Il y a 80 ans : Le 6 Février 1934
La date du 6 février 1934 fait référence à une manifestation antiparlementaire organisée à Paris par les ligues nationalistes.
Elle fut l’occasion de violents affrontements avec les forces de l’ordre sur la place de la Concorde.
- La crise des années 1930 et l’affaire Stavisky
La France a été touchée à partir de 1931 par la Grande dépression, née en 1929 aux États-Unis. La crise économique et sociale frappa particulièrement les classes moyennes.
Or, le pouvoir se révéla incapable d’apporter des solutions, ce qui se traduisit par une très forte instabilité ministérielle (cinq gouvernements de mai 1932 à janvier 1934) contribuant à alimenter le rejet du régime parlementaire.
L’antiparlementarisme fut aussi alimenté par une succession de scandales politico-financiers : affaire Hanau, affaire Oustric, et enfin, cause directe des évènements du 6 février, affaire Stavisky.
Ce nouveau scandale, impliquant le Crédit municipal de Bayonne, éclate en décembre 1933. Apparaît alors le personnage d’Alexandre Stavisky, un escroc lié à plusieurs parlementaires radicaux, dont un ministre du gouvernement du radical Camille Chautemps.
La presse révèle ensuite qu’Alexandre Stavisky a bénéficié de dix-neuf remises de son procès, alors que le Parquet est dirigé par le beau-frère de Camille Chautemps. Le 8 janvier 1934, Alexandre Stavisky est retrouvé mort.
Selon la version policière, il se serait suicidé, ce qui suscite l’incrédulité générale.
Pour la droite, il a été assassiné sur l’ordre de Chautemps, afin d’éviter des révélations. Dès lors, la presse se déchaîne, les ligues manifestent, et, à la fin du mois, après la révélation d’un nouveau scandale, Camille Chautemps démissionne.
C’est un autre radical, Édouard Daladier, qui lui succède le 27 janvier.
Depuis le 9 janvier, treize manifestations concernant cette affaire ont eu lieu à Paris. Comme l’a remarqué l’historien Serge Berstein, l’affaire Stavisky n’est exceptionnelle ni par sa gravité ni par les personnalités mises en cause, mais par la volonté des ligues de faire chuter le gouvernement sur ce thème, profitant du fait que les radicaux n’ont pas la majorité absolue à la Chambre des députés et forment donc des gouvernements fragiles.
C’est le limogeage du préfet de police Jean Chiappe qui provoque les manifestations massives du 6 février.
- Le soir du 6 février
Les forces en présence
Parmi les principales ligues nationalistes présentes le 6 février, on compte l’Action française et ses Camelots du Roi; les Jeunesses patriotes; la Solidarité française et le Francisme de Marcel Bucard.
Sont aussi présents les Croix-de-feu, la Fédération des contribuables, dont les dirigeants ont des objectifs politiques proches de ceux des ligues, et les associations d’anciens combattants : l’Union nationale des combattants et l’Association républicaine des anciens combattants, satellite officieux du Parti communiste français.
L’émeute
Dans la soirée du 6, les ligues, qui se sont rassemblées en différents points de Paris, convergent vers la place de la Concorde, séparée de la Chambre des Députés par la Seine.
Les policiers et gardes parviennent à défendre le pont de la Concorde, malgré les jets de projectiles de toutes sortes.
Quelques émeutiers sont armés, et les forces de l’ordre tirent sur la foule. Les troubles durent jusqu’à 2 h 30.
Finalement, le bilan humain est de vingt-deux morts et 2 309 blessés, parmi lesquels les militants de l’Action française paient le plus lourd tribut.
Ce sont en effet les ligues nationalistes qui ont joué le rôle principal.
S’y sont joints, malgré les dénégations ultérieures du Parti communiste, une partie des manifestants issus de l’Association républicaine des anciens combattants. « Ce sont les Anciens Combattants sans armes qui criaient « À bas les voleurs ! Vive la France » que le Cartel a fait tuer » proclame une affiche de propagande peu après.
Le gros des manifestants de l’Union nationale des combattants s’est tenu à l’écart des événements de la Concorde.
Tandis que, sur la rive droite, les charges des forces de l’ordre parvenaient difficilement à contenir les assauts des émeutiers, les Croix-de-feu avait choisi de défiler rive gauche. Le Palais-Bourbon était beaucoup plus difficile à défendre de ce côté de la Seine, mais les manifestants se contentent d’encercler le bâtiment sans incident majeur avant de se disperser en bon ordre.
Volontiers décrit ensuite par la gauche comme la principale menace fasciste en France, La Rocque s’est refusé à sortir de la légalité et à renverser le régime, ce qui était l’objectif avoué des autres ligues.
À la Chambre des députés, la droite parlementaire tente de profiter de l’émeute pour contraindre le gouvernement à la démission.
