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PIERRE BOULLE, L' ÉCRIVAIN DU CONFLIT DES RACES !

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LA PLANETE DES SINGES : UN PETIT FOND DE FERGUSSON - La grande compétition des espèces et des races

LA PLANETE DES SINGES : UN PETIT FOND DE FERGUSSON


La grande compétition des espèces et des races



Michel Lhomme
le 28/08/2014
Notre collaborateur Jean Ansar évoquait il y a peu la huitième adaptation cinématographique de La Planète des singes du roman de l'écrivain français, décédé en 1994, Pierre Boulle. Mais qui était donc Pierre Boulle ?
 
Ancien combattant de la seconde guerre mondiale, l'écrivain pessimiste connut un itinéraire opposé à celui de Rimbaud.
 
A savoir, il fut d'abord aventurier avant d'être à sa plume alors que le poète de Charleville termine sa vie trafiquant des armes en Ethiopie et mourant inconnu dans le port de Marseille.
 
Boulle, lui, décède tranquillement, les choses tout à fait en ordre, à l'âge de 81 ans dans un luxueux appartement parisien du seizième arrondissement, après avoir gagné beaucoup d'argent de ses vingt-cinq romans mais surtout de leurs diverses adaptations cinématographiques.

 
Avant le succès littéraire, Boulle connut l'audace. Il vécut à sa manière le côté rocambolesque de l'auteur des Illuminations. A vingt-quatre ans, il partit en Malaisie à Kuala Lumpur pour travailler dans l'industrie du caoutchouc puis la seconde guerre mondiale déclarée, il rejoint les Forces françaises libres dans le sud-est asiatique, devient agent secret et en 1943, est fait prisonnier par ses compatriotes restés fidèles au Maréchal Pétain.
 
Deux ans de travaux forcés d'où naquit l'expérience qui alimentera Le Pont de la rivière Kwaï publié en 1952.
Ce livre sur un colonel britannique orgueilleux et quelque peu aristo et son groupe de prisonniers humiliés par les Japonais fut l'un des plus grands succès de l'écrivain français.
C'est l'adaptation cinématographique de David Lean en 1958 qui, avec ses sept Oscars permettra d'ailleurs à Boulle de vivre aisément dans le 16ème et nous livrera ce personnage élégant des lettres, toujours un peu à part et photographié en costume et cravate. 

L'autre grand succès de l'auteur, encore plus phénoménal, c'est la Planète des singes, un roman de 200 pages sorti en 1963 et considéré comme de la science-fiction. Pourtant, Boulle ne considéra jamais La Planète des Singes comme tel.
 
Dans une édition DVD de l'adaptation cinématographique de 1968, la première, celle de Franklin J. Schaffner, Pierre Boulle déclare dans un entretien : « Honnêtement la science-fiction n'est qu'un prétexte pour raconter une histoire. En toute rigueur, les singes de mon livre sont seulement des humains ».
 
De formation scientifique, diplôme d'ingénieur électricien de Supélec en poche, Boulle écrira toute sa vie. Quand il mourut, en 1994, il avait connu cinq adaptations de La Planète des singes, sans compter la série de la télévision française.
 
 
La planète des singes, l'affrontement du réalisateur Matt Reeves qui vient de sortir sur nos écrans est une adaptation plutôt brillante et remarquablement réussie dans ses effets spéciaux (on l'a vu, en plus, dans une salle 4D).
 
Elle raconte la lutte sans pitié entre des humains survivants d'un virus hautement dangereux et les singes dont le leader et personnage central est César (interprété par Andy Serkis).
 
En réalité, s'il ne reste dans le détail pas grand chose du livre de Boulle dans cette huitième adaptation, on y retrouve tout de même la fascination de l'auteur pour le thème d'une civilisation subjuguée par les règles d'une autre et qui tente et parvient tout de même à se maintenir. 

Le texte de Boulle était au départ une dissertation sur le darwinisme social qu'il revisitait à sa manière. Dans son récit, il imagine que l'évolution naturelle déchoit l'homme de sa prééminence sur les autres espèces vivantes au profit des singes. Cette idée singulière lui serait venue après une visite au zoo de Vincennes. « Je crois qu'en regardant les gorilles, en observant leurs mouvements et les expressions de leurs visages, je me rendis compte qu'ils étaient semblables à nous. J'étais impressionné par leurs expressions quasi-humaines. Cela m'amena à imaginer ce que donnerait une relation homme/singe », confiait-il dans un entretien. 

