Le Point.fr - Publié le 12/03/2012 à 08:53 - Modifié le 12/03/2012 à 09:00
Samedi soir, dans "On n'est pas couché", l'interview musclée de Copé par Pulvar a-t-elle dépassé les limites du genre ? Analyse.
N'attendez aucune contrition de la part d'Audrey Pulvar à la suite de l'échange musclé qu'elle a eu, samedi soir, avec Jean-François Copé dans On n'est pas couché. "Aucun regret. J'ai fait mon taf dans une émission prévue pour ça", précise-t-elle.
Mais revenons un instant sur le moment où l'émission tourne à la corrida. Copé se plaint d'être interrompu, de ne pouvoir dérouler ses arguments et avance l'idée que, souhaitant faire passer un message aux téléspectateurs qui cherchent à se forger une opinion, il n'essaie pas de convaincre Audrey Pulvar.
La journaliste acquiesce et lance alors la phrase qui tue : "On ne passera pas non plus nos vacances avec Ziad Takkiedine, ça, c'est clair."
Copé grimace sous le poids de l'attaque. Une courte clameur se fait entendre dans le public à laquelle succèdent quelques applaudissements dont on ne sait pas s'ils sont spontanés ou déclenchés par un chauffeur de salle. Copé cherche ses mots. Il est en morceaux : "C'est quoi, ça ?... Pardon, mais... Je ne suis pas sûr..." Audrey Pulvar frappe l'homme à terre : "Vous connaissez l'expression on ne passera pas nos vacances ensemble. Je vous dis qu'on ne barbotera pas dans la piscine de Ziad Takieddine ensemble, ça, c'est clair." Copé se ressaisit et décoche à son tour un uppercut : "Je suis persuadé que vous avez su, quand vous avez reçu M. Valls et M. Moscovici, trouver des plaisanteries d'aussi bon goût pour leur parler du financement du Parti socialiste dans les Bouches-du-Rhône et dans le Nord-Pas-de-Calais." Pulvar réplique : "M. Moscovici, je crois, a un assez mauvais souvenir de son passage..." Ce en quoi, elle n'a pas tout à fait tort.
Un ring pour un K.-O. télévisé
Une passe d'armes choquante, exaspérante, humiliante ? Audrey Pulvar a raison de dire que l'émission est prévue pour ça. On n'est pas couché est cyniquement organisé autour de cette corrida politique. Laurent Ruquier et sa productrice Catherine Barma ont recruté Audrey Pulvar parce qu'elle est de gauche et Natacha Polony parce qu'elle est de droite.
La chose est assumée. Par conséquent, le mode d'interview des deux condisciples de Ruquier repose sur l'engagement et le combat au nom d'une grille d'analyse idéologiquement assumée.
C'était exactement la même chose du temps de Zemmour et de Naulleau.
Éric Zemmour, peut-être le plus enfiévré des deux compères, plaquait sur chaque invité sa grille de lecture souverainiste, nostalgique d'une France dominant l'Europe et de la primauté masculine. Ses interventions provoquaient régulièrement des incidents avec les invités. Il était payé pour cela.
Un Zemmour gentil, tendre, complice avec les invités aurait été congédié par la production... On ne peut pas demander à On n'est pas couché, qui relève, rappelons-le, du divertissement, un ton de neutralité où les politiques seraient chouchoutés, câlinés, jamais interrompus...
Le clash est voulu, attendu, souhaité, mis en scène, avec un public à qui on ne demande pas de se tenir dans un silence respectueux. On n'est pas couché est un ring où l'on attend que l'un des combattants se couche.
L'ombre de Montebourg
Puisque les politiques choisissent, en toute connaissance de cause, de répondre aux invitations de Laurent Ruquier, qu'ils ne s'étonnent pas par la suite d'être malmenés. François Hollande et Nicolas Sarkozy ont fait le choix de ne pas entrer dans le cirque.
Ce sont donc leurs représentants qui ont fait le spectacle. Copé, samedi soir, avait choisi un angle d'attaque. À plusieurs reprises, il a traité Pulvar comme une opposante jusqu'à souhaiter, en plaisantant à moitié, que son temps de parole soit décompté par le CSA dans l'opposition.
De manière sous-jacente, l'ombre d'Arnaud Montebourg, le compagnon de Pulvar, s'est profilée derrière son propos.
Mais, à la limite, ça ne change pas grand-chose : Audrey Pulvar n'a pas attendu de partager sa vie avec l'un des hiérarques socialistes pour afficher des opinions progressistes.
Simplement, en l'espèce, cet élément de la vie privée d'Audrey Pulvar vient pimenter le show de Ruquier. Il est là, tapi derrière la question, à portée de main du politique cuisiné. Qui va l'utiliser ? Qui va s'y refuser ? Qui y fera seulement allusion ?
Le téléspectateur est ainsi placé dans la position du voyeur à la fois fasciné et/ou scandalisé. De son côté, Natacha Polony est censée incarner l'intervieweuse de droite, dans le droit fil de Zemmour.
Cependant, les responsables UMP n'ont pas plus de répit avec elle. Sa grille d'analyse écorche, avec d'autres arguments, le bilan de Nicolas Sarkozy. Jean-François Copé a essayé de disqualifier son questionnement en rappelant à Natacha Polony son passé chevènementiste. Peine perdue.
Il devrait savoir que Polony, quelle que soit la couleur du gouvernement, est là pour attaquer.
Libre à lui de s'asseoir dans le fauteuil de l'invité.
REGARDEZ le clash Copé-Pulvar
Source et publication: http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/emmanuel-berretta/clash-avec-cope-audrey-pulvar-n-a-aucun-regret-12-03-2012-1440321_52.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20120313