LIBAN
Geagea inaugure la course à Baabda : Je serai le président qui sauvera le Hezbollah de son pétrin
Les cadres des Forces libanaises ont approuvé à l'unanimité la proposition de candidature de leur chef à la présidence de la République.
Samir Geagea a assuré qu'il donnera à sa candidature « toutes les chances de réussir ».
Les Forces libanaises ont le goût du solennel et ne se privent pas de le montrer à chaque occasion.
Depuis le grand retour de leur leader Samir Geagea sur la scène politique, les responsables et cadres FL ont prouvé qu'ils sont capables de transformer le moindre fait ou détail en véritable événement, fanfaronnade oblige et protocole exige.
Que serait-ce donc s'il s'agissait de l'annonce de la candidature de Samir Geagea à la présidence de la République, une première pour le parti depuis l'annonce similaire de Bachir Gemayel en juillet 1982 ?
Et depuis tout ce temps, le moins qu'on puisse dire est que les Forces libanaises ont fait un bon bout de chemin, témoignant surtout d'un changement radical au niveau de la structure interne du parti et de son organisation administrative et politique, désormais institutionnalisée.
C'est dans ce contexte que plus de 130 cadres du parti formant le comité exécutif, l'assemblée générale et le bloc parlementaire des FL se sont réunis hier à Meerab pour soumettre au vote la proposition de candidature du chef du parti à la présidence, après qu'elle eut été approuvée par le comité exécutif, conformément au règlement intérieur de l'institution.
Pour l'occasion, les FL ont rassemblé une foule de journalistes qu'ils ont conviés à participer aux premières minutes de la réunion de l'assemblée, amorcée par l'hymne national et l'hymne du parti, avant que Samir Geagea ne demande à l'assistance de s'asseoir par un geste amical, la scène rappelant étrangement la Cène du Seigneur.
Après un bref discours du chef des FL, la réunion s'est poursuivie à huis-clos pendant plus d'une heure, avant que le député Georges Adwan ne sorte annoncer la fumée blanche au milieu d'une salve d'applaudissements : l'assemblée générale du parti a approuvé à l'unanimité la candidature de Samir Geagea à la tête de la République.
L'intéressé sortira quelques minutes plus tard discuter avec les journalistes. Il est désormais le premier postulant officiel au siège maronite du palais de Baabda.
« Je ne fais pas de calculs de pertes et profits ... »
Si d'aucuns estiment que Samir Geagea a voulu adresser hier un message à ses alliés au sein du 14 Mars, plutôt qu'à ses adversaires du 8 Mars, pour se faire clair et se présenter en tant que candidat naturel de la coalition du 14 Mars, d'autres pensent que le leader des FL a voulu couper court à l'arrivée de Michel Aoun ou de Sleimane Frangié à Baabda. Mais Samir Geagea, lui, voit les choses d'une toute autre manière. « Je ne veux couper la route à personne.
Ma candidature vient tout simplement en réponse au fait que les choses ne peuvent plus continuer de la sorte, a-t-il affirmé. Le 14 Mars n'a pas encore pris sa décision sur ce plan et je n'ai pas voulu anticiper leur décision. Quant aux contacts avec Saad Hariri, ils sont constamment en cours.
Ma candidature est sérieuse et nous ferons tout pour lui donner les chances de réussir. Je suis à présent le candidat des FL et j'œuvrerai pour devenir le candidat du 14 Mars. Je ne pense pas que ma décision va embarrasser le 14 Mars... à moins que le 14 Mars ne me soutienne pas ! Là, je me retirerai de la course, mais mes alliés sont les personnes qui me sont le plus proches. N'ayez crainte pour le 14 Mars. »
(Lire aussi : Le triple enjeu, libanais, arabe et occidental, de la candidature de Samir Geagea, l'analyse de Michel Touma)
Ainsi, Samir Geagea viserait à stopper « l'opération Hezbollah » au Liban, en tentant d'établir un équilibre avec le Hezb par la présence d'un président fort du 14 Mars.
C'est d'ailleurs ce qu'il a affirmé hier à L'Orient-Le Jour. « Oui, je serai le président qui sauvera le Hezbollah du pétrin dans lequel il s'est empêtré, non seulement en Syrie, mais aussi au Liban, a-t-il clamé. Le premier à profiter de ma réussite sera le Hezbollah, envers lequel, je le rappelle, je n'ai aucune rancune. »
Et M. Geagea d'ajouter : « Il n'est pas vrai que les prérogatives du président sont limitées, si nous avons un président fort capable d'extirper le Liban de la crise.
Aujourd'hui, un président consensuel signifierait le prolongement de la crise; nous avons besoin d'un bond qualitatif. Si je deviens président, je garderai le même discours mais avec des responsabilités supplémentaires. Le Hezbollah a pris sa décision définitive de rester en Syrie et je ne peux l'encourager car il menace la communauté chiite.