D'aucuns ont cru voir des similitudes entre Le pont de la rivière Kwaï et La Planète des singes. Dans les deux histoires en effet, un groupe d'individus inférieurs de conditions se fait dominer par un autre mais dans les deux œuvres, l'orgueil a fini par détrôner l'autorité naturelle et la supériorité des singes comme de Saïto n'est qu'une supériorité factice, celle de l'imitation et non de la connaissance. Elle ne tient pas plus à la raison qu'à la force.
 
Le code d'honneur du colonel Nicholson dans Le pont de la rivière Kwaï finit par être ainsi aussi inutile que les appels au secours des humains dans La Planète des singes.

Boulle, l'écrivain du conflit des races

Traduite en plus de vingt langues, l'œuvre de Boulle eut un énorme succès populaire aux Etats-Unis où l'on appréciait en plus la simplicité et l'aisance de la narration. Loin des auteurs intellos de son temps, Boulle fut pourtant toujours ignoré par les critiques parisiens patentés et jusqu'à aujourd'hui, il reste considéré comme un auteur mineur et de second ordre, aux goûts suspects et à l'esprit en plus pessimiste. Boulle avait le tort de poser la vraie question de l'humanité mais sur le mode tabou de l'ethnie et de la race, de l'évolution naturelle.
 
Ses autres ouvrages parlent aussi de la guerre, y compris d'un micro conflit comme celui des Malouines dans La baleine des Malouines en 1983. Il écrivit aussi des romans d'espionnage mais ce qui est frappant c'est qu'à l'inverse de ses contemporains, tous pétris de marxisme, Boulle ne construit pas d'utopies mais au contraire, des dystopies.
 
Pierre Boulle est l'écrivain de l'effondrement civilisationnel, de la guerre des espèces, indirectement du conflit des races.
  
Boulle approuva l'adaptation de ses œuvres: il en vivait ! Mais cela ne l'empêcha pas d'émettre parfois quelques réserves.
 
Boulle n'accepta jamais par exemple la scène finale de David Lean, celle de la destruction spectaculaire du pont.
 
Les changements pour La planète des singes furent en général plus significatifs et certains considèrent que le scénario de Rod Sterling, créateur aussi de la série La Quatrième dimension est meilleur que l'original. Sterling travailla cinq années sur l'adaptation du film qu'interprètera en 1968 Charlton Heston et Rody Mc Dowall.
 
Une des scènes cultes du film de Schaffner n'est pas non plus dans le roman de Boulle, pour la simple raison que les astronautes du roman étaient français et non américains. C'est quand le personnage de George Taylor (Charlton Heston) découvre les ruines de la statue de la Liberté au milieu de la plage et qu'il comprend alors ce que d'aucuns avaient déjà deviné, que la planète des singes n'est en fait rien d'autre que la terre de demain, le monde du futur.
 
Dans le roman de Boulle, la fin est toute autre. Après les interminables ordalies de la planète des primates, les voyageurs planétaires réussissent à retourner sur la terre et quand ils descendent de leur aéronef à l'aéroport d'Orly à Paris, ce qui viendra les accueillir alors, ce sera et il le constate avec stupeur, un grand singe, un gorille ! L'homme évolué a disparu de la planète terre et de la galaxie.
 
C'est sur cette fin propre à Boulle que se basera plus tard et, en y étant du coup plus fidèle, l'adaptation de Tim Burton de 2001.
En fait, sept années après la mort de Boulle, le cinéma comprenait bien avant les philosophes que la logique finale de la sélection des espèces serait le grand remplacement. 

Avec La Planète des singes, l'affrontement, Matt Reeves et son scénariste vont encore plus loin : la grande compétition des espèces et des races annonce certes la fin de l'humanité dans l'imitation technologique mais aussi et inéluctablement la fin de la race...
 
Mais au fait, de quelle race ? L'antiracisme s'achève ainsi par la logique non seulement de l'affrontement inéluctable entre les races mais aussi de l'extermination raciale, l'aube où il n'y aurait plus de « blancs ».
 
En tant que blanc, il vaudrait peut-être effectivement mieux le savoir car c'est au cœur de la politique et comme le souligne l'acteur Andy Serkis parlant bien sûr des singes et des humains : « il va falloir ménager des alliances avec les uns et les autres ».
 
Déjà, la 20th Century Fox a annoncé que Matt Reeves réalisera et coécrira avec Marck Bomback une suite à L'Affrontement dont la sortie est prévue pour juillet 2016.
 
A quelle sauce finalement seront-nous mangés ? 

Pour aller plus loin : Site des Amis de Pierre Boulle.



 


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