Après la manifestation de la Manif pour tous du 23 avril 2013, plusieurs opposants pacifiques au gouvernement avaient été interpellés, gardés à vue 48h, et déférés devant le procureur après une nuit supplémentaire dans les cachots du Palais de justice, pour une prétendue infraction de non-dispersion d’un attroupement après de prétendues sommations de dispersion que personne n’a jamais entendues.
Vendredi 29 novembre, venait l’un de ces procès devant le tribunal.
Les prévenus, une femme enceinte et son mari (délégué départemental du Parti de la France en Mayenne), déjà parents de 5 enfants, étaient soutenus financièrement par l’AGRIF et défendus par Maître Jérôme Triomphe qui a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité autrement appelée QPC.
Cette QPC, élaborée en concertation avec d’autres avocats intervenant dans des dossiers similaires, mettait en cause l’inconstitutionnalité de l’infraction de non-dispersion.
En effet, les textes qui punissent cette infraction d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende permettent à un simple officier de police de porter atteinte à la liberté individuelle et à la liberté de manifestation en décidant unilatéralement, sans même le contrôle d’un juge judiciaire, pourtant gardien constitutionnel de la liberté individuelle, de mettre fin à un rassemblement quelconque au motif totalement subjectif qu’il pourrait être« susceptible » de troubler l’ordre public.
De même, la loi ne définit en rien quelles sont les modalités d’avertissement des manifestants d’avoir à se disperser, renvoyant à un simple décret, en violation de l’article 34 de la Constitution qui ne permet qu’à la loi de définir les termes d’un délit.
La défense a notamment rappelé la spectaculaire résolution n°1947 de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 27 juin 2013 qui a condamné fermement les répressions policières arbitraires commises tant en Turquie qu’en France à l’occasion des manifestations anti-loi Taubira.
Cette résolution a rappelé le droit fondamental de manifester y compris si les manifestations sont non déclarées ou interdites et a rappelé que le rôle de la police est de protéger les manifestants.
Cette résolution a réclamé que notamment la France mette son droit en conformité avec ces exigences.
C’est ici tout l’objet de cette QPC à laquelle le procureur de la République s’est associé devant son caractère particulièrement fondé.
Le Tribunal de grande instance a ainsi fait droit à cette requête qui va être examinée dans les 3 mois par la Cour de cassation.
Si cette QPC aboutit, elle permettra de renforcer la liberté fondamentale de manifestation tout en mettant fin à un certain nombre d’abus policiers.
L'interview de Matthieu Mautin réalisée le 25 mai 2013 :