LE NÉOLIBÉRALISME LAMINOIR
Le fossoyeur des identités et du vivre ensemble
Chems Eddine Chitour*
le 06/02/2014
Il ne se passe pas de jour sans que l'on constate à travers le monde les dégâts du néolibéralisme qui broie les équilibres sociologiques des peuples, les sédimentations identitaires et même les espérances religieuses.
Rien ne doit s'opposer à cette machine du Diable. Dans cette contribution nous allons citer le fonctionnement du néolibéralisme dont les gourous font preuve d'une imagination débordante et font injonction aux dirigeants d'appliquer sans état d'âme leur potion amère sils veulent garder leur fauteuil.
Le néolibéralisme revêt les habits de la tentation pour la majorité des «moutons» et la fabrication d'ersatz qui permettent au consommateur sous influence de croire que tout est permis, que c'est un champion, que le monde lui appartient et qu'il a toutes les qualités que lui martèle la publicité, notamment celle du culte du corps auquel il s'identifie.
Cependant la langue et la culture ne peuvent résister si elles ont à faire face à une offensive visant à imposer une doxa outre-atlantique qui veut l’effritement des identités au profit de la culture Macdo.
On comprend que Jacques-Yves Rossignol s'émeuve que la France s'émiette identitairement et accuse pour sa part, l'Empire. Il prend l'exemple des industries culturelles qu'il trouve débilisantes.
Ecoutons son cri du coeur: «A la fin du XXe siècle, il était devenu impossible de poursuivre la réalisation de profits dans les pays civilisés sans attenter à la conscience des consommateurs solvables par l'industrie culturelle (cinéma, musique, art et ainsi de suite). On est passé à la consommation culturelle à cours forcé.
Qu'en «libéralisme», la crétinisation par la culture industrialisée soit désormais obligatoire ne heurte pas du tout les consciences. C'est dire ce qu'est réellement le «libéralisme»: une terrifiante aliénation généralisée par une économie de gros argent, une économie accaparée.
On observe la généralisation de nouveaux types de mentalités. Mais ces mentalités donnent l'étrange impression d'être comme induites automatiquement, téléguidées».
Jacques-Yves Rossignol dénonce les clercs qui ont vocation à trahir au profit d'un néolibéralisme séduisant comme l'écrivait Dany Robert Dufour: «Les bourgeois de la «nouvelle gauche», les bourgeois du catholicisme social, les petits bourgeois convertis à l'activisme mondialiste, les artistes et cultureux participent tous du capitalisme culturel et de son prosélytisme. Populations ahuries, méchantes, hargneuses, ne comprenant pas leur triste état mental et développant une haine insensée vis-à-vis du petit peuple français».
«Un document paru en France reprend une étude américaine de 2011 dans laquelle les autorités américaines ont une vision du monde qui en un mot favorise l'émiettement. En France, cela a fait l'objet d'un tollé.
Une émission dont le titre «Défrancisation» a diffusé la traduction française d'un article paru le 12 mars 2011 dans le journal américain Foreign Policy Journal. Un document de plus sur l'ingérence des autorités américaines en France, qui pour mener à bien le projet mondialiste, ont clairement décidé de transformer l'ensemble du caractère de la France, à commencer par sa propre identité en utilisant les minorités ethniques et religieuses destinées à servir les intérêts américains.»
«La France poursuit l'auteur qui a longtemps été une épine dans le flanc de la mondialisation US, à cause de son attachement obstiné aux intérêts français autour du monde, plutôt qu'à ceux d'une «communauté mondiale» préfabriquée.(...)
De Gaulle se refusait de jouer la carte américaine de l'après-guerre. (...) Dans le contexte actuel, quel meilleur moyen de saper le nationalisme français et décapiter toute résurgence d'une force anti-mondialiste que d'exploiter la vaste composante islamique non-assimilée de la France.
Le but ultime de la mondialisation n'est pas de promouvoir les identités et les cultures ethniques, mais plutôt de les submerger dans un vaste melting-pot de consumérisme global, de déraciner l'individu de son identité et de son héritage, et de remplacer tout cela par le Centre commercial mondial, et le «village global».
Est-ce que les Français sont les seuls à subir ces assauts contre leur fond rocheux, identitaire ? Souvenons-nous, il y a quelques années les Belges étaient menacés eux aussi, dans leur unité par la partition. La Belgique est un laboratoire! Tout ce qu'il s'y passe n'est pas anodin et est effectivement à mettre en lien avec le projet d'un «nouvel ordre mondial» (NOM) qui est dans son étape «assassinat des Etats-nations». Cette crise programmée va générer un chaos réorganisateur comme le disait Condoleezza Rice, (Ordo Ab Chaos).
Ce qui se passe en Belgique semble être une «expérience de masse» qui ne doit pas nous être indifférente. «Prenez une salle de spectacle à Bruxelles où sont réunis un grand nombre d'artistes du pays. Dans un micro, une voix dit aux Flamands de s'installer à droite, aux Wallons à gauche (ou le contraire, peu importe). Des voix s'élèvent alors: «Et nous les Belges, on se met où?» cette blague belge aussi tragique soit-elle est à propos.»