Mais la gauche fait bloc derrière Édouard Daladier. La séance est finalement levée après que des échanges de coups ont eu lieu dans l’hémicycle, entre députés de droite et de gauche.
- Les conséquences du 6 février
Démission de Daladier et formation d’un gouvernement d’Union nationale
Dans la nuit, Daladier prend les premières mesures pour obtenir le rétablissement de l’ordre public (il envisage notamment d’instaurer l’état de siège). Mais le lendemain, ses consignes sont peu suivies par la justice et la police.
De plus, il enregistre la défection de la plupart de ses ministres et de son parti. Il se résout finalement à démissionner. C’est la première fois qu’un gouvernement doit démissionner sous la pression de la rue.
La crise se résout finalement avec la formation d’un nouveau gouvernement sous la présidence de l’ancien président de la République Gaston Doumergue, rappelé par Albert Lebrun, ce dont les ligues semblent se contenter.
Qualifié de Gouvernement Gaston Doumergue 2, il regroupe surtout les principales figures de la droite parlementaire (André Tardieu, Louis Barthou, Louis Marin), même si plusieurs radicaux ou le maréchal Pétain (ministre de la Guerre) en font également partie.
Vers l’union de la gauche
La gauche interprète les événements du 6 février comme la preuve d’un complot fasciste. Les socialistes et les communistes contre-manifestent le 9 février.
Les incidents qui les opposent aux forces de l’ordre font neuf victimes.
Le 12 février, la Confédération générale du travail(socialiste) et la Confédération générale du travail unitaire (communiste) décident d’une journée de grève générale et la SFIO et le Parti communiste appellent à une manifestation parisienne qui voit les deux cortèges se mêler à l’initiative de la base.
Cette journée marque un premier rapprochement entre socialistes et communistes.
Elle porte en germe l’union antifasciste entre les deux partis marxistes, ennemis depuis 1920, qui a abouti en 1936 au gouvernement de Front populaire.
La radicalisation de la droite
Après le 6 février, la droite parlementaire durcit son discours et se rapproche des ligues. Plusieurs de ses leaders perdent confiance dans les institutions parlementaires. Cette droitisation s’accélère après 1936, avec le Front populaire et la guerre d’Espagne.
Pour les ligues, le 6 février représente une occasion manquée de renverser le régime, et leur déception suscite le développement d’une association secrète anti-républicaine, connue sous le nom de Cagoule.
Noms des morts du 6 février 1934
On compta vingt-deux morts chez les manifestants (sur le coup ou des suites des blessures dans les jours qui suivirent), un du côté de la police, deux cent cinquante-huit blessés graves chez les manifestants, quatre-vingt-douze dans la police.
Six d’entre eux étaient liés à l’Action française, il s’agit de : Alphonse Aufschneider, vingt-sept ans, valet de chambre, ligueur d’Action Française, tué d’une balle au coeur ; Costa Cambo, quarante-deux ans, allié d’Action Française, chômeur ; Raymond Lalande, 24 ans ; Jules Lecomte, trente-cinq ans, ouvrier chez Renault, mort d’une balle dans le ventre, ligueur et Camelot du roi ; Charles Liévin, 34 ans ; Georges Roubaudi, trente-six ans, industriel, ligueur et membre de l’Association Marius Plateau.
Pour les autres, on ne dispose pas de leur appartenance politique : Raymond Coudreau 49 ans, Louis Ethevenaux 26 ans, Jean-Eloi Fabre 21 ans, Lucien Garniel 16 ans, Corentin Gourland 34 ans, André Javey 39 ans, Marius Labouchaix 42 ans, Henri Lammert 31 ans, Ali Mezziane 28 ans, Jean Mopin 24 ans, Albert Munnier 27 ans, Gratien de Noblens 55 ans, René-Alain Peuzier 29 ans, Raymond Rossignol 37 ans, Alfred Soucary 30 ans, Henri Vaury 29 ans.
"Pour nous, nous n’avons pas à renier le 6 février.
Chaque année nous allons porter des violettes place de la Concorde, devant cette fontaine devenue cénotaphe, en souvenir des vingt-deux morts.
Chaque année la foule diminue, parce que les patriotes français sont oublieux par nature. Seuls les révolutionnaires ont compris le sens des mythes et des cérémonies.
Mais si le 6 fut un mauvais complot, ce fut une nuit de sacrifices, qui reste dans notre souvenir avec son odeur, son vent froid, ses pâles figures courantes, ses groupes humains au bord des trottoirs, son espérance invincible d’une Révolution nationale, la naissance exacte du nationalisme social de notre pays.
Qu’importe si, plus tard, tout a été exploité, par la droite et par la gauche, de ce feu brûlant, de ces morts qui ont été purs.
On n’empêchera pas ce qui a été d’avoir été."
Robert Brasillach, in Notre avant-guerre.
Source : Métapédia