout au plus, médiocres. Tout simplement, les fournitures alternatives n’existent pas en quantité nécessaire pour remplacer le gaz que l’Europe reçoit de la Russie.

On a courageusement évoqué la livraison de gaz naturel liquéfié venant des États-Unis, pour remplacer le gaz fourni par gazoduc de la Russie. Non seulement le gaz étasunien est de manière inhérente plus coûteux que le gaz russe, ce qui frapperait durement les consommateurs européens et affecterait la compétitivité européenne, mais il est peu probable qu’il soit disponible en quantité suffisante. Mis à part les probables effets modérateurs de la récente chute des prix du pétrole sur l’industrie de schiste des États-Unis, compte tenu de ses antécédents de consommateur d’énergie vorace, ce pays consommera la plus grande partie sinon la totalité de l’énergie de schiste qu’il produira. Par conséquent, il est peu probable que les États-Unis puissent exporter grand-chose vers l’Europe. Il n’y a même pas les installations pour le faire, et si jamais elles devaient être construites, il faudrait un bout de temps.

Les autres sources possibles de gaz de l’Union européenne sont pour le moins problématiques.

La production de gaz en mer du Nord est en baisse. Les importations de gaz d’Afrique du Nord et du golfe Persique sont peu susceptibles d’être disponibles dans les quantités nécessaires, tant s’en faut. Le gaz iranien n’est pas disponible pour des raisons politiques. Bien que cela puisse éventuellement changer, il est probable que les Iraniens (comme les Russes) décideront de diriger leur flux d’énergie vers l’Est, l’Inde et la Chine, plutôt que vers l’Europe.

Pour des raisons évidentes de géographie, la Russie est la source de gaz la plus logique et la plus économique pour l’Europe. Toutes les autres options impliquent des coûts économiques et politiques qui les rendent rédhibitoires.

Les difficultés de l’Union européenne à trouver d’autres sources alternatives de gaz ont été cruellement exposées dans la débâcle de l’autre projet de gazoduc, Nabucco, qui devait acheminer du gaz du Caucase et d’Asie centrale vers l’Europe. Bien que le projet ait fait l’objet de discussions pendant des années, sa construction n’a jamais démarré, car, économiquement, il n’était pas rationnel.

Pendant ce temps, alors que l’Europe parle de diversifier ses approvisionnements, c’est la Russie qui matérialise des accords.

La Russie a scellé un accord clé avec l’Iran pour l’échange de pétrole iranien contre des produits industriels russes. La Russie a également accepté d’investir massivement dans l’industrie nucléaire iranienne. Si les sanctions contre l’Iran sont levées, ce jour-là les Européens trouveront les Russes déjà sur place. La Russie vient de conclure un accord massif de fourniture de gaz avec la Turquie (dont nous parlerons plus loin). Éclipsant ces accords, la Chine et la Russie ont conclu cette année deux énormes contrats de fourniture de gaz.

Les ressources énergétiques de la Russie sont énormes, mais pas infinies. Le deuxième accord avec la Chine et celui qui vient d’être conclu avec la Turquie, fait pivoter vers ces deux pays le gaz qui était précédemment affecté à l’Europe. Les volumes de gaz impliqués dans l’accord turc correspondent presque exactement à ceux précédemment destinés à South Stream. L’accord turc remplace South Stream.

Ces offres démontrent que la Russie a pris cette année la décision stratégique de réacheminer son flux énergétique à l’écart de l’Europe.

Même si les effets prendront du temps avant de se faire sentir, les conséquences pour l’Europe seront sombres. L’Europe cherche à combler un sérieux déficit énergétique. Elle ne sera en mesure de le faire que par l’achat d’énergie à un prix beaucoup plus élevé.

Les accords passés par la Russie avec la Chine et la Turquie ont été critiqués, et même ridiculisés en raison du faible prix obtenu par la Russie pour son gaz, par rapport à celui payé par l’Europe.

