MAHOMET AL-BAGHDADI : UN IZNOGOUD SANGLANT
Le nouveau calife à la place du calife
Jean Bonnevey
le 02/07/2014
« Musulmans (…) rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et les autres ordures de l'Occident. Revenez à votre religion », a lancé le calife Abou Mohammed al-Adnani en annonçant la naissance du califat dans un enregistrement vidéo, extrait de dix longues pages emplies de références aux compagnons du Prophète et à ses récents accomplissements ( tribunaux islamiques, impôts que les mécréants doivent payer.. ).
Al-Adnani prévient qu'il est du « devoir » de tous les musulmans du monde de prêter allégeance à son chef Abou Bakr al-Baghdadi, élevé au rang de calife, c'est-à-dire de successeur du prophète Mahomet dans l'exercice du pouvoir politique.
Voilà donc celui qui voulait être calife dans la suite du dernier calife… Mais qui était-il ? Et qu’est ce que le califat ?
Un califat ou khalifat est le territoire reconnaissant l'autorité d'un calife, successeur du prophète de l'islam dans l'exercice politique du pouvoir.
Ce mot sert aussi à désigner le régime politique lui-même et la période pendant laquelle il s'exerce ( ex : le califat de Haroun Al Rachid ).
Plusieurs califats ont existé depuis la fondation de l'Islam, à la suite des luttes que se livrèrent les différents prétendants au titre de successeur du prophète Mahomet, après les quatre premiers califes.
Les plus importants sont : califat omeyyade de Damas ( exilé à Cordoue ), califat abbasside de Bagdad, califat fatimide du Caire et califat ottoman.
Le dernier des califes était turc, ou plutôt ottoman.
Il vécut ses vingt dernières années à Paris où il mourut en 1944, puis fut enterré en Arabie saoudite, à Médine. Abdülmecit II (29 mai 1868 – 23 août 1944) fut le 101ème et dernier calife du monde musulman (1922-1924).
Sa fonction était uniquement religieuse, le sultanat ayant été supprimé par le républicain Mustafa Kemal en novembre 1922.
Le retour au califat, c’est bien sur le retour au gouvernement des fidèles du prophète. C’est l’appel au passé. Un anachronisme militant.
Imagine-t-on le pape François prêchant une croisade pour porter assistance aux chrétiens d’orient persécutés ou Angela Merkel se référant, pour unir l’Europe, au Saint empire romain germanique?
On les jugerait bon pour l’asile et pourtant c’est de cela qu’il s’agit, une folie religieuse mais assumée les armes à la main, ce qui la rend actuelle. « Le calife ( khalife, en arabe, signifie "lieutenant", au sens originel de celui qui tient lieu ) est le successeur du prophète, le représentant de "Dieu sur terre"», explique Baudouin Dupret, directeur du Centre de recherches Jacques Berque, à Rabat, au Maroc. « Mohammad avait une vocation spirituelle et temporelle. Le calife est son successeur temporel.
Il assure la direction de la communauté des croyants. On parle de "l'ombre de l'ombre de Dieu sur terre" », ajoute le chercheur.
Créé en 2004, au lendemain de l'intervention américaine en Irak, l'EI est né sous les traits d'al-Qaida en Mésopotamie.
En 2006, il englobe plusieurs groupes d'insurgés et devient l'État islamique en Irak. En difficulté sur le terrain face à l'action coordonnée des armées américaines, irakiennes et des milices sunnites sahwas, l'organisation, dirigée par al-Bagdadi depuis 2010, trouve un second souffle à la faveur du conflit syrien, qui lui permet d'étendre son influence.
Le califat est bien sûr une utopie comme Rome pour Mussolini, une volonté de s’approprier le passé pour défier le futur.
Mais Mussolini ne voulait pas rétablir l’empire romain comme au temps d’Auguste, c’est la grande différence entre le fascisme et le djihadisme.
Le fascisme n’était pas un anachronisme mais une instrumentalisation au profit du pouvoir de la grandeur d’hier, ce que fait Poutine également aujourd’hui.
La république n’est pas en reste avec l’appel aux grands anciens de la révolution ou à la résistance.
Le califat c’est autre chose, un mirage dans un désert, une illusion de mirage.
Lorsque l'assemblée turque a aboli le califat en 1924, Atatürk disait déjà que le califat était une utopie jamais réalisée.
En fait, après les 4 califes dits bien dirigés ( ceux qui succédèrent directement au prophète Mohammed ), à partir du 10ème siècle, le califat a commencé à s'affaiblir.
Au 13e siècle, après la prise de Bagdad par les Mongols, il est quasiment devenu une coquille vide.
Au 18e siècle, les sultans ottomans ont réactivé l'idée à leur profit pour contrôler les musulmans arabes non turcs.
Et les mouvements islamistes l'ont ensuite brandie comme un idéal à atteindre. Mais il faut se méfier des utopies qui se concrétisent sous nos yeux.
Si demain les djihadistes s’implantaient à Bagdad puis à Damas, ils réuniraient les deux grands califats de l’histoire arabe.
La capitale de l’islam omeyade liée à celle de l’islam abbasside.... On sortirait du fantasme et des mirages pour une réalité où l’avenir rejoindrait vraiment le passé.
Ce triomphe serait celui du temps traditionnel, éternel retour de la roue, contre celui de l’occident matérialiste où le passé s’éloigne.
Dans le monde arabe aujourd’hui, par le fanatisme religieux, le passé se rapproche. Il est de retour, un passé sublimé et irréel, mais passé tout de même avec ses fanatiques, ses imans et maintenant son calife, de la chair et du sang.
Cela devrait nous obliger à retrouver notre plus longue mémoire et les fondamentaux de nos combats pour notre civilisation face aux modes politiques de la pire des utopies, celle de l’universalisme.
Illustration en tête d'article : L’entrée en Egypte mamelouk du sultan Ottoman Yazuz Selim Ier le futur calife de l’Islam
Source et publication: http://metamag.fr/metamag-2158-Mahomet-al-Baghdadi---un-Iznogoud-sanglant-Le-nouveau-calife-a-la-place-du-calife.html