Et je ne signerai pas un document d'entente avec le Hezbollah. Nous n'en avons pas besoin en présence de la Constitution. »
Interrogé par L'Orient-Le Jour sur les répercussions qu'aurait un échec de sa campagne sur le parti et sur sa personne, et sur les calculs de pertes et profits qu'il a faits avant d'entreprendre une telle démarche, Samir Geagea a déclaré : « Je ne fais jamais ce genre de calculs et je ne l'ai jamais fait.
En 1994, je savais 48 heures à l'avance que j'allais être arrêté, mais j'ai poursuivi ma bataille jusqu'au bout, déclinant les offres de refuge de l'ambassade du Vatican.
L'ancien président Pierre Gemayel disait : On bat ma mère, je cours. C'est ainsi qu'après avoir évalué la situation depuis huit mois, j'ai décidé de me présenter à la présidence pour tenter de faire sortir le pays de la crise. »
(Lire aussi : L'élection présidentielle, une affaire très peu interne, l'éclairage de Scarlett Haddad)
Répondant aux propos du chef du Courant patriotique libre (CPL) Michel Aoun, qui a affirmé il y a quelques jours qu'il refuserait de présenter sa candidature si Samir Geagea le faisait, le leader des FL a estimé, avec une teinte d'humour, que « ce n'est que du positif ».
Et d'ajouter, plus sérieux : « Je ne sais pas pourquoi il estime qu'il se présente contre moi. Nous nous présentons chacun de notre côté.
Je le féliciterai s'il réussit et j'attendrai qu'il en fasse de même pour moi », a-t-il conclu, faisant part de ses craintes que le camp adverse ne participe pas à la séance parlementaire « à laquelle appellera sûrement Nabih Berry », « s'il venait à sentir que les choses n'allaient pas en sa faveur ».
Tentative d'assassinat... Deux ans déjà
Pour sa part, la députée Sethrida Geagea estimait que « la présidentielle allait être pour la première fois cent pour cent libanaise ». « Il y aura gain et perte, comme dans tout, confiait-t-elle à L'OLJ.
Mais cela ne me fait pas peur. Ce qui m'effraie vraiment, c'est que le Hakim n'obtienne pas un score respectable au Parlement lors des élections. Mais ses chances sont bonnes. Elles ne sont pas sûres mais assez bonnes. »
Refusant d'« anticiper la décision de Saad Hariri », et assurant que la collaboration avec le leader des Kataëb, Amine Gemayel, est permanente et que « le patriarche Raï a encouragé Samir Geagea à faire ce pas », Mme Geagea a tenu à rappeler que « les FL avaient déclaré reprendre contact avec le 14 Mars après l'affaire de la formation du gouvernement ». « Aux alentours du 15 avril sera annoncé le programme présidentiel de Samir Geagea, sur lequel nous travaillons.
Après cela, nous entamerons une tournée auprès de tous les candidats, dont Boutros Harb et Amine Gemayel, mais aussi auprès du CPL, du mouvement Amal et du Hezbollah », a-t-elle poursuivi.
À Meerab, l'ambiance est plutôt à la joie. L'on se prendrait même à croire que la route de Baabda est déjà pavée pour le leader maronite, les cadres du parti discutant de tous les scénarios qui pourraient permettre un tel succès pour les FL. « Quel pur hasard ! répétait Sethrida Geagea.
C'est aujourd'hui que coïncide jour pour jour la tentative d'assassinat de Samir Geagea en 2012. C'est un signe... »
De son côté, le général Wehbé Katicha, membre de l'assemblée des FL, assurait que « les députés du courant du Futur aimeraient vraiment voir Samir Geagea à la tête de la République ». « Nous ne sommes pas inquiets sur ce plan. Aujourd'hui, nous essayons en fait de créer un changement dans la politique libanaise, dans l'approche de la présentation d'un candidat aux élections présidentielles.
Dire qu'il est possible de présenter un candidat libanais et fort », a-t-il indiqué.
Et à la question de savoir qu'avait Samir Geagea à offrir au 8 Mars en contrepartie de la présidence, s'il est vrai que le général Aoun proposait le commandement de l'exécutif à Saad Hariri, le général Katicha a renchéri : « Nous ne connaissons pas cette politique de troc.
Nous voulons donner pour le Liban et c'est ce qui compte. Le chef des FL a été clair en affirmant qu'il voterait pour le général, si celui-ci garantissait la sortie du Hezbollah de Syrie et la livraison de ses armes à l'État... Qu'en pense le général Aoun ? » La question reste entière.
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Source : http://www.lorientlejour.com/article/861895/geagea-inaugure-la-course-a-baabda-je-serai-le-president-qui-sauvera-le-hezbollah-de-son-petrin.html