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UNE LIBANISATION COMMUNAUTARISTE DE LA FRANCE ???

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André Bercoff : «Il faut éviter à tout prix une libanisation de la France »

 

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi, André Bercoff prédit l'implosion de notre modèle social et politique.

 

Il a accordé un long entretien à FigaroVox dans lequel il confie ses craintes pour le pays.

 


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André Bercoff est journaliste et écrivain. Son prochain livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et Moi est paru le 9 octobre 2014 chez First.


Votre livre s'intitule «Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi», chronique d'une implosion annoncée. Pourquoi ce titre?

Quels sont les points communs entre Bernard Tapie et Marine Le Pen ?

André Bercoff: Je cite dans mon livre un ouvrage sur «Le mythe Tapie» paru en 1988 et dû à la journaliste Jeanne Villeneuve.

Elle écrit: «Dès le départ et jusqu'à la fin, derrière Tapie est apparu Le Pen.

A chaque fois. Un peu comme si le second était l'image en négatif du premier». Bien formulé: Tapie est et reste aux antipodes de Le Pen, mais ils ont suscité, de la part d'une partie non négligeable de la population, des adhésions dues au ras-le-bol pour Le Pen, à l'espérance pour Tapie.

Trente ans plus tard, tout a bougé, tout a basculé, mais restent deux évidences: les socialistes qui en 1984 célébraient bruyamment Tapie et l'entreprise, ont retrouvé aujourd'hui avec Valls exactement les mêmes accents pro-business, même si Tapie, lui, est désormais en coulisses.

Quant à Jean-Marie Le Pen, il a été avantageusement remplacé par sa fille, qui a non seulement entamé un travail de dédiabolisation du Front, mais a réussi à transformer en partie un vote de protestation en vote d'adhésion. D'où le titre de mon livre.

Le «moi» n'est évidemment pas manifestation d' egotisme, mais bien l'expression de ma peur d'une certaine libanisation-communautarisation de la France qu'il faut éviter à tout prix.

 

«Peut-on les qualifier comme le fait une partie de la classe politique de populistes»?

Ce terme, aujourd'hui, ne veut plus rien dire. Il a trop longtemps fait le trottoir des polémiques de comptoir pour que l'on continue à l'utiliser.

Il n'est qu'à écouter les discours de la quasi-totalité des politiques, toutes tendances confondues: on est toujours le populiste de quelqu'un. En quoi Mélenchon est-il moins populiste que le Tea Party américain, quand il compare Jérôme Kerviel à Alfred Dreyfus?

http://dai.ly/x2788i9

Dans toutes les corporations, les jacqueries vont croître et se multiplier. La question n'est plus de savoir si l'implosion aura lieu, mais quand et comment.

Dans votre livre, vous prédisez l'implosion du système politique actuel? Comment en est-on arrivé là?

Une Vème République à bout de souffle, en raison notamment du costard taillé à sa mesure par et pour de Gaulle, qui ne correspond plus du tout à notre monde globalisé et totalement bouleversé par les nouvelles technologies d'une part, l'économie-monde de l'autre ; les années de crise d'aujourd'hui, qui ont succédé aux Trente Glorieuses puis aux Trente Stagnantes, font que des millions d'hommes et de femmes n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois.

Ajoutez-y la dette, les impôts, l'insécurité niée par les nantis et vécue douloureusement par les autres, et vous avez le cocktail implosif d'aujourd'hui. Il n'y a qu'à voir la vitesse avec laquelle le gouvernement a supprimé l'éco-taxe face à la fronde annoncée des routiers. Courage, fuyons: dans toutes les corporations, les jacqueries vont croître et se multiplier.

La question n'est plus de savoir si l'implosion aura lieu, mais quand et comment.

http://dai.ly/x27conq

Quel peut-être le scénario de cette implosion? Les «guerres identitaires» vont-elles s'ajouter au marasme économique?