Cette offensive contre les identités n’est pas là pour combattre une identité dans l’absolu, elle est pour asseoir et baliser le terrain pour l’avènement définitif du néo-libéralisme. Susan Georges universitaire franco-américaine ancienne membre du site Attac, avait dénoncé dans un ouvrage choc « Le Rapport Lugano» paru aux Ed. Fayard, la stratégie diabolique des grands gourous de la mondialisation
Dans son deuxième ouvrage Le Rapport Lugano II , Susan Georges va plus loin. Pour elle, les experts croient savoir comment procéder pour assurer le triomphe du capitalisme occidental: comment les «décideurs» peuvent-ils à la fois mettre en oeuvre les politiques ultralibérales qui sont le fondement de la mondialisation et prétendre s'attaquer aux conséquences catastrophiques de ces mêmes politiques?
Depuis trois décennies, Susan George est de tous les combats en faveur des peuples du Sud et contre les effets destructeurs de la mondialisation libérale. Le rapport Lugano, son dernier ouvrage, se présente comme un rapport écrit à la demande des «maîtres du monde», qu'on devine être les élites qui se retrouvent chaque année à Davos.
Objectif du rapport: apprécier les menaces qui pèsent sur le capitalisme libéral et trouver les moyens d'assurer sa pérennité.»
«Une dizaine d'experts triés sur le volet par des commanditaires anonymes, mais ne faisant pas mystère de leur influence sur les affaires du monde, sont réunis dans une luxueuse villa sur les hauteurs du lac de Lugano, en Suisse.
Ils ont pour mission de rédiger un rapport qui doit lui-même rester secret.
La religion, poursuit l'auteur, peut trop aisément devenir une source de troubles et de révolte quand les gens ont le sentiment que leurs choix «spirituels» sont violés, si stupides ou malavisées que puissent être en réalité leurs croyances. - il ne faut pas, répétons-le, attirer l'attention et la controverse par la censure, alors qu'il est si simple d'écrire des «best-sellers» qui saturent les libraires et célèbrent le mode de vie capitaliste».
De plus, l'auteur nous signale d'autres « gisements potentiels » sur l'art de diviser et de détourner l'attention «Tout ce qui concerne la sexualité, le corps ou la santé en général peut être judicieusement exploité quand il est urgent de détourner l'attention de questions graves».
On peut aussi signaler comme moyens de perturbation: Le déséquilibre écologique: parce que les pressions exercées sur elle par les économies capitalistes sont considérables, Le capitalisme crapuleux: les activités criminelles à grande échelle peuvent saper les fondements de l'activité économique «légitime», «légale»
L'effondrement financier: les marchés financiers. Le crime banalisé. Face à ces menaces, le capitalisme doit se prémunir. Il l'envisage sans faiblesse. Diviser: non seulement neutraliser tout effort de solidarité, mais exploiter les suspicions, entretenir la haine, créer l'hostilité entre les groupes, Affamer: une réduction provoquée des réserves contribue à la hausse des prix et rend donc plus difficile l'accès aux denrées alimentaires; Propager la maladie privatiser des services tels que l'approvisionnement en eau... Mettre en oeuvre à grande échelle, évidemment sans le consentement des femmes, des programmes de stérilisation.»
Le maître mot est là : Détourner l’attention et avancer masqué, laissant les victimes de cette peste bubonique qu’est le marché, s’interroger sur le sexe des anges, pendant que les affaires se font et se défont, « business as usual » pourrait on dire. Il vient que le cap néolibéral est clair: détruire l'être ensemble. «Le monde économique, s'interroge Pierre Bourdieu, est-il vraiment, comme le veut le discours dominant, un ordre pur et parfait, déroulant implacablement la logique de ses conséquences prévisibles, et prompt à réprimer tous les manquements par les sanctions qu'il inflige, soit de manière automatique, soit - plus exceptionnellement - par l'intermédiaire de ses bras armés, le FMI ou l'Ocde, et des politiques qu'ils imposent: baisse du coût de la main-d'oeuvre, réduction des dépenses publiques et flexibilisation du travail? (...)
Ainsi s'instaure le règne absolu de la flexibilité, avec les recrutements sous contrats à durée déterminée ou les intérims et les ´´plans sociaux´´ à répétition, et, au sein même de l'entreprise. (...)
Le but, poursuit Bourdieu, étant d'arriver à une armée de réserve de main-d'oeuvre docilisée par la précarisation et par la menace permanente du chômage. Pour Pierre Bourdieu, le libéralisme est à voir comme un programme de «destruction des structures collectives» et de promotion d'un nouvel ordre fondé sur le culte de «l'individu seul mais libre».(Pierre Bourdieu: L'essence du néolibéralisme. Le Monde diplomatique Mars 1998)
«Destructeur de l'être-ensemble et de l'être-soi, écrit Dany Robert Dufour, il nous conduit à vivre dans une Cité perverse.(...) Il célèbre désormais l'alliance d'Adam Smith et du marquis de Sade. La valeur symbolique, écrit le philosophe Dany-Robert Dufour, est ainsi démantelée au profit de la simple et neutre valeur monétaire de la marchandise de sorte que plus rien d'autre, aucune autre considération (morale, traditionnelle, transcendante...), ne puisse faire entrave à sa libre circulation. Sous les coups de boutoir de la post-modernité, la civilisation telle que nous l'avons connue risque de disparaître rapidement.
On ne devrait jamais oublier que des civilisations millénaires peuvent s'éteindre en quelques lustres.
* Professeur à l'Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Source et publication: http://metamag.fr/metamag-1815-LE-NÉOLIBÉRALISME-LAMINOIR--Le-fossoyeur-des-identites-et-du-vivre-ensemble.html