Hoda Chaarawi, symbole de la lutte des femmes en Egypte
La première figure du féminisme égyptien est ... un homme ! Qasim Amin avait fait scandale au Caire en 1899 en publiant un livre intitulé "L’Emancipation des femmes".
Un plaidoyer en faveur de l’instruction : "Si les femmes d’un pays sont averties, son peuple sera éclairé".
Il écrit :
Le livre est bien sûr dénoncé par les instances religieuses, en premier lieu par la fameuse "Université" coranique al-Azhar.
Hoda Chaarawi et le mouvement féministe égyptien
"J’ai trouvé la bibliothèque européenne de mon père. J’ai tout dévoré et quant je n’ai plus eu de livres, j’en ai fait venir de France, d’Angleterre, d’Amérique".
Elle a commencé à militer dès 1909, en prônant la réforme sociale et en créant des associations philanthropiques et féministes. Elle a commencé à se faire connaître pour son rôle dans l’organisation du mouvement de protestation des femmes au cours de la révolution de 1919 contre la présence britannique.
Pour la première fois en Égypte, des femmes sont descendues dans la rue avec les hommes, pour une manifestation qui allait devenir la révolution égyptienne de 1919.
Ensuite, en 1923, ce fut la création officielle de l’Union Féministe Egyptienne.
Le vendredi 16 mars, dans sa maison située à Qasr al-Nil Street, le Comité permanent de la Femme égyptienne a été formé. Il est composé de 24 membres, dont 5 ont été élus pour représenter l’Égypte à la Conférence Internationale Féministe qui se tenait cette année-là à Rome.
En plus de Hoda Chaarawi, élue à la tête de la délégation, l’équipe comprenait Nabawiya Moussa, Esther Fahmi, Wahida Khulusi et Ceza Nabarawi. L’équipe qui devait allait à Rome sera par la suite ramenée à 3 personnes.
La Conférence de Rome
Le 4 mai 1923, Hoda Chaarawi embarque pour Rome avec Ceza Nabarawi et Nabawiya Moussa, 2 autres figures du féminisme égyptien : elles vont pour la première fois représenter l’Égypte à la 9e Conférence Internationale Féministe, grand événement pour elles car il marquera les débuts du féminisme égyptien sur la scène internationale.
Cette participation de femmes égyptiennes a été l’une des conséquences directes liées au rôle des femmes dans la révolution égyptienne de 1919.
Durant sa jeunesse passée en France, elle s’imprègne de la culture et des valeurs occidentales.
Elle sera le bras droit de Hoda Chaarawi et participera avec elle à la création de l’Union féministe égyptienne.
Nabawiya Moussa
Elle est la première égyptienne à obtenir le baccalauréat. Nabawi Moussa a consacré sa carrière à promouvoir l’éducation des femmes.
C’est une pionnière qui lutta pour qu’on lui accorde le droit d’occuper des postes qui étaient avant elle réservés aux seules femmes britanniques.
Elle demande si l’Égypte a adopté un nouveau drapeau. Hoda Shaarawi lui explique que ce drapeau avait été l’emblème de la révolution de 1919, et qu’il était "notre drapeau national".
La présidente l’a alors félicitée pour "l’esprit d’harmonie qui règne en Egypte" [entre chrétiens et musulmans].
Nous avons trouvé la preuve dans le fait que lorsque l’un des participants à la conférence s’approche de nous pour nous parler, sa première question est : « Quelle est la différence entre coptes et musulmans en Égypte ?".
Nous lui répondons que les coptes croient au christianisme et les musulmans croient en l’islam, que les deux, coptes comme musulmans, sont libres dans la pratique de leurs croyances, mais que tous sont liés par une fidélité commune à leur pays.
"La délégation égyptienne s’est avérée si efficace que le Comité a approuvé pratiquement toutes les recommandations de réforme que nous avons proposé.
Avant que les femmes puissent revendiquer leurs droits politiques, nous devons travailler pour améliorer leur situation économique, pour leur donner plus d’autonomie tant dans leurs propres opinions et croyances que dans les affaires politiques. Notre objectif principal est de permettre aux femmes égyptiennes d’améliorer leur situation en obtenant pour elles le droit de recevoir la même éducation que les hommes".
"Nous nous félicitons particulièrement de la délégation en provenance de l’Egypte, ce pays merveilleux qui, dans les temps anciens, enfanta de grandes reines et des femmes chefs d’armées devenues célèbres dans le monde entier.
Ce n’est pas un hasard que de voir aujourd’hui parmi nous ces héroïnes défendre la cause de la liberté et de l’égalité dans les affaires civiles et politiques pour les femmes de la nouvelle Égypte ».
Le lundi 28 mai 1923, le navire qui ramène Hoda Shaarawi et Ceza Nabarawi entra dans le port d’Alexandrie. Nabawiya Moussa était revenue plus tôt pour préparer leur retour, elle est accompagnée d’un correspondant du journal Al-Ahram.
C’est au moment où elles débarquèrent qu’elles firent le geste qui allait les rendre célèbres et qui allait en faire des héroïnes du féminisme égyptien : elles retirent le foulard qui couvrait leur cheveux [contrairement à ce que j’avais écrit par ailleurs, ce n’est pas à la gare du Caire mais bien au port d’Alexandrie].
Geste symbolique dans un pays majoritairement musulman, quand on sait que pour l’islam, dévoiler les cheveux d’une femme équivaut à la montrer nue !
Elles seront imitées à travers tout le pays par d’autres femmes égyptiennes, dans toutes les couches de la société.
"Son geste a fait sensation, il a en même temps frappé l’imagination des femmes et surtout celle des hommes, à tel point que dix ans plus tard on ne rencontrait que très peu de femmes voilées en public. Le voile a été relégué à la poubelle des coutumes, il est devenu le symbole de l’ignorance, de l’obscurantisme et de l’asservissement des femmes. En se débarrassant du voile, les Égyptiennes ont réclamé de nouveaux droits : le droit à l’instruction, le droit à la protection contre les abus de la charia dans le champ matrimonial : restrictions sur la liberté de se déplacer, polygamie, divorce abusif, violence conjugale etc".
On constate le contraste entre cette période qui voit les débuts d’une modernisation de la société et ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays ! Pas seulement dans ce pays, mais partout dans le monde musulman, et partout où la présence musulmane est significative.
Pour moi, il ne s’agit pas d’un simple coup d’arrêt mais d’un processus de régression voulu et souhaité, qui incite les musulmans à retourner à la période bénie pour eux des mouhadjiroun, vers l’an 622 de l’ère chrétienne, l’année Zéro de la civilisation islamique.
Autres figures du féminisme égyptien :
El-Suhair Qalamawi, première Égyptienne à entrer à l’Université, en 1929.
Amina el-Said, qui allait devenir journaliste pour Dar al-Hilal dès les années 1930 et première femme à obtenir la licence es-Arts en journalisme en 1933.
Taheya Carioca : Actrice, danseuse et productrice égyptienne, de son vrai nom Tahiya Ali Mohamed Karim, née en 1915 à Ismaïlia. Elle prit le nom de "Carioca" parce qu’elle aimait particulièrement la danse brésilienne.