L’UMP, un mort vivant : après, le Front national ? Un Mai 68 « de droite » ?
Par Guillaume Faye
Inutile de revenir sur l’autodestruction de l’UMP et ses détails sans intérêt, qui allient magouilles financières, détournements de fonds, combats des vieux chefs, avidité des jeunes chefs, opacité, programme politique invisible et déficient, qui part dans tous les sens.
Une comédie digne de Feydeau.
Pourtant, face au pouvoir socialiste dévalué, l’UMP avait un boulevard. Mais, quand on ne possède ni talent ni idées claires, et surtout ni honnêteté civique, rien n’est possible. La plupart des dirigeants de l’UMP ne sont pas au niveau de ce que devrait être un parti de gouvernement, surtout face à la situation catastrophique de la France.
Ce sont des politiciens (et non pas des politiques), au niveau de ceux des IIIe et IVe républiques moribondes ; ceux que De Gaulle avait voulu balayer. Et dire, paradoxe tragi-comique, que bien des caciques de l’UMP se réclament du ”gaullisme” …
La chance extraordinaire de la gauche au pouvoir est d’avoir en face d’elle des pieds nickelés dans un panier de crabe. Jamais on n’avait vu cette configuration : un gouvernement et une majorité au pouvoir en plein naufrage face à un parti d’opposition lui aussi en train de sombrer.
Évidemment, tout le monde se demande : est-ce que le FN va tirer les marrons du feu ?
Symptôme très intéressant : Le Figaro, qui avait toujours été un soutien assez solide de l’UMP, publie ce billet assassin d’Ivan Rioufol sous le titre « En finir avec l’UMP » (11/07/2014) : « Ne pas compter sur l’UMP pour apporter la contradiction. Les soupçons sur les détournements de fonds liés à l’affaire Bygmalion, ajoutés aux dernières révélations sur les gaspillages dans la gestion du parti achèvent de décrédibiliser l’opposition qui était déjà en panne d’idées. Voir ses dirigeants s’écharper dans de sordides règlements de comptes révèle la petitesse de leurs intérêts. Il ne reste plus à l’UMP et à ses caciques qu’à disparaître. La refondation de la droite est une urgence. Elle l’oblige à ravaler son mépris pour les ”populistes” qui avaient vu juste ».
Autrement dit : la véritable opposition, le véritable recours ne seraient-il pas le Front national ?
Poser cette hypothèse, de la part d’un journaliste phare du Figaro, qui n’a jamais marqué la moindre connivence avec les idées de l’ ”extrême droite” en dit long sur la dédiabolisation du nouveau FN de Marine Le Pen et sa légitimation.
Bien entendu, le FN se frotte les mains de cette décomposition de l’UMP. Le ” centre ” aussi : mais, hélas pour lui, la planète centriste, UDI et Modem confondus, est un petit astre noir, sans le moindre éclat.
Ce ventre mou est illisible : où est le programme ? Où est la stratégie ? De plus les personnalités des Bayrou, Borloo, Morin et consorts s’apparentent aussi à celles de politiciens rad-socs combinards, maniant la langue de coton, totalement déconnectés des enjeux et des attentes du peuple. Inexistants.
Avant d’aborder la question du FN comme recours principal, examinons trois autres hypothèses :
La première est celle d’une refondation de l’UMP, avec changement de dénomination (encore une…) autour de Nicolas Sarkozy élu à sa tête, s’employant à nettoyer les écuries d’Augias, et se présentant à la présidentielle de 2017.
Problème : même populaire chez les militants UMP, Sarkozy est plombé.
Comme une fausse vierge. En France un ancien président battu qui fait son retour est très handicapé, ce que Giscard avait compris.
Seconde hypothèse, pas incompatible avec la première : l’UMP explose entre centristes et droitiers, avec plusieurs nouveaux partis à la clé. Chacun dirigés par un cacique ou un quadra, avec sa clientèle.
MM. Juppé et Fillon s’agitent beaucoup sur ce scénario, comme bien d’autres petit bras. Troisième hypothèse : la recomposition et le renouveau du PS ? Monteboug et Valls, candidats à la succession de Hollande, ne sont que des brasseurs de phrases impuissants.
Mais tout de même, une possibilité existe…Les Français sont si pusillanimes…
Il est peu probable que l’UMP n’éclate pas. Le signe de son agonie est la colère des militants et surtout leur hémorragie : de 370.000 adhérents en 2007, il est passé à 143.000 aujourd’hui, en baisse constante.
La cote de Sarkozy s’érode lentement. Il n’est pas du tout évident qu’il gagne les primaires de la droite pour la présidentielle, s’il s’y présente.
Surtout que le poids des ”affaires” contre lui continue. Les jeunes loups de l’UMP ont jusqu’en 2017 pour se refaire une santé.
Bien sûr, on a le temps, d’ici 2017 ; beaucoup d’eau peut couler sous les ponts.
Pour reprendre l’analyse d’un autre article de ce blog, le Front national bénéficie d’un avantage en quelque sorte ”négatif” : sa force de captation des électeurs UMP et de gauche déçus plus encore que sa dynamique propre.
Le FN prospère sur l’effondrement conjoint de la majorité et de l’opposition institutionnelles.
Lorsque l’UMP aura définitivement sombré, le FN pourra alors vraiment devenir le« premier parti de France » ; il se prévaut de cette qualité aujourd’hui avec imprudence : il n’est que le premier parti en nombre de suffrages exprimés aux européennes, ce qui n’est pas la même chose et ce qui est très fragile.
C’est un slogan, plus qu’une réalité politique.
Sous notre régime, le ”premier parti de France” est celui qui réussit à avoir le plus de députés à l’Assemblée nationale, point final.
En revanche, ses faiblesses sont les suivantes : 1) l’impossibilité d’une alliance électorale avec une autre formation, sauf minuscule et marginale, avec des débris issus de l’UMP ;
2) la faible perspective d’un ralliement de leaders issus de la droite d’une UMP éclatée ;
3) une insuffisance professionnelle de cadres pouvant occuper des fonctions électives et gouvernementales de manière déterminante et efficace ;
4) un programme dont le volet économique est impraticable et qui ne rompt pas avec le mal français de l’économie administrée, corporatiste, fonctionnarisée et étatiste.
Seule solution pour réduire le chômage.
Pour engranger un maximum de voix dans la France profonde, qui est son vivier, le FN ne devrait pas seulement amender ce programme économique qui n’est plus crédible auprès de l’électorat populaire, mais se concentrer sur quatre thématiques centrales :
1) l’immigration, le communautarisme, l’islamisation, la laïcité, avec le souci non seulement de stopper mais d’inverser les flux migratoires ;
2) la restauration de l’Éducation nationale ;
3) le rétablissement de la sécurité et de la dissuasion pénale ;
4) un discours contre l’actuelle Union européenne crédible et argumenté et non pas l’extrémisme de ses actuelles positions, qui rend sceptique la France profonde ;
5) un discours contre l’économie socialisée et corporatiste, première cause de la stagnation et du chômage.
Quoi qu’il en soit, bien malin qui peut prédire ce qui va se passer d’ici 2017. Dans tous les domaines, la situation empire.
Des forces nouvelles peuvent surgir. Nous sommes en face d’un champ de ruines.
Comme le suggère André Bercoff dans son roman de politique-fiction estival publié par Valeurs Actuelles, un ”Mai 68 de droite”, impliquant des forces en colère issues de la société civile, est parfaitement envisageable.
Une chose est sûre : comme toujours en France, c’est du chaos qu’émergent les solutions.
Cela s’appelle la révolution, puisque toute réforme est impossible.
Guillaume Faye