La différence réelle du prix n’est pas aussi importante que d’aucuns le prétendent. Cette critique ne tient pas compte du fait que le prix ne constitue qu’une partie des relations d’affaires.

En redirigeant son gaz vers la Chine, la Russie cimente les liens économiques avec le pays qu’elle considère désormais comme son allié stratégique clé, et qui a (ou qui aura bientôt) l’économie la plus importante et la croissance la plus forte du monde. En redirigeant son gaz vers la Turquie, la Russie consolide une relation naissante avec la Turquie et devient maintenant son plus important partenaire commercial.

La Turquie est un allié potentiel clé pour la Russie, consolidant la position de cette dernière dans le Caucase et la mer Noire. C’est aussi un pays de 76 millions d’habitants, avec un produit intérieur brut de 820 milliards de dollars en 2013 et une forte croissance, qui, ces deux dernières décennies, s’est de plus en plus aliénée et éloignée de l’Union européenne et de l’Ouest.

Par contre, en déroutant son gaz loin de l’Europe, la Russie s’éloigne d’un marché gazier économiquement stagnant et qui lui est (comme les événements de cette année l’ont démontré) irrémédiablement hostile. Personne ne devrait être surpris que la Russie renonce à une relation qui a été pour elle la cause d’un torrent ininterrompu de menaces et d’injures, combinés avec des leçons moralisatrices, des ingérences politiques et maintenant des sanctions. Aucune relation, d’affaires ou autre, ne peut fonctionner de cette façon et celle existant entre la Russie et l’Europe n’y fait pas l’exception.

Je n’ai rien dit à propos de l’Ukraine, parce que, à mon avis, cela a peu d’incidence sur ce sujet.

South Stream était au départ conçu pour répondre aux continuels abus de l’Ukraine, de par sa position de pays de transit (abus qui vraisemblablement continueront). Ce fait a été reconnu par l’Europe, autant que par la Russie. C’est parce que l’Ukraine a de manière persistante abusé de sa position de pays de transit que le projet South Stream a obtenu, bien qu’avec réticence, l’approbation officielle de l’Union européenne. Fondamentalement, l’Union européenne, tout autant que la Russie, avait besoin de contourner l’Ukraine, pour sécuriser ses approvisionnements en énergie.

Les amis de l’Ukraine à Washington et à Bruxelles n’ont jamais été heureux à ce sujet, et ont constamment fait pression contre le projet South Stream.

Il faut souligner que c’est la Russie qui a torpillé South Stream, tout en ayant le choix d’aller de l’avant, en acceptant les conditions des Européens. En d’autres termes, par rapport à South Stream, les Russes considèrent les problèmes posés par le transit à travers l’Ukraine comme un moindre obstacle que les conditions imposées par l’Union européenne.

South Stream aurait pris des années à construire et son annulation n’a par conséquent aucune incidence sur la crise ukrainienne actuelle.

Les Russes ont décidé qu’ils pouvaient se permettre d’annuler le projet, estimant qu’il était plus avantageux pour leur pays de vendre ses ressources énergétiques à la Chine, à la Turquie et à d’autres pays en Asie (des projets gaziers sont en cours avec la Corée et le Japon, et peut-être aussi avec le Pakistan et l’Inde) plutôt qu’à l’Europe. Considérant la question ainsi, pour la Russie, South Stream a perdu de son intérêt. C’est pourquoi, avec la manière directe qui les caractérise, les Russes, plutôt que d’accepter les conditions des Européens, ont préféré saborder le projet.

Ce faisant, les Russes ont pris les Européens au mot. En l’occurrence, la Russie loin de dépendre de l’Europe comme client énergétique, a été contrariée, peut-être irrémédiablement, par l’Europe, dont elle est le partenaire clé économique et le fournisseur d’énergie.

