Kiev, "les snipers sont partout"
Le Point.fr - Publié le21/02/2014 à 06:25- Modifié le21/02/2014 à 08:49
L'envoyé spécial du "Point" en Ukraine a pu se rendre sur le "Maïdan", le centre névralgique de Kiev, jeudi soir. Reportage.
À la tombée de la nuit, une occupation domine : l'acheminement des pneus.
Les manifestants de Maïdan les font rouler à l'aide de bâtons jusqu'aux barricades.
Et s'en servent comme de murs de feu en cas d'attaque des berkout, les forces spéciales antiémeute. Et lorsqu'ils ont brûlé, il est encore possible d'utiliser leur ossature métallique pour consolider les sacs de gravats disposés en travers des rues.
Ce soir, la place centrale de Kiev, investie par des milliers de personnes, ressemble à une ruche. Où chacun s'attelle à sa tâche dans l'odeur âcre des décombres calcinés, les pieds barbotant dans des flaques noires.
Un restaurant abrite un hôpital de campagne avec sa table d'opération installée près du distributeur de sodas.
Plus loin, des femmes trient des vêtements et des médicaments apportés par des bénévoles dans des sacs-poubelle. Des sandwichs au pâté recouvrent de grandes planches posées sur des tréteaux. Il y a aussi le stand baptisé "cocktail party" où s'entassent d'innombrables bouteilles de vodka que des petites mains transforment en cocktail Molotov.
Il y a enfin l'espace "briquettes". Une longue chaîne humaine y entrepose les futurs projectiles.
"Vous avez détruit notre belle ville"
Dans la foule, des hommes, armés de bâton et le visage couvert de suie, regagnent les avant-postes. Tous alignés comme une armée en marche. "Pas de vêtements clairs ici", dit l'un d'eux à une manifestante vêtue d'un manteau blanc. "Les snipers sont partout."
Un orateur juché sur une scène et micro à la main, s'empresse de relayer le message. "Voilà où ils se cachent", lance-t-il en balayant les toits des immeubles voisins à l'aide d'un rayon laser vert.
"Ce matin, on a repoussé les berkout au-delà de la colline, dit un autre en désignant le quartier des bâtiments officiels, mais des dizaines d'entre nous sont morts."
Une procession de prêtres en soutane noire longe à présent la Maison des syndicats, incendiée deux jours plus tôt par la police et jusqu'ici le QG de l'insurrection. Les mines sont recueillies.
Une grand-mère s'emporte soudain contre un groupe de manifestants postés à un barrage. "Vous avez détruit notre belle ville", lâche-t-elle.
Un homme se retourne : "Le pouvoir, lui, a détruit le pays."