Nous vivons trois crises qui se juxtaposent: la crise économique qui vient d'être évoquée, le malaise identitaire qui fait que certains se réfugient dans un communautarisme, religieux ou non, qui engendre les va-et-vient que l'on sait, et enfin, non moins préoccupante, la crise d'un pouvoir érodé par le fait qu'il ne contrôle plus grand-chose - c'est valable pour tous les pouvoirs démocratiques du monde - et par la guérilla incessante des réseaux sociaux et des révélations sur Internet qui ont quasiment tué tous les secrets, notamment celui de l'instruction, et bientôt celui de la Défense (voir Assange et Snowden).

L'insatisfaction généralisée et l'absence de perspective d'avenir risquent de se transformer en feux de forêts multiples et variés qui gagneront peut-être un jour la plaine. Ne jamais oublier que la France ne s'est réformée qu'après de grands feux d'artifice.

http://dai.ly/x27cufh

Faut-il nécessairement blâmer les politiques? Ont-ils toujours le pouvoir aujourd'hui?

Il faut défendre les politiques, à condition qu'ils cessent de nous raconter qu'ils peuvent tout faire, ce qui est devenu une aimable plaisanterie. Ils sont élus par leurs concitoyens mais doivent immédiatement, une fois au gouvernail, affronter les problèmes d'un monde qui se fout éperdument de leur plan de carrière. Voilà pourquoi les plus brillants ne vont plus en politique: ils ont trop peur de recevoir des coups et de gagner moins d'argent qu'ailleurs.

Le goût du pouvoir séduit encore, heureusement, beaucoup de monde, mais tous constatent à quel point celui-ci est devenu un sport non seulement de combat, mais de survie.

http://dai.ly/x27e6wp

Associer les citoyens le plus possible, notamment par referendum et consultations permanentes, est devenu nécessité vitale

Quels sont les changements fondamentaux qui ont été induits d'une part par la mondialisation et d'autre part par la révolution numérique et comment les politiques peuvent-ils s'adapter à ce nouveau contexte?

Se rappeler que l'Euro n'existait pas du temps de Mitterrand et que le pouvoir européen balbutiait encore. La mondialisation n'était pas devenue un fait aussi évident que le soleil, la pluie et le vent ; quant à la révolution numérique, elle consistait, alors, à faire quelques échanges sur Minitel.

Le politique ne peut plus rien faire tout seul: Dieu a besoin des hommes et nos gouvernements de leurs peuples. Donner la direction, montrer le cap, oui, mais associer les citoyens le plus possible, notamment par referendum et consultations permanentes, est devenu nécessité vitale. Les politiques se doivent d'être au moins autant chorégraphes que stratèges.

Un nouveau type de leader va-t-il émerger? Marine Le Pen et Bernard Tapie -vingt-cinq ans avant elle - en sont-ils les prototypes?

En tout état de cause, ils sont, à vingt-cinq ans d'intervalle, les signes d'un changement très profond des rapports entre l'Etat et la société, le pouvoir et le peuple.

La noblesse capitalo-administrative et le clergé politico-médiatique sont, à tort ou à raison, en état d'illégitimité reconnue.

 

Quant au Tiers-Etat, il est, depuis des décennies, profondément divisé entre abrités et exposés, corporatismes et régimes spéciaux, inégalités flagrantes d'avantages et d'attributions. Mais l'insatisfaction généralisée et l'absence de perspective d'avenir risquent de se transformer en feux de forêts multiples et variés qui gagneront peut-être un jour la plaine.

Ne jamais oublier que la France ne s'est réformée qu'après de grands feux d'artifice.

 

Nous avons hélas besoin d'hommes et de femmes qui se montrent résolument plus pompiers que pyromanes.

http://dai.ly/x27dklb
 
source:   http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/10/10/31001-20141010ARTFIG00308-andre-bercoff-il-faut-eviter-a-tout-prix-une-libanisation-de-la-france.php

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