GAZA - Le décompte macabre des morts Palestiniens et Israéliens a recommencé. Jeudi 15 novembre, selon un dernier bilan, sept Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par des raids aériens.

Au même moment, un missile s'est frayé un chemin à travers le Iron Dome, le "dôme d'acier" israélien anti-missile. Il s'est abattu sur un immeuble, à 30 kilomètres de la bande de Gaza, pour tuer trois Israéliens.

Les violences ont grimpé de plusieurs crans la veille. Après une trêve de 24 heures, le Hamas a perdu son chef militaire Ahmad Jaabari, visé par un missile. En retour, il a promis "l'enfer" et lancé 250 roquettes.

Pour sa part, Israël a déclenché de féroces raids aériens et laissé la porte grande ouverte à une "intervention terrestre". Spectatrice, la communauté internationale se range derrière son challenger. Etats-Unis et Royaume-Uni avec Israël. Egypte, Russie, Iran, avec les Gazaouis.

Tout est en place pour une nouvelle "escalade" et "Pilier de défense" ravive les plaies de l'opération "Plomb durci" de 2008-2009. Quelles sont les intentions d'Israël en lançant cette nouvelle opération d'envergure ?

Frapper pour dissuader

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, s'est expliqué dans une déclaration que l'on peut retrouver traduite sur le site du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) "Le Hamas et les organisations terroristes palestiniennes ont décidé d'intensifier leurs attaques contre les citoyens d'Israël au cours de ces derniers jours. Nous n'accepterons pas une situation dans laquelle les citoyens israéliens sont menacés par la terreur des roquettes. Aucun pays n'accepterait cela, Israël ne l'acceptera pas."

L'accumulation de roquettes et d'armes sophistiquées dans la bande de Gaza, conjuguée à une semaine de tirs ont conduit à une lente escalade.

Finalement, les responsables politiques israéliens auraient jugé la menace trop importante pour ne pas intervenir, selon les experts militaires consultés par le New York Times

Dans les colonnes du quotidien américain, Gabi Siboni, colonel en charge du programme militaire et stratégique de l'Institute for National Security Studies à Tel-Aviv, explique ainsi : "La dissuasion devait être maintenue (...). Ce n'était qu'une question de temps avant que ce moment n'arrive."

  Vers une opération terrestre ?

La dissuasion ira-t-elle plus loin ? Le porte-parole de Tsahal, le général Yoav Mordechai, a prévenu : "Des préparatifs sont en cours et si nécessaire, l'option d'une entrée par voie terrestre est à notre disposition." 

L'attitude d'Israël pourrait dépendre de celle du Hamas qui risque gros dans une confrontation directe. "Israël a réussi à créer un dilemme pour le Hamas : soit une confrontation totale, soit une trêve sur des bases nouvelles", a expliqué à l'AFP Naji Charab, professeur de sciences politiques à Gaza.

Or, en cas d'intervention terrestre, le Hamas pourrait perdre le pouvoir dans la région, renversé par Israël.

Le ministre de la Défense, Ehud Barak, n'a rien exclu. "Nous sommes au début des événements et ça ne fait que commencer", a-t-il menacé, ajoutant qu'Israël entreprendrait "tout ce qui est nécessaire pour ramener la paix dans le Sud". Alors que la région est régulièrement visée par des tirs de roquettes, plusieurs habitants se sont félicités auprès de l'AFP de cette opération, malgré un regain de tirs. "Nous sommes à bout de nerfs depuis des années à cause de ces tirs de roquettes, il est temps de ramener le calme", a ainsi affirmé un habitant de Netivot, une ville frontalière de la bande de Gaza.

Une opération politicienne

Benyamin Netanyahu "a compris que sans attaque sur Gaza maintenant, on n'aurait pas voté pour lui", a glissé un autre à l'AFP. Et des voisins de commenter : "Bravo Bibi ! On est avec toi !" C'est peut-être là le second objectif de cette opération. Satisfaire l'électorat à deux mois des élections législatives. 

D'abord, avec l'assassinat de Jabaari (qui avait été raté en 2004), Netanyahu s'offre son "Oussama Ben Laden", remarque le quotidien israélien Haaretz

Soit "un formidable atout électoral" comparable a ce qu'a été le chef d'Al-Qaïda pour Barack Obama, selon le journal d'opposition. Le Figaro rappelle qu'en 2006, "Jaabari (a orchestré) la capture du soldat israélien Gilad Shalit à la lisière de la bande de Gaza".

Il a été l'un des principaux négociateurs pour sa libération contre près de 1 000 prisonniers palestiniens.

Haaretz (article payant) poursuit la comparaison avec Obama et explique encore que "Pilier de défense" et ses conséquences clouent le bec aux opposants de Netanyahu tancé dans les sondages, comme Sandy a contraint Mitt Romney à un quasi-silence.

Chacun se trouvant bien forcé de serrer les rangs. La campagne électorale est du coup gelée.

Enfin, souligne Le Figaro, l'opération permet au leader du Likoud (droite) de restaurer son image de "meilleur garant de la sécurité des Israéliens" mise à mal par les tirs du Hamas.

Le Hamas pourrait en sortir renforcé

Toutefois, la manœuvre n'est pas sans risques. D'abord, les assassinats extrajudiciaires pratiqués entre 2000 et 2005 n'handicaperont pas forcément le Hamas.

Le Monde rappelle que durant la campagne d'assassinats ciblés, "sa popularité n'a été nullement atteinte par les coups de boutoir israélien. Au contraire. Auréolé du sacrifice des ses 'martyrs', considéré par une partie de la rue palestinienne comme le parti de la 'résistance", le Hamas reporte ses ambitions sur la scène intérieure gazaouie, en participant aux élections". Pour leur plus grand succès.

Ensuite, l'opération ruine les efforts de rapprochement avec l'Egypte.

Cette dernière est dirigée depuis l'élection présidentielle de juin 2012 par l'islamiste des Frères musulmans Mohamed Morsi, proche du Hamas, qui s'était montré jusque-là conciliant.

Le président égyptien a déjà rappelé son ambassadeur en Israël, et son Premier ministre se rendra vendredi à Gaza. Morsi est dans une position délicate, pris entre la sympathie de son opinion pour la cause palestinienne et le souci de préserver les relations avec Washington. Il sera dans tous les cas moins complaisant que son prédécesseur, Hosni Moubarak.

Lors de sa campagne, Morsi avait promis une politique plus dure vis-à-vis d'Israël, dont il ne mentionne jamais le nom dans ses discours.

Source et publication:   Gaël Cogné            http://www.francetvinfo.fr/frappes-a-gaza-que-cherche-israel_170401.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20121116-[lestitres-colgauche/titre1]