JAMES FOLEY ET STEVEN SOTLOFF
Pour des cours de désintoxication médiatique
Michel Lhomme
le 08/09/2014
Partagez la douleur des familles : ne regardez pas les vidéos de décapitation ! Subrepticement, on passe ici à un cran supérieur dans l'inquisition médiatique.
La police britannique a mis en garde le public en déclarant que le simple fait de regarder les vidéos de décapitation de James Foley ou de Sotloff peut constituer une infraction pénale en vertu de la législation antiterroriste.
Cette déclaration manifeste une véritable escalade totalitaire. Elle crée un prétexte de mauvais augure pour la libre circulation de l'information sur Internet.
Bientôt, vous ne pourrez plus cliquer sur les sites de vidéos alternatives.
C'est qu'on ne peut censurer les sites mais on peut très bien vous dire que si vous visionnez certains sites, vous en serez responsables et donc jugés, condamnés, arrêtés.
Scotland Yard a ainsi mis en garde le public que l'affichage, le téléchargement ou la diffusion de la vidéo de James Foley dans le Royaume-Uni pourrait constituer une infraction pénale en vertu de la législation antiterroriste. .
En d'autres termes, si vous regardez maintenant une vidéo terroriste, vous êtes aussi un terroriste ! Si vous regardez une vidéo complotiste, je n'ose dire révisionniste ou nazi, vous êtes aussi complotiste, révisionniste ou nazi.
Ainsi, non seulement on pourrait considérer comme une infraction terroriste le fait de poster un lien vers la vidéo de James Foley sur votre page Facebook, mais aussi simplement le fait de regarder le clip chez vous, d'en parler par exemple en classe ou avec des amis, pourraient justifier la saisie de votre matériel ou votre garde à vue.
Pourtant des dizaines de milliers de Britanniques ou de Français ont probablement déjà vu la vidéo.
Alors, que vise réellement l'interdiction de Scotland-Yard ?
Bien évidemment, ils ne peuvent entrer dans toutes les chaumières et menotter tous ceux qui visionnent les vidéos terroristes ! Il s'agit donc d'autre chose. Il s'agit de définir ce qui est visible et non visible mais surtout ce qui est analysable et non analysable.
Il s'agit donc de nous cadrer, nous, les journalistes professionnels ou amateurs. Il s'agit, vieux rêve des contempteurs d'Internet depuis toujours de définir le point de référence exact pour pouvoir déclarer un contenu visible ou non, extrémiste ou non de manière à le mettre hors de portée du grand public et surtout hors de portée de l'analyse.
Il s'agit donc surtout de nous interdire de penser.
En somme, croyez aux images, nous vous inondons d'images mais ne les analysez pas, ne les visionnez pas, ne faites surtout pas d'arrêt sur image, ne réfléchissez pas aux images.
Croyez ce qu'on vous dit, voyez ce qu'on vous dit de voir !
C'est là que, plus que jamais en cette rentrée des classes, s'impose à l'école des cours de désintoxication médiatique et plus que tout, des cours d'analyse visuelle.
On en parle, il est vrai, depuis trente ans et pour répondre à cette demande devenue aujourd'hui subversive, on a introduit des cours d'Histoire de l'art en troisième. Fumisterie ! Les élèves y analysent historiquement des tableaux ou des séquences de films (art classique, pop art, art contemporain).
On les forme en réalité à devenir de futurs visiteurs de musées, des consommateurs de catalogues de commissaires d'expositions (la France est d'abord et avant tout un pays touristique et une réserve d'œuvres d'art) et on évite ainsi l'analyse critique des images du journal.
C'est pourtant le seul vrai travail citoyen qui s'impose le plus urgemment aujourd'hui.
Inventons donc des cours de désintoxication médiatique, décortiquons en cours les images de terroristes !
Source et publication: http://metamag.fr/metamag-2223-JAMES-FOLEY-ET-STEVEN-SOTLOFF-Pour-des-cours-de-desintoxication-mediatique.html