http://www.lepoint.fr/monde/la-cia-a-t-elle-vendu-illegalement-des-armes-08-05-2014-1820561_24.php#xtor=EPR-6-[Newsletter-Mi-journee]-20140508
La CIA a-t-elle vendu illégalement des armes ?
Le Point.fr - Publié le 08/05/2014 à 12:02
Selon un ancien analyste de la CIA, une base militaire du Texas servirait à collecter et à fournir illégalement de l'armement aux quatre coins du monde.
L'affaire, révélée par le New York Times, peut sembler déconcertante, mais voilà du pain bénit pour les amateurs de complots.
Le quotidien américain s'appuie sur le rapport d'un ancien analyste de la CIA, Allen Thompson, qui a rassemblé des documents officiels entre 1972 et 1985 où figure à de nombreuses reprises le nom de code "Midwest Depot", en référence à un complexe de stockage d'armes "intraçables".
Malgré le fait que deux dépôts d'armes - censés être secrets - étaient déjà connus, le rapport prouverait l'existence d'un troisième centre au Texas.
D'après Yvonnick Denoël, historien spécialiste de l'espionnage et du renseignement, "ce n'est pas une surprise que la CIA dispose aujourd'hui encore de stocks d'armes et y puise pour d'autres missions.
C'est désormais un fait avéré que des armes ont été offertes aux groupes islamistes qui combattaient l'Union soviétiquesur le sol afghan dans les années 1980.
Armes qui ont été ensuite retournées contre les Américains et leurs alliés".
Missiles envoyés vers l'Iran
Dès 2011, ce complexe secret de la CIA abritant un dépôt d'armes de l'armée américaine, à la base Stanley (Texas), avait été évoqué. Dans son rapport, Allen Thompson apporte la preuve de l'existence de ce "Midwest Depot".
Dans un document de 73 pages, l'ancien analyste évoque ses activités et "s'inquiète de savoir jusqu'où le gouvernement a pu aller pour vendre des armes".
Pour autant, pas question d'en faire un nouveau Edward Snowden qui inquiéterait la CIA, précise Yvonnick Denoël : "Thompson est a priori crédible et s'appuie sur des éléments factuels, des documents officiels, des mémos et des commandes de munitions.
Sa démarche concerne exclusivement une installation logistique de la CIA ; il ne s'agit pas d'un grand déballage à la Snowden.
Par ailleurs, l'homme n'est pas en fuite à l'étranger. Sa démarche s'apparente plutôt à un contentieux juridique avec son ancien employeur."
Parmi les documents publiés par Allen Thompson, un mémo de 1986 d'un colonel de l'armée américaine évoque comment la CIA a transporté des missiles vers le "Midwest Depot, Texas" pour être ensuite envoyés et vendus à l'Iran, alors ennemi avoué des États-Unis.
Deux autres fichiers mentionnent une commande, en 2013, de deux millions de munitions d'AK-47, une arme que n'utilise pas l'armée américaine.
Lieu de livraison : Camp Stanley, Texas. "À qui sont destinées ces armes et ces munitions ?
Combien d'AK-47 passés par ce camp sont maintenant aux mains des islamistes ?"
interroge Allen Thompson.
"Vendre des armes à un État voyou" ?
A priori, une telle histoire ne devrait pas menacer l'administration Obama ni la CIA, déjà en difficulté depuis les affaires WikiLeaks et Snowden, analyse Yvonnick Denoël. "Obama a surpris jusque ses partisans politiques en prenant le parti de la continuité de Bush en matière de services secrets.
Les Américains l'approuvent de façon majoritaire pour cela. Mais il n'est pas avéré qu'il ait accepté, comme Reagan à son époque, de vendre des armes à un État réputé voyou en échange de contreparties, libération d'otages ou autre.
La notion d'ennemi est très relative pour la CIA."
Le principal élément potentiellement gênant dans ces révélations est la contamination aux produits chimiques, ces dernières années, de la famille d'un agent de la CIA, Kevin Shipp, ayant résidé au camp Stanley. "Cet aspect est embarrassant, même s'il ne touche pas directement Obama, car il pourrait provoquer l'ouverture d'enquêtes sur les activités de la base", précise Yvonnick Denoël.
En attendant, Allen Thompson a engagé des poursuites judiciaires contre la CIA.
En vain, le département de la Justice ayant invoqué le secret d'État.
À LIRE : Le Livre noir de la CIA, Yvonnick Denoël & Gordon Thomas