Vaste offensive française dans le nord du Mali
Après la mort d'un sous-officier la veille, les soldats de la force Barkhane étaient jeudi encore engagés dans de violents combats contre les djihadistes.
Ce n'est pas dans les habitudes, mais cette fois-ci l'opération avait été annoncée de longue date. Pour faire face à la résurgence et à la réorganisation des combattants islamistes dans le nord du Mali, Paris avait décidé de lancer une offensive.
L'objectif visé est l'Adrar du Tigharghar, une zone montagneuse du nord-est du pays, et plus précisément l'Ametettaï. Cette vallée est un sanctuaire djihadiste, une oasis où l'on trouve de l'eau et de l'ombre dans un terrain qui ne laisse ailleurs que des cailloux. En mars 2013, au plus fort de l'opération Serval, ces gorges transformées en bunker par al-Qaida avaient été le théâtre de dix jours d'intenses combats entre soldats français et islamistes.
Selon les renseignements amassés, environ 200 militants y ont été de nouveau repérés, «un nombre important pour ce type d'organisation», souligne-t-on au ministère de la Défense.
Déploiement très lent des Casques bleus
Baptisée «Tudelle», l'opération, qui mobilise plusieurs centaines d'hommes de la force Barkhane, a commencé au début de la semaine. Comme en 2013, les forces ont entouré l'Adrar du Tigharghar, bloquant les issues des vallées au sud et à l'ouest. Mercredi à l'aube, une équipe des forces spéciales était lancée contre un campement de plus d'une trentaine de djihadistes, regroupés au fond d'une vallée voisine de l'Ametettaï.
Très bien armés, les islamistes se sont engagés dans un «violent accrochage» où le sergent-chef Thomas Dupuy devait trouver la mort. Ce soldat du commando parachutiste de l'air (CPA) numéro 10 est le dixième militaire français tué au Mali. Deux autres soldats français devaient être blessés. Dans l'assaut, une quinzaine de djihadistes étaient «neutralisés». Les islamistes restants trouvaient refuge dans des grottes ou dans des failles. Jeudi dans l'après-midi, les troupes françaises attaquaient ces derniers bastions. «Les combats continuent, mais nous avons l'avantage», résumait-on à l'état-major. Ce coup de main fait partie d'une attaque plus vaste.
En parallèle, le gros des détachements de Barkhane a commencé à entrer dans la vallée de l'Ametettaï. Le ratissage se poursuivait jeudi et devrait durer encore plusieurs jours.
«Les collusions qui existent entre groupes rebelles et groupes djihadistes sont très nombreuses, si bien qu'il devient extrêmement difficile de distinguer qui est qui»
Tudelle démontre que la menace islamiste est loin d'être écartée au Mali. Pour les experts français, ce n'est pas une surprise. «Nous savions qu'ils reviendraient», souligne-t-on au ministère de la Défense. Mais la rapidité de cette réorganisation était moins attendue. Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et ses alliés, le groupe touareg Ansar Dine, ont d'abord profité du déploiement très lent des forces de l'ONU (Minusma). En dépit des pertes subies - vingt morts -, les Casques bleus, par manque d'équipement et d'effectifs, ont laissé le champ libre aux islamistes. D'où ce puissant réengagement français. Mettant à profit cette vaste zone, où trois frontières (Mali, Niger, Algérie) permettent de fuir rapidement, les militants se sont discrètement infiltrés. «Ils s'adaptent continuellement à la situation et gagnent en discrétion dans leurs déplacements, désormais à moto principalement, et dans leurs modes de communication, utilisant de moins en moins leurs téléphones», souligne Mathieu Pellerin, chercheur à l'Ifri.
Paris se devait aussi d'attendre avant d'attaquer. À l'automne, des négociations étaient en cours en Algérie entre les partis touaregs et le gouvernement de Bamako. «On ne pouvait prendre le risque de tout faire capoter», détaille un diplomate. De fait, «les collusions qui existent entre groupes rebelles et groupes djihadistes sont très nombreuses, si bien qu'il devient extrêmement difficile de distinguer qui est qui», explique Mathieu Pellerin. Cet amalgame est symbolisé par les recrutements d'Aqmi. Si les Arabes y restent nombreux, les groupes locaux, plus ou moins liés à Ansar Dine, seraient en fait les plus actifs.