Avant de terminer, j’aimerais dire quelque chose sur ceux qui pâtissent le plus de toute de cette affaire. C’est le cas des pygmées politiques corrompus et incompétents qui prétendent gouverner la Bulgarie. Si ces gens avaient eu un minimum de dignité et de fierté, ils auraient dit à la Commission européenne, quand elle a soulevé le Troisième paquet énergie, d’aller se faire voir. Si la Bulgarie avait clairement affiché son intention d’aller de l’avant avec le projet South Stream, il aurait sans aucun doute été construit. Il y aurait eu évidemment une sacrée bagarre au sein de l’Union européenne, parce que la Bulgarie aurait ouvertement bafoué le Troisième paquet énergie, mais elle aurait agi selon ses intérêts nationaux et n’aurait pas manqué d’amis au sein de l’Union européenne. Au bout du compte, elle aurait eu gain de cause.

Au lieu de cela, sous la pression de personnes comme le sénateur John McCain, les autorités bulgares se sont comportées comme les vassaux qu’ils sont, et ont essayé de courir après deux lièvres à la fois, l’Union européenne et la Russie.

Le résultat de cette politique imbécile a été d’offenser la Russie, son allié historique. Ainsi, le gaz russe, au lieu d’approvisionner et de transformer le pays, s’écoulera désormais vers la Turquie, son ennemi historique.

Les Bulgares ne sont pas les seuls à avoir agi d’une façon si timorée. Tous les pays de l’Union européenne, même ceux qui sont historiquement liés avec la Russie, ont soutenu divers paquets de sanctions de l’Union européenne contre les Russes, malgré les doutes qu’ils ont exprimés au sujet de cette politique. L’année dernière, la Grèce, un autre pays avec des liens étroits avec la Russie, est sortie d’un accord, pour vendre sa société de gaz naturel à Gazprom (qui offrait le meilleur prix), parce que l’Union européenne l’a désapprouvé.

Ceci appelle une morale plus générale. Chaque fois que les Russes agissent comme ils viennent de le faire, les Européens réagissent avec perplexité et colère. Et c’est assez fréquent ces jours-ci.

Les politiciens de l’Union européenne, qui prennent les décisions à l’origine des actions russes, semblent agir convaincus que c’est très bien pour l’Union européenne de sanctionner à volonté la Russie, mais que cette dernière ne fera jamais la même chose à l’Union européenne. Quand la Russie le fait, il y a de l’étonnement, toujours accompagné d’un flot de commentaires mensongers à propos du comportement agressif de la Russie, qui agit contrairement à ses intérêts ou affirmant qu’elle aurait subi une défaite. Rien de tout cela n’est vrai, comme la colère et les récriminations qui se propagent actuellement dans les couloirs de l’Union européenne (dont je suis bien informé) en témoignent.

En juillet 2014, l’Union européenne a cherché à paralyser l’industrie pétrolière russe en sanctionnant l’exportation de la technologie de forage pétrolier. Cette tentative échouera certainement, car la Russie et les pays avec qui elle négocie (dont la Chine et la Corée du Sud) sont parfaitement capables de la lui fournir.

En revanche, par le biais des accords conclus cette année avec la Chine, la Turquie et l’Iran, la Russie a porté un coup dévastateur à l’avenir énergétique de l’Union européenne. Dans quelques années les Européens commenceront à découvrir que faire la morale et de l’esbroufe a un prix. Peu importe, en annulant South Stream, la Russie a imposé à l’Europe la plus efficace des sanctions que nous ayons vues cette année.

Alexander Mercouris, www.globalresearch.ca

[1] Présenté en janvier 2007, le troisième paquet énergie a été adopté le 13 juillet 2009. Il concerne notamment, dans le domaine du gaz et celui de l’électricité (Wikipédia, français) 

 

 

 

 

 

 

vu sur : http://www.les-crises.fr/sanctions-suicidaires-pour-lue-la-russie-efface-le-south-stream/

 


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