Trois opérations militaires françaises en Afrique : trois échecs politiques. Par Bernard Lugan
Editorial du N°52, avril 2014 de la revue l’Afrique Réelle
Ces dernières années, la France a mené trois opérations militaires d’envergure en Afrique.
Leurs résultats politiques sont autant d’échecs :
1) En Libye, l’incompréhensible « croisade pour la démocratie » lancée par M.M. BHL et Sarkozy a provoqué le chaos. Le pays est aujourd’hui dans une situation de guerres régionales, tribales, claniques, religieuses et mafieuses.
Un espace inespéré s’est ainsi ouvert pour Aqmi et toutes les forces terroristes qui prospèrent désormais au milieu de l’anarchie ambiante avec des répercussions dans toute la zone sahélo saharienne comme nous l’avons observé au Mali.
Si le cataclysme régional ne s’est pas encore produit c’est parce que le Tchad du président Déby constitue un maillon de résistance. Pour combien de temps encore ?
Là est toute la question car la situation du pays est plus que complexe :
- Au Sud, les évènements de Centrafrique vont immanquablement connaître une contagion dans les régions limitrophes frontalières.
- A l’Est, la question du Darfour est toujours brûlante.
- A l’Ouest, le Niger apparaît bien fragile.
- Au Sud-Ouest, le jihad de Boko Haram s’étend chaque jour un peu plus.
- Au Nord, la tâche grise du Sahara libyen s’enfonce à l’intérieur du Tchad par le biais de la question toubou.
2) Au Mali, après avoir bloqué les colonnes d’Ansar Eddine qui fonçaient sur Bamako, Paris n’a pas voulu conditionner la reconquête de Gao et de Tombouctou à l’acceptation par les autorités maliennes de l’impératif d’un changement constitutionnel qui aurait une fois pour toutes réglé le problème nord-sud. Tous les ingrédients d’un futur conflit demeurent donc.
3) En Centrafrique, au mois de mars 2013, François Hollande a ordonné à l’armée française présente à Bangui de laisser les pillards du Seléka prendre la ville alors que, depuis plusieurs mois, il aurait été facile de les « traiter » par une opération limitée et ciblée. Résultat : les chrétiens – 95% de la population de souche -, furent persécutés.
Début 2014, face au désastre humanitaire, le président français décida finalement d’intervenir, mais en ne donnant à nos forces ni les moyens nécessaires, ni une mission claire et en prenant bien soin de ne désigner ni l’ « ami », ni l’ « ennemi ».
Résultat : les bandes du Séléka se sont repliées vers le Nord avec armes et bagages et adossées au Soudan, elles ont fait du triangle de Birao une zone de déstabilisation de toute la sous-région.
Bernard Lugan
Sommaire de ce numéro
Actualité :
- Le Nigeria, pays « émergent » ou pays en cours de désintégration ?
- La Tripolitaine et la Cyrénaïque peuvent être indépendantes
Longue durée :
Sahel : le grand retour du Maroc
Dossier :
Libye, Mali, Centrafrique : trois échecs politiques
Histoire :
Génocide du Rwanda : où en est l’historiographie ?
Source: le blog de Bernard Lugan.
Crédit photo : Magharebia, via Flickr (cc).