Le Point.fr - Publié le 15/11/2012 à 08:28 - Modifié le 15/11/2012 à 10:51
Hervé Gattegno intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".
Le maire EELV de Sevran en Seine-Saint-Denis, Stéphane Gatignon, est en grève de la faim depuis vendredi.
Il réclame une aide financière pour sa ville et les 100 communes les plus pauvres. Vous critiquez sa démarche.
Votre parti pris : la grève de la faim, c'est la communication de l'impuissance.
Stéphane Gatignon est un homme estimable et la cause qu'il défend est respectable. Mais le mode d'intervention qu'il a choisi est inacceptable.
Un maire est élu pour représenter ses administrés et gérer les biens publics qu'ils lui ont confiés. Son mandat, c'est de défendre l'intérêt de sa ville dans le cadre des lois.
Donc son champ d'action est institutionnel, et non émotionnel. Avec sa grève de la faim, Stéphane Gatignon s'affranchit de ses devoirs d'élu. Il exerce un chantage à la compassion qui dévalue le débat politique.
Quoi qu'on pense de son courage, on ne peut que le regretter.
Mais il explique qu'il n'avait plus d'autre solution pour se faire entendre alors qu'il lui manque cinq millions d'euros pour boucler le budget de sa ville !
On le croit sur parole. Mais on ne peut pas mieux revendiquer l'impuissance du politique.
S'il juge qu'il ne peut plus rien faire pour sa ville, plutôt que de sacrifier sa santé et son corps, il peut sacrifier son mandat : démissionner.
Allons au bout de sa logique, puisqu'il rejette les concessions du gouvernement : s'il obtenait gain de cause, ce serait une invitation pour tous les élus - et pour les citoyens - à user de ce type de menace pour obtenir des décisions. C'est une forme d'incivisme.
Comme chez les maires qui refusent d'avance de célébrer des mariages homosexuels, même si la loi devait l'autoriser.
Dans ces conditions, comment expliquer que beaucoup d'élus et même plusieurs ministres lui aient apporté leur soutien ?
C'est soit de la sensiblerie, soit de l'hypocrisie.
Ce que Stéphane Gatignon dénonce, c'est le désengagement de l'État dans les collectivités : beaucoup de charges ont été transférées pour le versement des aides sociales, mais sans les ressources correspondantes.
Et le budget 2013 prévoit d'importantes réductions des dotations de l'État aux collectivités - les riches comme les pauvres. Manuel Valls, Cécile Duflot ou le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, qui sont venus au chevet de Stéphane Gatignon, défendent ce budget.
Et les écologistes, le parti de Gatignon, le voteront. Rien de tout cela n'est très cohérent.
Est-ce que vous voulez dire, en définitive, qu'il n'y a rien à faire pour aider des villes comme Sevran ?
La solidarité nationale a ses limites : elle fonctionne sur l'argent des citoyens.
Le maire de Sevran trouve lui-même injuste d'avoir à partager le produit de la taxe professionnelle avec les communes voisines.
Si le maire de Neuilly, de Lyon ou de Nice disait cela, tout le monde pousserait des cris !
D'ailleurs, les maires des villes les plus riches (Paris, Lyon, Grenoble...) ont écrit à Jean-Marc Ayrault pour s'inquiéter de la montée des aides aux villes pauvres. La seule solution, c'est de revoir d'urgence le fonctionnement de la décentralisation. François Hollande vient d'appeler à réviser le fonctionnement de l'État et l'organisation territoriale. Il ne faudra pas s'en tenir à un plan d'économies.
Sinon, le maire de Sevran ne sera pas le seul à rester sur sa faim.